CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-Robert "Robse" Dahn
(chant)
-René Berthiaume
(guitare+claviers)
-Andreas Völkl
(guitare)
-Sandra Völkl
(basse)
-Tuval "Hati" Refaeli
(batterie)
TRACKLIST
1)In Heiligen Hallen
2)Der Ewige Sieg
3)Verbrannte Erde
4)Die Affeninsel
5)Der Wassermann
6)Aus Ferner Zeit
7)Fahrtwind
8)Wenn Erdreich Bricht
9)Kurzes Epos
DISCOGRAPHIE
L’expérience le montre : le folk metal, très souvent, ça sent la bière. Mais attention : pas la canette de Kro qu’on ingurgite amèrement vautré dans un canapé alors qu’on s’inflige un France-République du Togo qui nous fait presque regretter d’avoir quitté le boulot ; non, là, on parle plutôt d’une Trappiste qu’on déguste en agréable et bruyante compagnie dans une boooonne aubeeeerge, où les serveuses sont girondes et le tenancier fort gai. Ça hurle, ça tape du pied, ça cavalcade et ça raconte des histoires dont on ne pige pas un traître mot mais qu’importe, l’ambiance est là et c’est bien ce qu’on demande.
Les Allemands d’Equilibrium l’ont compris et avec Rekreatur, ils ne font pas de fioritures : pas de biniou ou de cornemuse dans les parages, pas de concept-album sur la choucroute des Dieux, le champ est libre pour la fête à toute berzingue. Et ça ne met pas longtemps à décoller : après l’intro marche militaire de rigueur, "In Heiligen Hallen" lâche la bride – mais pas la pression – et montre que les Teutons s’y connaissent en gestion de patate. C’est aussi une excellente carte de visite de toutes les caractéristiques du groupe, notamment la prédominance des claviers, qui s’en donnent à cœur joie dans les charges de cuivres et les sonorités plus ou moins exotiques qui ne se départissent jamais d’un côté pouet-pouet. Ça tomberait à plat si l’entreprise était sérieuse, mais vu que la bonne humeur est de mise sur pratiquement tout le disque, c’est plutôt une naïveté sympathique qui transparaît.
Enfin, naïveté… n’allez pas croire qu’Equilibrium fait dans le folk à papa ; on est quand même entre guerriers, et quand on se prend dans les bras c’est avec toute la camaraderie virile que l’on peut attendre de brutes assoiffées de houblon. Comprendre : c’est musclé, c’est véloce, et la voix tantôt criarde, tantôt caverneuse du bon Robert n’est pas là pour rassurer les petits enfants. Autre dimension à signaler : les Allemands font dans la musique épique. Très. Ce n’est pas parce qu’on fait les cons dans une taverne qu’on n’a pas le droit de voir les choses en grand, et quand la troupe se lance dans une histoire, elle y met les moyens, que ce soit en termes d’arrangements – et la production, bien massive, renforce cette impression de plein – ou d’espace : entre 5 et 9 minutes par titre. Ça n’empêche pas le groupe de faire aussi dans le « tube » bien troussé ("Der Ewige Sieg" ou "Die Affeninsel", tout en rapidité et en thèmes bétonnés), mais que l’auditeur s’attende aussi à du maximalisme et des structures à tiroirs ici et là.
Malheureusement, ce caractère épique ne fonctionne, disons… qu’au cas par cas. Commençons par "Aus Ferner Zeit", une franche réussite qui évite le piège de l’intro ronflante et débarque toutes griffes dehors, orchestrations grandiloquentes dans tous les sens : et ça marche, parce que les mélodies sont là, que les sections instru arrachent, que la progression se fait sans à-coups, et que l’équilibre entre sérieux et déconne ne vacille jamais. Résultat en demi-teinte toutefois pour "Kurzes Epos" : si terminer sur un instrumental de 13 minutes est plutôt courageux, les différents mouvements s’enchaînent mal et laissent une impression de décousu pas folichonne. Quant à "Wenn Erdreich Bricht", la seule « ballade » de Rekreatur, c’est un beau ratage. Des piliers de bar qui se la jouent lyrique et sentimental, ça a toutes les chances de foirer à moins d’être soi-même à plus de 2 grammes dans le sang. Mention spéciale à l’outro horrible feat. la soprano du dimanche qui nous laisserait sur un très mauvaise impression, s’il n’y avait "Kurzes Epos" pour rattraper – un tant soit peu – la boulette…
Dommage pour ce dernier tiers d’album qui s’essouffle, mais bon, faut croire que gérer la fermeture du troquet n’est pas chose aisée. Et puis ça ne nous aura pas empêchés de passer un bon moment avec ces Allemands : sauvages, enjoués, inspirés, ils se sont fait plaisir et nous avec. Le folk metal, c’est peut-être un peu toujours la même chose, mais tant que l’envie sera là, ça restera bonnard.