« Dans l'espace, personne ne vous entendra crier. » - voilà peut-être LA phrase qui résume Alien, oeuvre de science-fiction passée à la postérité et réalisée par Ridley Scott en 1979. Vient ensuite l'écoute de Passenger, à l'issue de laquelle on devine que les Mnemic n'ont jamais dû jeter le moindre coup d'oeil sur ledit film. En effet, le troisième album du combo, point de rupture dans la carrière des Danois, tente tant bien que mal de conjuguer ambiance spatiale avec une déferlante de hurlements, beuglements et autres braillements. Et autant dire qu'à la vue d'une vague pulsante comme celle délivrée sur Passenger, l'histoire du « personne ne vous entendra crier » devrait en prendre un sacré coup dans l'aile.
C'est pourtant simple : Mnemic veut nous en mettre plein la pogne histoire de prouver que, malgré le départ de Michael Bøgballe, la machine à riffs tient toujours debout. Passée une introduction dispensable qui arrache littéralement l'auditeur du sol, Mnemic tient d'emblée à reposer ses fondations. Rythmes saccadés, jeu énergique, ambiance froide et mécanique : tout ce qu'on peut attendre de la formation se retrouve dans un premier titre en forme de coup de poing ("In The Nothingness Black"). Mnemic n'est jamais bien loin des pontes du metal rythmique (Fear Factory, Meshuggah, la scène djent...). L'idée reste une nouvelle fois de balancer un metal résolument moderne et tranchant. Tranchant, l'album l'est parfois un peu trop. Car à l'écoute de Passenger, on pourra surement regretter une certaine facilité dans des compositions confinant parfois au metalcore, genre ô combien honni dans la sphère metal. L'évolution est logique puisque, décapité, Mnemic devait se réinventer ou sombrer. Et finalement, Mnemic se réinvente et, par là-même, fait sombrer ses débuts prometteurs. Car voilà, on ne remplace pas facilement un monstre comme Bøgballe. Dure était la tâche du national Guillaume Bideau (ex-Scarve, One-Way Mirror) qui devait soit singer son prédécesseur en ayant l'assurance de ne pas faire mieux, soit trouver sa propre identité au sein du Mnemic 2.0. C'est ce dernier choix qui est fait sur Passenger et, pour dire vrai, il n'avait guère convaincu la majeure partie des fans de la formation.
Ce désamour se comprend et il est en effet plus que temps d'aborder le sujet qui fâche : le « chant » (notez les guillemets). Bideau, plein de bonne volonté et surement ravi de jouer à l'internationale, prend nettement ses distances de Bøgballe et s'en distingue par deux caractéristiques. Premièrement, le Frenchy use et abuse du chant clair sur des compositions ayant changé, plus directes, moins torturées. Cette recherche de l'efficacité culmine parfois en de véritables tubes, à l'instar d'un "Meaningless" au refrain imparable ou d'un "In Control" très mélodeath dans l'esprit. On apprécie ou pas mais il faudra l'admettre pour apprécier Mnemic dans le futur : l'époque de Mechanical Spin Phenomena est révolue. Place à l'efficacité et à la mélodie. Le second point qui chamboule est la place énorme laissée aux vomissements. Car Bideau ne chant ni ne growle, non : il hurle. Partout, tout le temps. De l'introductif "Humanaut" à "Pigfuck" ou "Stuck Here" en passant par le paroxystique "Shape of the Formless" (qui confine à la blague tant le chanteur en fait des caisses), les beuglements sont permanents. Omniprésents. Et ce n'est pas une production mettant la voix en avant et allant jusqu'à doubler voire tripler les pistes qui permettra de faire passer la pilule. On ne serait guère étonné de retrouver un bout de poumon dans son lecteur à l'issue de la lecture de Passenger.
Pour continuer à parler du Mnemic 2.0 mieux vaut donc partir du postulat d'une acceptation du changement de personnel et de direction artistique car, en se fondant sur les anciennes valeurs, Passenger ne saurait récolter plus qu'un modeste 8/20...Trop direct, trop mélodique... trop adolescent. Pourtant, cette accumulation de titres catchy et bondissants est loin d'être si décevante qu'elle pourrait sembler l'être de prime abord. Cette nouvelle formule permet au groupe de se renouveler, ce qui n'est jamais une mauvaise chose. Ensuite, elle réserve quelques bonnes surprises. "Meaningless", single imparable, se place ainsi en haut des charts metal pour l'année 2007 en étant encore plus efficace qu'un "Door 2.12" sur l'album précédent et déjà fichtrement direct. Même constat pour les morceaux les plus entraînants que sont "In Control" ou "What's Left". Et comme, mine de rien, les arrangements sont bien pensés, les riffs syncopés bel et bien présents ("Electric I'd Hypocrisy", "Stuck Here"...), les morceaux relativement variés ("The Eye On Your Back", morceau final mid-tempo plutôt nouveau pour du Mnemic), on se dit que si le groupe n'est décidément plus le même, ce n'est pas pour autant qu'on y perd au change. Encore une fois, il faut juste se placer dans l'optique Mnemic 2.0.
Bref, vous l'aurez compris, Passenger aura autant divisé la discographie du groupe que l'avis des amateurs de la formation danoise. Et les deux points de vue se comprennent aisément. Passenger est un album facile et finalement peu ambitieux qui mise sur l'efficacité à outrance. Un album parfait à écouter en voiture, en faisant la cuisine ou en bricolant car, en se concentrant exclusivement sur la musique, force est d'admettre que le tour en sera vite fait. Il faut de la musique complexe comme il en faut de l'accessible et, clairement, Passenger se range dans cette seconde catégorie. Reste à accepter de se faire hurler dans les tympans (et pas qu'un peu), bien évidemment. Aux autres, on déconseillera l'écoute de ce troisième essai.