Sodom -
In the Sign of Evil (EP)
« Je ne comprends pas pourquoi les gens ne citent pas Sodom ou Destruction avec Venom, Hellhammer et Bathory. Ils sont arrivés en même temps que Bathory et leurs premiers albums sont des pièces maîtresses dans l'histoire du metal. » Qui a dit ça ? Un historien ? Fenriz ? Un fanzine expérimenté ? Non, rien de tout cela : il s'agissait de... Euronymous. Et oui : tout stupide qu'il était, sa dernière interview montrait qu'il était capable de dire des choses sensées. Oui, à cette époque, Sodom et Destruction étaient aussi des influences pour le black metal. Il est aisé, en écoutant les débuts de Mayhem et Sarcofago (sur I.N.R.I ), de reconnaître Destruction et Venom, ainsi que les ambiances distillées par Sodom.
Ici, il s'agit du premier EP : In the Sign of Evil. Sodom se forme à Gelsenkirchen, en 1981. Totalement influencé par Venom (à l'image, comme c'est étrange, de Hellhammer, mais sans Discharge), le groupe se contente de deux démos. Après avoir recruté, Grave Violator, Angel Ripper et Witchhunter enregistrent ce qui allait être un pétard bien gros dans la tronche de l'Europe, en pleine ascension du thrash nord-américain (Slayer, Metallica, Exciter, Anthrax). Que les fans de Agent Orange ne se précipitent pas, curieux, sur la première sortie en studio d'un excellent groupe de thrash teuton. Ici, Sodom n'avait pas encore regardé Apocalypse Now et Platoon (qui n'était pas encore sorti ) à la télé ni composé un thrash puissant et accrocheur. In the Sign of Evil est ce que peu de groupes osaient faire : un thrash agressif, constituant un bras d'honneur à toute grande musicalité, et des ambiances sombres, presque mieux que sur Obsessed by Cruelty. En même temps que Destruction et Bathory, Sodom balance en premier ce qui allait devenir un morceau culte : "Outbreak of Evil", tandis que d'autres morceaux, et surtout "Sepulchral Voice", assurent.
Witchhunter et Grave Violator nous surprennent d'emblée par une rapidité d'exécution et une brutalité bien lourde. En effet, le premier frappe comme s'il tombait de tout son poids sur la caisse claire, qui sonne juste. La production, à défaut d'être aussi tranchante que sur Sentence of Death des collègues du Bade Würtemberg, bénéficie d'un grain particulièrement accrocheur, et casse moins les oreilles que sur le premier album de Bathory (au moment des solos). La basse, elle, vrombit comme jamais (Repulsion n'a pas tout inventé ). Et le rapprochement avec Venom s'impose : Tom Angelripper opte lui aussi pour un chant hurlé, à la manière de Cronos mais en plus grave. Il en est de même sur l'autre chanson culte, c'est-à-dire "Blasphemer", où sont rajoutés des rires sardoniques pour bien signifier que Satan est maitre en son royaume. Bien évidemment, on est très loin de Persecution Mania, bien que trois ans séparent les deux galettes. La preuve la plus évidente est contenue dans "Witching Metal", qui fait presque mono-riff si on y prête pas une attention poussée.
Plus agressif que Bathory, du Slayer dopé au crack, mais bien moins recherché et plus répétitif que Destruction, In the Sign of Evil, même s'il s'adresse surtout aux amateurs de thrash putride et bourrin au possible, permet à Sodom de s'imposer dans le thrash ayant influencé le black metal et de constituer, avec les deux groupes tant cités ici et plus tard, Kreator, la réponse immédiate et sans pitié de la vieille Europe à la vague thrash américaine. « Burst command till War ! »