Quatre ans d’attente ! Dimmu Borgir ne se lasse plus de faire attendre ses auditeurs chéris toujours plus nombreux. Il faut dire que la tâche est dure: toujours faire mieux. Et les membres eux-mêmes ont beau dire qu’ils ne font de la musique que pour eux-mêmes, on ne les croit qu’à moitié. Toujours est-il que Dimmu Borgir est un groupe qui marque, qui d’album après album apporte des clés ouvrant de nouvelles portes, éclaircissant la voie aux combos moins chanceux. Alors qu’en est-il du dernier opus In Sorte Diaboli, presque concept album sur le thème d’un prêtre incarnant au fil de sa vie la deuxième venue de l’antéchrist ? Il est de toute façon certain que le combo norvégien franchit ici un pas moins important que ce à quoi nous avions été si heureusement habitués par le passé.
C’était de toute façon chose compliquée après l’enchaînement diaboliquement bon de Enthrone Darkness Triumphant, Puritanical Euphoric Misanthropia et enfin de l’extrême et orchestral Death Cult Armageddon, dont le point d’exclamation a été en 2005 le réenregistrement de l’incontournable Stormblåst. Cette brochette de succès est incontestable, c’est pourquoi il est dur de placer aujourd’hui In Sorte Diaboli, album moins marquant mais racé, puissant, fleurant bon le retour aux sources sans toutefois négliger les quelques orchestrations dignes du groupe ni les vocaux clairs et frissonnants de Vortex, peu fréquents mais puissants. La légende vivante Hellhammer est derrière les fûts, ce qui apporte qu’on le reconnaisse ou non une aura diabolique supplémentaire à cette oeuvre qui en avait déjà une belle. Coup de pub ou réel investissement ? Au final tout le monde s’en fiche, puisque le résultat est fin, nuancé tout autant que puissant, et c’est cela qui compte.
Concrètement, In Sorte Diaboli se désenchante pour retrouver sa bête noire, reprend la puissance de la précédente réalisation du groupe épurée des orchestrations démonstratives et y inculque une dose de rage supplémentaire. Ce retour n’est pas sans rappeler ceux de Rotting Christ ou Mahyem… Quelque chose plane dans l’air, rappelant les âmes sombres à la terre de leurs pères. Profitons-en… ! Et c’est alors qu’après "The Serpentine Offering", titre purement Hollywoodien et guère surprenant mais réussi dans la pure lignée du dernier Death Cult Armageddon, un creux se forme. Oui ! C’est terrible ! Les musiciens sont partis se fumer une roulée jusqu’au quatrième titre. En effet, quoique directs et non dépourvus d’une aura assez maléfique, "The Chosen Legacy" et "The Conspiracy Unfolds" ne laissent pas grande trace de sang sur le chemin. Les riffs sont connus. L’enchaînement de parties thrash et de plans plus mélodiques ne le sont pas moins… Heureusement donc que "The Sacrilegius Scorn" sonne comme un flash back, comme une gifle nous rappelant à l’ordre d’un Enthrone Darkness Triumphant qui n’est pas près de se faire oublier, de par son introduction symphonique et ses ambiances purement dramatiques. Un des meilleurs titres de cette galette dont la puissance fera parler d’elle sur scène. L’inquiétant intermède "The Fallen Arises" à la teinte aussi sombre qu’ethnique nous fait reprendre notre souffle.
La deuxième partie de l’album s’avère tout aussi encourageante et nuancée avec une offrande charismatique, emmenée par des orchestrations à la fois chaotiques, énergiques et enivrantes. Les breaks se font pesants et l’on se retrouve enfin dans la dramaturgie musicale si chère à Dimmu Borgir, où chaque invective vocale est un sermon, un destin, une fin annoncée. L’alliance de la violence orchestrale et des riffs aiguisés convient à merveille à l’atmosphère dégagée par ce chant possédé et ces chœurs parfaitement antichrétiens. C’est ainsi que se présente "The Sinister Awakening", avant ce qui risque de devenir un autre classique: "The Fundamental Alienation", où toute la puissance du démon se libère enfin avec hargne et violence, par laquelle la pureté expéditive est parfaitement atteinte. L’album se termine avec un complètement dispensable "The Invaluable Darkness", suivi de "The Foreshadowing Furnace", titre à la composition différente de tout ce que nous avons entendu avant. C’est bien cela, il y a bien un petit quelque chose de Mayhem dans ces arpèges, ces mélodies torturées, déstructurées, morcelées… belle fin, vraiment.
Il va de soi que chaque pays ou région du monde sera gratifié de son bonus, pour le plaisir des uns et la rage des autres. En attendant, Dimmu Borgir signe un album complet, hétérogène tout autant qu’inégal, au son évidemment puissant, épuré des très chères orchestrations qui en rebutaient plus d’un et surtout d’une intense puissance reconnaissable parmi toutes. Et pourtant… In Sorte Diaboli me fait penser à son homologue de 1999 Spiritual Black Dimensions, en rien mauvais mais en rien absolument immortel, un peu comme une transition vers une ère nouvelle, vers un renouvellement spontané. Seul l’avenir le dira.