Malgré la qualité intrinsèque de l’album, Destiny pourrait être considéré comme une toute petite déception comparé aux deux tueries consécutives qu’on été Episode et Visions. À l’orée de ce nouveau millénaire et avec une horde de groupes issus du revival true heavy derrière lui, Stratovarius va donc devoir défendre son rang. D’autant que, forts d’une tournée triomphale avec Angra, les Finlandais sont enfin reconnus à leur juste valeur dans nos contrées, toujours à la bourre quand il s’agit de metal.
Du coup, s’il y en a encore parmi vous qui doutent du talent de Stratovarius, sachez qu’il faut accorder au sieur Tolkki une capacité hors norme à composer des tubes pour commencer ces albums. D’autant que c’est une des rares affirmations de ce genre qui sont encore vraies aujourd’hui. L’album démarre donc par la très accrocheuse "Hunting High and Low". Point de fioritures : un riff très accrocheur, la batterie qui déboule et à peine le temps de dire ouf que la machine est déjà lancée. Comme d’habitude, la voix très lisse de Kotipelto fait mouche lors de couplets, qui débouchent sur un refrain bien fédérateur, avec les chœurs qui vont bien. Bref, rien de surprenant, mais tant que c’est bien fait, on aurait bien tort de se plaindre. Le problème, c’est que ce constat s’étend à une bonne partie de l’album et lui donne un aspect « pilote automatique » parfois un peu regrettable. Avertissement, donc : si vous n’aimez pas les titres speeds, double pédale calée à fond, passez votre chemin. Parce qu’avec pas moins de quatre titres sur neuf, on est servis à ce niveau-là. Avec divers niveaux de réussite.
Passons direct sur la grosse faute de goût "Freedom". Les cuivres ultra-pompeux (ou plutôt, les synthés) du riff devraient d’ailleurs être punis par la loi. Concentrons-nous plutôt sur les trois autres titres speed de l’album. Un des trois aurait pu se démarquer de la masse puisqu’étant la première compo officielle de Jens Johansson pour Stravoarius. Malheureusement, à part dans l’omniprésence du synthé lead dans le riff, difficile de dissocier "Glory of the World" de n’importe quel autre titre qu'aurait composé Tolkki. "Millenium" est, quant à elle, plutôt accrocheuse, grâce à un départ canon et à quelques ornements bien sentis, notamment un bon riff post-refrain sur lequel Kotipelto s’époumone avec un bon vieux cri, certes un peu limite niveau puissance, mais louable dans l’intention. Terminons par "Phoenix", beaucoup plus périssable et qui se démarque simplement des autres par un break arrêté disposé juste avant le refrain. Bref, si tous ces titres sont de bonne facture et tiennent parfaitement la route, on regrettera tout de même un manque d’ambition et de renouvellement à ce niveau. Pour tout dire, certains n’hésiteraient pas à ranger tout ça dans la catégorie « redite » et ils n’auraient pas forcément tort. Heureusement, Infinite ne se résume pas à ça et certains titres surnagent.
Parlons d’abord de "Mother Gaïa", sujette à controverse. Car Tolkki en profite pour exprimer enfin ses penchants les plus mielleux. Et si certains pourraient ne pas être touchés par le côté épuré et hyper mélodieux du titre, à grands renforts de violons, ce n’est pas le cas de votre serviteur. Au contraire, cela fait plutôt du bien d’entendre un groupe de metal mélodique, genre de tous les clichés, prendre ce genre d’initiatives, au risque de se mettre quelques fans à dos. On regrettera simplement un finish un peu long, mais pour le reste, ce titre pourra vous transporter, pour peu que vous en acceptiez la vraie nature. Mais point d’inquiétude, si ne jurez que par le heavy metal, le penchant couillu de "Mother Gaïa" est là. Titre à tiroir dans la lignée des titles track précédents ("Visions", "Destiny"), "Infinity" s’inscrira dans votre cerveau durablement grâce à un riff mid-tempo très pesant, appuyés par des chœurs du plus bel effet. Les variations au sein du morceau permettent de garder éveillé l’intérêt de l’auditeur. Dommage que la section solo soit un peu plus faible, avec un Jens Johansson pas très inspiré, car on aurait tenu un truc sacrément ultime sinon. En l’état, le titre reste tout de même une sacrée tuerie.
Alors, si l’on peut avoir un regret concernant Infinite, c’est que Stratovarius ne maintienne pas ce niveau d’ambition tout au long de l’album. Car même si l’ensemble se tient très bien, sans aucun temps mort ou presque, on a l’impression que les Finlandais peuvent définitivement mieux faire, mais ne s’en donnent pas la peine, préférant jouer la sécurité auprès des fans en leur servant ce qu’ils attendent.