« Garçon, la suite, et vite ! » C'est par cette formule que je bouclais ma chronique de Blood Of The Nations, le remarquable album de reformation d'Accept. Ce vœu a été exaucé, puisqu'à peine 18 mois après, voilà que déboule déjà son successeur, Stalingrad. Cela peut paraître rapide aujourd'hui, mais faut-il rappeler qu'Accept a pondu quasiment un chef d'œuvre par an au début des années 80 ? Par contre, j'ai omis de préciser que je voulais que cette suite soit du même niveau, mais j'imagine que les gars avaient saisi…
Blood Of The Nations se focalisait sur la facette le plus heavy d'Accept, celle de Restless And Wild. Aucun changement de cap à signaler sur Stalingrad, mais on notera tout de même une sévère cure d'amincissement : 10 titres au lieu de 12, et une durée moyenne en nette baisse. Résultat, un album de 51 minutes au lieu de 67, ce qui à priori n'est pas forcément un mal, le menu de Blood Of The Nations étant peut-être un peu trop copieux avec le recul. Imaginons que celui-ci ait été amputé de 2 morceaux un peu plus faibles, comme "Rolling Thunder" ou "Locked And Loaded" : il aurait tout simplement été parfait. Bonne nouvelle donc, non ? Ouais… sauf que la matière première de Stalingrad n'est pas tout à fait au niveau de celle de Blood Of the Nations, et que malgré une récolte limitée à 10 titres, l'ivraie s'est tout de même mêlée au bon grain.
Evidemment, les éléments qui ont fait toute la gloire d'Accept sont là, et ils se résument presque à un nom : Wolf Hoffmann. J'ai l'impression de me répéter, mais ce mec est un dieu, et chacune de ses interventions est un régal pour les oreilles. On parle bien sûr de ses solos, mais aussi de toutes les petites fioritures qu'il amène et qui donne de la couleur aux morceaux. La meilleure illustration : "Hellfire". Dans les mains du premier Primal Fear venu, vous avez un morceau de heavy complètement banal ; joué par Accept, sans accéder au rang de chef d'œuvre impérissable, il prend déjà une toute autre dimension. Et sa façon de faire pleurer sa guitare sur l'intro de 'Shadow Soldiers"… Incontestablement, au niveau de l'interprétation, Wolf est au sommet de son art – c'est déjà plus discutable au niveau de la composition, mais on y reviendra.
Pourtant, l'album commence de façon plutôt prometteuse. Un bon brûlot pour commencer avec "Hung, Drawn And Quartered", le petit frère de "Beat The Bastards", puis vient le premier gros morceau de l'album : "Stalingrad". Avec un thème comme celui-là, Accept joue sur du velours : les fameux chœurs style Armée Rouge sont en plein dans le sujet, et Wolf peut se faire plaisir en incluant une relecture de l'hymne soviétique dans son solo. Il faut attendre le mid tempo "Shadow Soldiers" pour avoir un second morceau du même calibre, et même plus. Voilà sans doute le premier titre du Accept new look à pouvoir prétendre au titre de classique, au même titre que les plus grands morceaux des années 80. L'heure est à la mélancolie, avec un Tornillo tout en retenue, les arrangements sont magnifiques et le refrain tout simplement sublime. Et quel solo nom de Dieu !
Malheureusement, le reste est loin d'atteindre ce niveau d'excellence. Des bons titres, il y en a quelques uns comme le racé "Us Against The World" ou "Twist of Fate", autre mid tempo un peu plus recherché que la moyenne. Le problème, ce sont plutôt tous ces titres de heavy basique pas forcément dégueu, mais qui donnent l'impression qu'Accept s'est contenté du minimum syndical. La première fois, avec "Hellfire", on se dit que c'est un peu bateau, mais que par rapport aux Primal Fear, Sabaton et autres Hammerfall, c'est bonne nuit les petits, Papa est rentré à la maison ; avec "Flash To Bang Time", on se dit qu'un petit coup de speed bas du front ne peut pas faire de mal ; avec "Revolution", on peut encore se laisser séduire par l'enthousiasme débordant ; arrivé à "The Quick And The Dead" ou "The Galley", on se dit qu'ils se sont quand même pas trop foulés.
Incontestablement, dans le petit monde du heavy metal, quand les sieurs Baltes et Hoffmann daignent se creuser un peu le ciboulot, il y a Accept et les autres, loin, très loin derrière ; par contre, faudrait peut-être veiller à le faire un peu plus que deux fois par album, parce que sinon, c'est pour se contenter de faire du heavy allemand de base, merci bien, on a déjà U.D.O. et une ribambelle d'autres groupes du même genre. Allez, comme c'est la première fois et qu'il faut reconnaître que pour du basique, c'est quand même rudement bien fait, ça ira pour cette fois ; par contre, pour la suivante, on attend clairement autre chose.