« Raaaaahhhhhhhhhh putain ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis enfin ! ». Certes, il existe des manières plus élégantes de débuter une chronique, mais après mûre réflexion je n'ai pas trouvé de formule exprimant plus sincèrement l'inatteignable niveau de kiff que j'ai pu ressentir à l'annonce de la livraison imminente du dernier monstre des Koloss d'Umea. On parle bien évidemment de Meshuggah, groupe copié par beaucoup mais concurrencé par aucun, crew légendaire aussi fou que novateur et brillant, équipe de tueurs aux doigts de fées, bref, Meshuggah est Kolossal et cette chro totalement biaisée.
Totalement ? Morbleu non, car ce serait faire trop grande insulte au lecteur. En effet l'effort d'écoute, d'analyse et de rédaction que peuvent représenter l'écriture sérieuse d'une chronique (surtout sur un groupe à propos duquel les avis sont aussi tranchés et enflammés) ne saurait déboucher sur une simple dithyrambe délayée et dénuée de toute nuance et d'une certaine distanciation de l'auteur. De l'objectivité bordel ! Mais que c'est difficile avec ce groupe...Bref. Après un Obzen généralement jugé comme excellent (à juste titre) et une tournée de stakhanoviste ayant encore bien pris le soin d'éviter la France à de rares exceptions près (mais qu'ont-ils donc contre le pauvre public hexagonal ?), Meshuggah revient donc en force avec Koloss, son 7e opus en 23 ans d'existence (« Respect au maximum », dirait Mouss de Mass Hysteria, qui s'y connait pas mal en respect). Et force est de constater que, ouf Dieudumétal merci, Meshugg' fait toujours du Meshugg'. Ça syncope, ça polyrythmise, ça groove maladivement et très lourdement ("Demiurge", "Do Not Look Down", quel pied!), Jens hurle tout aussi monolitihiquement que d'habitude, bref le terrain est balisé, Meshuggah n'ayant finalement connu que de relatives évolutions dans son style (OK, il y a un monde entre Chaosphere et Catch 33, mais ça reste du Meshuggah et ça s'entend très immédiatement, qu'on ne vienne pas me soutenir le contraire).
Quand on trouve son style et qu'on le maitrise, on s'y tient (cf. jurisprudence Fabien Ontoniente « comédies pas drôles pour beaufs de France » ou jurisprudence Europa corp. « nanars d'action fourrés aux putes en péril, au karaté et aux Audi »). Mesh' fait donc du Mesh', mais fait-il de l'encore meilleur Mesh' que sur le fabuleux Obzen? Difficile à dire. Mais après plusieurs religieuses écoutes, il faut bien reconnaître que non. Les fous d'Umea maintiennent une sorte de vitesse de croisère, ce Koloss ayant ses morceaux de bravoure comme Obzen avait les siens, la même chose pour les faiblesses. Au rang des franches énormes réussites on peut citer la virulente "The Demon's Name Is Surveillance" (qui fait un peu écho à "Bleed" sur Obzen) sur laquelle Thomas Haake fait encore des merveilles à la double, ou la très catchy "Do Not Look Down" et son groove implacable. L'opener "I Am Kolossus" est par contre beaucoup plus neutre, de même que les très ambiancées "Behind The Sun" ou XXXXX, morceaux typiques des plus gros délires Meshuggiens et dans lesquels il n'est vraiment pas aisé de rentrer. Il faut aussi reconnaître, à la décharge des grands anciens, que le djent qu'ils ont tout de même quelque peu inventé est aujourd'hui un genre en plein essor, charriant certes un paquet de tâches mais aussi quelques groupes très prometteurs.
On pense aux déjà-vétérans de Textures et à leur passage plutôt bien négocié vers un genre plus mainstream (contrairement à Architects ou After The Burial qui se sont eux lamentablement vautrés), à TesseracT ou Periphery et leurs velléités de superstars du djent, à Animals As Leaders ou aux barges de Vildhjarta dont le premier album est un monstre en son genre. C'est donc à chaque fois un peu moins surprenant et impressionnant que par le passé d'entendre les délires des kolossaux Meshuggah. Il n'en reste pas moins que les maitres du genre sont toujours dans la place et ont toujours la capacité à en remontrer aux jeunes loups de la scène. Si le style musical a été maintes fois repris, modifié, voire amélioré par certains groupes, les ambiances développées et la folie habitant l'ensemble des compos de Meshuggah reste, elle, inimitable, ne serait-ce que par la présence de Jens Kidman et de son chant rythmique si particulier et la texture de ce son, incomparable. Bref, Meshuggah n'a rien perdu de sa qualité de composition ("Do Not Look Down"), de sa puissance de frappe ("The Demon's Name Is Surveillance", "The Hurt That finds You First") et de son invraisemblable qualité technique ("I Am Kolossus"). Dans le même sens, Meshuggah reste un groupe relativement abscons pour le profane, et qui se laisse encore parfois un peu trop emporter par sa folie vers des horizons plus difficilement compréhensibles et accessibles, mais toujours hyper intéressantes et personnels ("Swarm" ou "I Am Kolossus" par exemple).
Bref, Mesh' reste Mesh', et pourvu que ça dure ! Un groupe définitivement à part, pour toujours. Si vous n'avez jamais aimé, ce n'est pas avec cet album que vous vous y mettrez (je conseillerais plutôt Catch 33, un peu plus «easy listening» à mon sens, voire Destroy Erase Improve, base de leur son), clairement. Si vous avez toujours été fan, jetez vous dessus sans réfléchir, le kiff sera bien évidemment au rendez-vous. Pour les autres, les Malcolm in the Middle en somme, tentez ou re-tentez le coup ! Ce groupe est unique, bordel, et même si ça manque de leads guitares mélo et de types qui chantent sur les guerres contre des dragons, ça reste du putain de métal de fou, et à jamais un pilier incontournable de ce style tant chéri. All Hail Meshuggah !