CHRONIQUE PAR ...
Iokanaan
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Thomas Lindberg
(chant)
-Anders Björler
(guitare)
-Martin Larsson
(guitare)
-Jonas Björler
(guitare)
-Adrian Erlandsson
(batterie)
TRACKLIST
1) El Altar del Dios Desconocido
2) Death and the Labyrinth
3) At War with Reality
4) The Circular Ruins
5) Heroes and Tombs
6) The Conspiracy of the Blind
7) Order from Chaos
8) The Book of Sand (The Abomination)
9) The Head of the Hydra
10) City of Mirrors
11) Eater of Gods
12) Upon Pillars of Dust
13) The Night Eternal
DISCOGRAPHIE
Dix-neuf années viennent de s’écouler, juste ça... Le monde aurait pu s’arrêter de tourner, les oiseaux de voler, le temps aurait même pu geler sur place, mais il n’en fut rien. Car si At the Gates avait fermé les portes de son nom en 1996, dissolution surprise après le chef d’œuvre confirmé que fut Slaughter of the Soul, ça n’était finalement que pour une hibernation conséquente, ponctuée des projets externes de chacun de ses cinq membres. Après un retour acclamé sur les scènes de divers festivals en 2008, le groupe reprend l’annonce qu’il avait lui-même lancé, certifiant à l’époque qu’un nouvel opus n’irait pas voir le jour, et oh stupeur effervescente, annonce qu’un nouvel opus va voir le jour. Tu peux marteler l’air de tes cheveux petit handbanger, le monstre est sorti de sa caverne. À voir maintenant s’il est aussi terrifiant qu’on le dit.
Contrairement aux précédentes œuvres de la formation suédoise, At War With Reality se pose comme un album-concept s’attachant au genre appelé « réalisme magique », appellation artistique retrouvée principalement dans la littérature latino-américaine qui dépeint l’intervention du surnaturel et du paranormal dans un environnement réaliste. Ainsi l’album débute avec un extrait original du roman Sobre Heroes y Tumbas de l’écrivain argentin Ernesto Sabato, où Dieu en prend sévèrement pour son grade voyant son existence et son manichéisme directement remis en cause sur fond sonore de saturation onirique et grandissante. Puis arrive "Death and the Labyrinth" : les chiens sont lâchés et At the Gates nous renvoie à son incroyable capacité à pondre des tubes d’une efficacité ravageuse. Riffs simples et justes, rythmique soutenue, mélodies accrocheuses sur lesquelles s’exprime, non sans une grande liberté, la voix de Lindberg qui nous rappelle avec force que la musique d’At the Gates est clairement de retour et n’a pas pris une ride. Ces sympathiques ménestrels (oui, aussi !) auront beau exprimer la volonté du groupe de ne pas faire un Slaughter of the Soul bis, force est de constater que cet album reproduit en grande partie ce qui a fait le prodige du précédent opus : morceaux courts allant à l’essentiel, structures limpides qui démontraient à l’époque la facilité des cinq suédois à marier le death et le mélodique, au point qu’ils en deviennent les pionniers du genre.
Pour cet album tout beau tout neuf, il suffit d’écouter, ne serait-ce qu’en terme d’exemples, des pistes comme la chanson-titre "At War with Reality", "Heroes and Tombs" où les guitares aériennes d’Anders Björler et de Martin Larsson fricotent magnifiquement avec la voix des profondeurs de Lindberg, "The Conspiracy of the Blind" qui tient des plus belles résonances du groupe, ou encore "Eater of Gods" d’une rapidité pleinement maîtrisée. Sans pâlir à leur tradition, "City of Mirrors" tient le rôle du break musical, respiration méritée du groupe sous forme de ballade courte, à la fois épique et onirique. Seul "The Book of Sand (The Abomination)" semble rappeler l’irrégularité des premiers albums, sous meilleure maîtrise malgré tout, qui garde cet intérêt non-négligeable de plaire aux amoureux des premières heures.Tout ça mis de côté, cet opus reste somme toutes sans grande surprise. La soif de création d’At the Gates reste bien palpable mais n’offre pas non plus de grandes nouveautés à faire exploser littéralement les cerveaux. L’album s’inscrit dans une continuité fidèle à la discographie du groupe en étant juste et complet, déployant un arsenal éclatant, avec une puissance de feu à rendre jaloux les meilleurs canonniers du pays, sans pour autant les aveugler.
Le retour d’At the Gates est bien plus que plaisant, il est parfaitement orchestré et rend heureux à la fois les connaisseurs qui retrouvent ce son toujours aussi précieux, et les nouveaux (car, diantre, il en faut !) qui découvriront un groupe jamais en mal de création et d’une efficacité indomptable. Les rois du genre, depuis le temps, ont partagé leur trône avec beaucoup de nouvelles formations, mais ils font toujours partie de ceux qui le font reluire le mieux. Et on espère une suite ! Nan, on veut une suite ! Déconnez pas les gars !