Que peut-il bien rester d'un groupe après le départ des trois cinquième du personnel et, pis encore, lorsque ne subsiste au sein de l'entité qu'un seul et unique membre de la formation originelle? Cette triste mésaventure est celle de Mnemic, version 3.0, dans laquelle Guillaume Bideau, chanteur arrivé sur le troisième opus fait désormais office de vieux loup. On aurait pu craindre le pire, mais visiblement, la personne morale Mnemic aura su passer ce cap sans trop de problèmes tant la musique proposée par elle reste fidèle à ce qu'elle fut.
Fidèle, certes, mais fidèle au Mnemic post-Passenger. Cette cuvée 2012 n'apporte donc ni révolution musicale, ni retour aux sources flamboyant. Le thème reste futuriste, Tue Madsen reste aux commandes, blabla... La routine quoi. Il semble que l'on tourne légèrement en rond au Danemark. Quelques écoutes distraites pourraient en effet conclure à ce constat. Les riffs « un peu polyrythmiques » sont toujours de mise et assez semblables les uns aux autres, les discrètes touches futuristes sont tellement attendues qu'elles ont beau être discrètes, on ne voit qu'elles et, plus embêtant, les structures sont prévisibles au possible. Et vas-y que je démarre sur un riff costaud, qui embraye sur un couplet hurlé, avant de m'amuser sur un joli refrain clair. Et ne pas oublier de casser le rythme vers 3:30 surtout. C'est important, de casser. On aimerait se prendre une torgnole cybernétique ultra-violente : on se retrouve câliné par du prévisible et de l'accessible. C'est un peu tout le paradoxe Mnemic depuis Passenger. Le grain de folie, signe de jeunesse, a cédé la place à une touche de mélodie supplémentaire.
Le coté facile de Mnemesis est encore accentué par le mixage. On sent que l''idée est de sortir du hit, du catchy. D'emblée, les réfractaires au chant de Sieur Bideau peuvent donc fuir cet opus à toutes jambes tant celui-ci est outrageusement mis en avant. Mais pour les autres, ce rôle central du chant pourrait bien réserver quelques agréables surprises. En effet, jamais (chez Mnemic, en tout cas), le chant n'avait été si varié ni maîtrisé. Si Passenger laissait en permanence entrevoir la glotte du chanteur, qui hurlait à s'en défaire les cordes vocales, Mnemesis est plus... fin. Moins de surenchère pour plus de variation. Le chant hurlé classique se couple à un growl parfois plus « foufou » comme sur "Pattern Platform" ou "Ocean of Void". Le chant clair, lui, toujours aussi présent, est surtout toujours plus modulé, comme en témoignent par exemple les envolées mélodiques sur "Junkies On The Storm" et "Haven At The End of The World". En somme, Mnemesis dévoile une très belle performance vocale, mais un choix artistique que regretteront certains. Un problème se pose cependant: cette mise en avant des parties vocales et autres mélodies risque fort, à terme, de rendre l'album lassant. Le temps sera le pire ennemi de Mnemesis, qui ne vieillira pas forcément mal, mais qui deviendra de plus en plus quelconque avec les écoutes.
Non dépourvu de qualités et de morceaux terriblement efficaces ("Transcend", "I've Been You", désigné single officiel ou encore "Haven... "), Mnemesis offre quelques moments... différents. "There's No Tomorrow", notamment, se découvre être une cyber-power-ballade, qui, par dessus le marché, se paye le luxe d'un solo classique mais efficace. Mais, car il y a un mais, certains points noirs subsistent. Le titre éponyme ne fait pas honneur au disque et s'avère trop long malgré ses 4 minutes 40. Placé après l'un des meilleurs morceaux, autant dire qu'il fait clairement retomber la tension et l'attention. Idem pour "Empty Planet", qui n'apporte rien de bien nouveau et qui, surtout, ne se paye pas le luxe de surnager au milieu de morceaux tous meilleurs que lui, ce qui en fait un titre plutôt dispensable. Enfin, qualité ou défaut, il faut bien avouer que "Blue Desert In A Black Hole", morceau bipolaire mêlant riffs de bûcherons et envolées vocales, contient de sacré relent de Meshuggah en général, et de "Bleed", en particulier. Une influence difficile à mâcher peut-être? Pas d'inquiétude cependant, Mnemic est suffisamment mature pour avoir su créer, au fil des albums, sa propre identité.
Ne boudons pas notre plaisir - coupable, ô oui! -, ce Mnemesis est un disque de bonne facture. Alternant rythmes bondissants et envolées lyriques accrocheuses (racoleuses?) par un Bideau au meilleur de sa forme, l'album se révèle finalement facile d'accès. Bien que l'on puisse s'étonner du peu d'impact qu'a eu le remaniement de personnel sur la musique du combo et que l'on puisse, encore une fois, regretter les choix artistiques opérés depuis Passenger et accentués ici, Mnemesis nous semble néanmoins mériter votre attention.