J’aime bien les albums live. Quand il s’agit d’un groupe que je ne connais pas, je le considère comme un best of idéal pour une éventuelle bonne découverte, sorte de synthèse d’une carrière avec une petite plus value. Pour un groupe que je connais, c’est le plaisir d’entendre les morceaux que j’aime déjà, avec une petite plus value. Certes, tous les albums en public ne livrent pas leurs promesses, on se retrouve des fois avec des trucs tous pourris, mal exécutés et sous-produits. Ce The Link Alive, lui, donne plus que ce qu’on aurait pu en attendre.
A l’époque, en 2003 donc, la renommée et la réputation de "bête de scène" de Gojira n’existe pas, en dehors du cercle fermé des habitants de Bayonne et des environs. Vivant à Toulouse, avec un très bon ami d’Anglet (à côté de Bayonne pour les billes en géographie), j’avais eu la chance de découvrir le groupe tôt avec le très bon Terra Incognita. Du coup, les Gojira, je les ai côtoyé tôt aussi sur scène. Et bien que jeune, le groupe était déjà impressionnant dans cet exercice. Pourtant, lorsque j’ai visionné et écouté ce The Link Alive, j’ai halluciné. Etait-ce vraiment eux ? Le fait de ne pas être dans la fosse, et de bénéficier d’une prise de son exceptionnellement bonne, m’avait fait prédire quelque chose qui est aujourd’hui vérifié : les Basques iraient loin. Les Basques n’auraient pas qu’une petite carrière régionale. Les Basques deviendraient gros. Parce que les Basques étaient ce qui se faisait de mieux dans le monde entier de tout l’univers de ma petite vie d’étudiant.
Je veux vous parler du CD en premier. Parce qu’il faut bien commencer quelque part. Et ça va aller vite. Tout semble pensé pour qu’on ait le droit à la totale. De la brutalité brutale avec les quatre premiers titres absolument imparables ("Remembrance", pur death technique bien pensé et pas bas du front pour un sou, groovy et ambiancé, "Death Of Me" en morceau syncopé et ses parties de blast dans la tradition Morbid Angelienne, "Love" et son démarrage lent et ses couplets portés par une double furieuse, "Embrace The World" et son riff sinueux et malsain, sa partie finale à décorner des boucs), deux interludes de batterie démonstratives mais dantesques (un gimmick régulier pour le groupe, et il faut avouer que c’est assez rare de ne pas s’emmerder pendant un solo d’instrument quand il fait 60°C dans la salle et que la proximité humide de corps transpirants et collants se fait intime), une petite pause calme et planante ("Terra Inc."), du re-brutal brutal avec "Wisdom Comes" et son tapping en twin et sa basse rondouillarde (sa basse ! Un bassiste de death qui n’est pas noyé dans les grattes ! En live !!!)… Bref, y a à manger et à boire.
Et puis bon, on ne peut pas ne pas parler de cette version énorme de "Blow Me Away", qui passe de 5 minutes sur la version studio, à près de 11, avec son riffing qui tourne et retourne et retourne et… "The Link", en death méchant et syncopé, et "Clone" clôture le tout, avec cette patte reconnaissable (mélodies assez originales pour le genre, batteur métronomique, ambiance Morbid Angel améliorée). Mario Duplantier est phénoménal, son frangin fait des merveilles derrière le micro (sauf quand il s’adresse au public en growlant, aïe), le bassiste déboite, les grattes sont bien mixées, ça ne sent pas l’overdub à plein tube, et c’est juste très bien fait. Hop, maintenant je fais une chronique du CD pour ceux qui n’ont jamais entendu une note de Gojira mais qui veulent commencer : achetez cet album, il possède tous les ingrédients qu’il faut pour passer un bon moment, 14 titres d’un death technique dépoussiérant intelligemment les habitudes de la branche floridienne du genre. Vraiment. Je vous le rembourse si vous n’aimez pas.
Parlons un instant du DVD parce que, à ma connaissance, il n’est plus possible de trouver l’un sans l’autre. C’est bien simple : je n’ai jamais vu ça (ou rarement, soyons honnête). Vous voulez quoi ? Le live ? Il y est, avec une petite intro en plus (celle qu’on retrouve sur l’album Link, genre tribale qui fait monter la sauce) et "In The Forest" petit bijou de death machine-à-coudre, avec les gros plans sur les pieds de Mario pour admirer son incroyable précision. L’image est bonne, c’est bien monté, on s’y croirait sans les inconvénients liés à n’importe quelle salle (température, bruit, coups et blessures) et voir le groupe interpréter ses morceaux, ça calme. Ensuite? Vous en voulez plus ? Genre un documentaire sur la vie de groupe lancé sur la route? Allez, "Gojira Sur La Route", c’est pour vous. A la fois mélancolique, drôle, instructif et dynamique, ce docu est un petit bijou à regarder avec des potes, même s’ils n’aiment pas la musique ("on mange bien à G’nève", "il a un beauvélo c’gars lô" deviendront sûrement de solides private joke). Un truc plus n’importenawesk ? Le docu-fiction débile "Gojistory". Des clips ? Ceux de "Love" et de "Deliverance". Pfiou. Rassasié ?
Allez, ça ne sert à rien de continuer, si ? Vous l’achetez, vous prenez votre kif comme pas possible, et vous vous dites que c’est un groupe français, que c’était à Bordeaux en 2003, qu’ils ont depuis sortis deux albums plus que solides, tournée un peu partout (dont aux States), que Roadrunner vient de les signer, qu’ils ont été félicité par Metallica avec qui ils ont joué, que Joe Duplantier a tenu la quatre cordes sur un album des frangins Cavalera, que…