Si je suis rassuré ? Oui, indubitablement. Évidemment, la peur que Samael réédite le ratage de Above a été présent jusqu’à ce que je puisse découvrir dans son intégralité ce Lux Mundi, et ce même si Antigod, l’EP sorti il y a peu, avait rassuré ceux qui comme moi faisaient encore des rêves troublés pleins de blast-beats, de production agressive et baveuse et de compositions trop brutes et mal dégrossies. Pour autant, il s’agit de ne pas se monter le bourrichon et de rester réaliste : le Samael de la (très) grande époque, c’est fini.
Enfin, soyons honnêtes et optimistes : jusqu’à preuve du contraire. Pour ce qui nous occupe présentement, il faudra se résoudre à ranger Lux Mundi parmi les albums de Samael un peu génériques, très lisses et proprets, qui rappelleront alternativement Reign Of Light et Solar Soul mais aussi ici ou là Passage ou Eternal. Ceux qui connaissent l’intégralité de la discographie des Suisses sauront donc bien de quoi il s’agit : du métal synthétique, qui n’a plus rien de black hormis peut-être certains thèmes et l’approche un peu grandiose des claviers, mais qui conserve ce côté martial, puissant et dont l’efficacité n’est pas basée sur une violence à outrance mais sur un charisme qui doit beaucoup à la voix de Vorph et aux rythmes souvent posés mais chaotiques que nous concocte Xy. L’identité du groupe est toujours aussi unique, le son racé et les compositions ont toujours cette touche qui les caractérise depuis un moment, même s’il leur manque en 2011 le petit quelque chose qui les rendait si attachants il y a quelques années.
Ça n’est pas faute d’avoir mis les petits plats dans les grands : "Of War" aurait pu figurer sur Passage, "Mother Night" sur Eternal, "For a Thousand Years" rappelle Exodus quand "The Shadow of the Sword" mixe un peu tout cela pour donner au final un mélange sympathique, réussi, que l’on pourrait presque qualifier de consensuel tant Samael ne risque que peu de choses avec Lux Mundi. Peut-on alors parler de retour aux sources, de la même manière que le baratin promotionnel nous vendait Above il y a deux ans ? Indéniablement, la réponse est cette fois : oui. Plus sombre et plus violent que Reign Of Light et Solar Soul, Lux Mundi se rapproche de Passage et de Eternal, sans pour autant parvenir à ne serait-ce que les faire trembler sur leur socle. Alors qu’aucun titre ne pourrait être qualifié de génial, certains sont plutôt médiocres, tels que "Luxferre" (malgré un bon refrain), ou "Antigod", "Pagan Trance" et "Soul Invictus", relativement convenues pour un groupe comme Samael.
Pris dans son ensemble, Lux Mundi se laisse approcher et digérer sans trop de timidité, même s’il gagne à être abordé quasiment titre par titre. Les presque cinquante minutes de cet album sont relativement longues à s’envoyer d’une traite, mais sortir certains titres de leur contexte les rend bien plus accrocheurs et efficaces. Par exemple, "The Truth Is Marching On", avec son blast d’introduction rappelant subtilement qu’Above est passé par là, s’écoute très bien toute seule, mais en fin d’album, elle perd de son intensité. Ou encore le moyen "In the Deep", coincé au milieu de la track list dans laquelle il a tendance à se noyer, révèle pour qui y prête un peu attention de bons rythmes légèrement tribaux certes déjà entendus chez Samael, mais bien mis en valeur par le clavier de Xy, toujours friand d’arrangements simples mais efficaces, permettant aux guitares de rester dans un rôle presque rythmique quand la mélodie vient des nappes surplombant le tout : indéniablement, cela fait partie de la « Samael’s Touch ».
Lux Mundi n’est donc pas un excellent album de Samael : il est un album de retrouvailles, qui permet de se dire que quand Xy et Vorph ne partent pas dans des délires pas toujours faciles à suivre (et il est bien évidemment question ici d’Above), ils n’ont pas oublié ce qui a fait la gloire de Samael, ce mélange si bien dosé de grandeur et de rébellion qui a accouché d’œuvres grandioses comme Passage ou Eternal. Lux Mundi en est le juste descendant, même s’il n’en a ni la luminosité ni l’aura : tant pis, c’est déjà réjouissant.