Quoi qu'on en dise, le projet de Liv Kristine après son éviction de Theatre Of Tragedy fait désormais partie intégrante du paysage du metal gothique et symphonique, avec maintenant cinq albums à son actif. La composition de Symphonies Of The Night, petit dernier de la liste, a démarré très vite après Meredead, donnant en résultat un album qui, bien que ne s'aventurant guère hors des sentiers battus, a le mérite de réunir le meilleur de ses prédécesseurs.
En effet, les compositions de Symphonies Of The Night parviennent à mêler avec brio l'atmosphère celtique de Meredead et l'énergie des premiers albums. On y retrouve un Alexander Krull au mieux de sa forme, mêlant son growl profond au chant de Liv Kristine. La voix de cette dernière, toujours aussi angélique, parvenant à sauver les rares moments faibles de l'album ("Saint Cecelia", "Nightshade") comme à sublimer les meilleurs d'entre eux ("Galswintha", le morceau éponyme ou encore "Ophelia"). Cette symbiose entre les deux types de chant (à laquelle se rajoutent parfois des choeurs) est un des plus grands atouts de l'album. Plus énergique, plus brutal et même plus sombre que ses prédécesseurs, Symphonies Of The Night parvient à alterner passages épiques (le refrain de "Hell to the Heavens" qui rappelle du bon Nightwish), brutaux ("Hymn to the Lone Sands") et moments plus celtiques ("Maid of Lorraine"). Et c'est là que le groupe fait fort, très fort : tout cela tient debout, et même bien. En essayant de regrouper tous ces éléments, il y avait de fortes chances pour que Leaves' Eyes se ramassent méchamment, nous offrant un album ennuyeux, décousu voire même ridicule ridicule. Il n'en est pourtant rien : l'album, en plus d'être d'une cohérence remarquable (même la transition entre l'intro acoustique de "Hymn to the Lone Sands" et l'arrivée brutale des guitares semble naturelle après quelques écoutes), ne comporte que très peu de longueurs.
Ces dernières sont présentes sur les morceaux calmes ainsi que durant le « long morceau » de l'album, "Eleonore de Provence".Cependant (vous vous en seriez douté), il y a une ombre au tableau. Bien que d'une qualité tout à fait honorable, Symphonies Of The Night n'est pas sans défaut. Tout d'abord, trop axé sur les voix, il en oublie les autres instruments qui, bien que présents, ne servent guère plus que le glaçage sur un gâteau : une partie agréable mais pas essentielle. Les motifs de batterie sont d'un ennui mortel, quant aux guitares, elles n'ont que trop rarement l'occasion de se démarquer de l'ensemble ("Fading Earth" et "Hymn to the Lone Sands" mais cela s'arrête là). De plus, même si le travail est concluant et attrayant, Leaves' Eyes n'innovent pas une seule seconde, se cantonnant aux éléments qui ont fait leur succès. Certes, le choix est bankable (j'aurais employé le mot "sage" s'il n'y avait pas eu la cover pour me distraire), mais il y a fort à parier que le groupe ne pourra pas toujours continuer ainsi. Hé oui, même dans le metal à chanteuse, il faut savoir prendre des risques.
Symphonies Of The Night est la représentation du groupe de Liv et son époux, au sommet de leur art, réunissant tout ce que ses prédécesseurs avaient de bon tout en évitant certains pièges évidents. En sachant cela, Leaves' Eyes n'ont guère plus que deux options pour le prochain album : soit faire moins bien en appliquant exactement la même formule que pour les 5 derniers, soit sortir des sentiers battus et se décider à faire plus que leur metal symphonique. Car certes, le son de Symphonies Of The Night ne manque pas de charme, mais ne change guère avec les années. Il serait grand temps de dépoussiérer tout ça.