Vous le savez, la scène allemande est et a toujours été un énorme pourvoyeur de groupes de métal. Des vieux groupes de thrash des 80's au métalcore le plus récent, tous les genres ou presque sont représentés, avec plus ou moins de réussite. Le groupe auquel on va s'intéresser aujourd'hui appartient plutôt à la frange moderne du métal teuton, puisque Neaera, fondé en 2003, est à la base un groupe de deathcore. Rah non, même les Allemands s'y mettent au deathcore ?
Et là j'aurais envie de répondre : oui mais non. Car si en effet, la base de la musique du combo s'avère clairement deathcore, à base de saillies death blastées, de séquences thrash et de ralentissements pachydermiques, les Teutons n'hésitent pas à mélanger ces éléments avec des plans plus « tradis » tirés du death mélo, voire du death classique ou du black. Pour être tout à fait clair, on pourrait même dire que le groupe change un peu de style entre les morceaux : en effet, difficile de rapprocher l'opener ''Heaven's Descent'', typiquement deathcore mélo, à un ''Eight Thousand Sorrows Deep'', morceau typiquement black metal. Le côté positif est évidemment la variété de l'ensemble, qui ne lasse pas, mais qui en contrepartie manque tout de même un peu de cohésion. Néanmoins, cet aspect ne doit pas occulter les qualités de cet opus, qui sont nombreuses. Déjà, une prod' de qualité, puissante et claire sans sonner trop synthétique ou aseptisée (en même temps, Tue Madsen a mixé l'abum). Ensuite, un côté mélo norvégien presque viking métal imprégnant l'énorme majorité des compos, ce qui n'était pas forcément le cas sur leurs précédentes sorties. Nombre de plans rappellent en effet un Amon Amarth au meilleur de sa forme par leur côté puissant et épique hyper prononcé (sur ''Sirens of Black'', 'And to Posterity a Plague''' ou ''In Defiance'' par exemple), où la double pédale au taquet suit des longs riffs mélodiques joués pied au plancher.
Du bon boulot donc, et quelques petites surprises même : l'interlude ''Certitude'', moment de grâce typiquement post rock planant sur l'album, ou encore l'excellent ''Eight Thousand Sorrows Deep'', morceau typiquement black que j'évoquais plus haut, même si on a parfois un peu l'impression qu'il s'est « perdu » sur l'album tant il tranche avec les autres. Après, tout n'est pas parfait, et le bât blesse sur un certain nombre de points : la fin de l'album est bien moins intéressante, l'aspect metalcore est encore assez marqué, et les séquences thrash manquent parfois singulièrement de patate (''In Defiance''). Assez peu de gros breaks deathcore poussifs (à la Despised Icon quoi) à signaler cependant, ceux présents sur l'abum étant plutôt réussis. Le chant quant à lui, est plutôt bon dans un genre typiquement deathcore, alternant voix criarde aux hurlements aigus et growl plus classiquement guttural (du Black Dahlia Murder quoi). Finalement, force est de reconnaître que le groupe maîtrise quand même sacrément son propos (expérience oblige). Certains riffs sont juste excellents, inventifs et brillamment exécutés (sur ''Arise Black Vengeance'', sans doute le meilleur morceau de l'album) et la section rythmique assure, bien que le batteur aie un peu tendance à en faire des caisses à la double, blindant les couplets et refrains de celle-ci à la moindre occasion.
Bref, vous l'aurez compris à la lecture de ce papier, cet album m'a partagé. Bourré de qualités, il manque cependant foutrement d'originalité et bouffe un peu à tous les râteliers. Difficile de dégager une identité forte de ce groupe, et en même temps impossible de ne pas reconnaître la qualité de son travail. Un groupe à suivre c'est certain, et du très bon boulot donc, mais qui manque encore un peu de cohérence, d'un peu d'originalité voire de quelques gros tubes pour s'imposer sur une scène de plus en plus fournie. On leur souhaite d'y parvenir.