CHRONIQUE PAR ...
Droom
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Marilyn Manson
(chant+percussions+claviers)
-Tyler Bates
(guitare+basse)
-Gil Sharone
(batterie)
TRACKLIST
1) Killing Strangers
2) Deep Six
3) Third Day of a Seven Day Binge
4) The Mephistopheles of Los Angeles
5) Warship My Wreck
6) Slave Only Dreams To Be King
7) The Devil Beneath My Feet
8) Birds of Hell Awaiting
9) Cupid Carries a Gun
10) Odds of Even
11) Day 3
12) Fated, Faithful, Fatal
13) Fall of the House of Death
DISCOGRAPHIE
Depuis la sortie du Golden Age of Grotesque (2003), le bon peuple ne pense plus beaucoup à Marilyn Manson. Lancé trop vite et trop fort à la manière d'une starlette de télé-réalité, ce dernier n'est pas parvenu à conserver l'attention des projecteurs dans un monde dans lequel le twerk devait petit à petit devenir la norme. Malgré quelques sursauts qualitatifs (Eat Me, Drink Me, 2007) la pseudo-provocation, costume-prison du révérend, ne cessait de ternir la qualité des disques du révérend jusqu'à ce jour. Puis arrive 2015, et c'est par surprise que The Pale Emperor, renoue – soyons fous ! - avec la qualité des meilleurs albums du groupe tout en s'en distançant assez nettement. Comment diable est-ce possible ?
The Pale Emperor est un paradoxe. C'est à la fois l'album de Manson le plus étonnant depuis des années, tout en étant son album le plus sincère depuis autant d'années. C'est qu'il en a vu, au cours de sa carrière, notre gaillard : du sale, du choquant, du glam, de l'intime, de la vaine cabriole... il ne s'est rien épargné et rien ne nous aura été épargné. Une chose qui n'avait pas encore été développée ? La simplicité, laisser parler les tripes, et seulement elles, sans faux-semblants. A ce titre, en amplifiant l'effort fourni sur Eat Me, Drink Me, The Pale Emperor pourrait être qualifié d'album de la décroissance. « Less is more ». Cette dixième sortie renoue en effet avec une forme d'efficacité et de sobriété qui manquait cruellement. Les compositions sont simples dans leurs constructions (couplet-refrain-pont-rouleginette), les mélodies – véritablement excellentes pour la plupart – tiennent dans le livre des accords de base du guitariste (« Third Day of A Seven Day Binge » pour l'exemple) et pourtant, tout ceci n'a jamais aussi bien fonctionné depuis... pfiou, nous n'osions plus compter : l'album enchaîne hit sur hit. Ceci étant, le Manson 2015 procède à un changement stylistique marqué : l'indus' sauvage, violent et vengeur laisse place à un rock indus' amer teinté de blues et d'expérience.
Manson, en plus de savoir s'entourer de fins musiciens (et d'un fin producteur, à la vue de cette production parfaitement adaptée), reste un compositeur de génie. Cette affirmation n'est clairement plus négociable à l'écoute de "Killing Strangers", le titre-d'ouverture. Celui-ci navigue dans un blues-indus' décharné et à vif, qui permet à ce chant si caractéristique de s'exprimer dans une douleur réfléchie et mûre. Cet ouvreur, lancinant voire sensuel, donne ainsi le ton de l'album. Et les tueries de s'enchainer sans faiblir avec "Deep Six" (le titre le plus couillu du disque), "Third Day" (tube interplanétaire), "Mephitopheles" (tube interplanétaire, le retour), etc. Au fil de l'album, il est clair que Manson n'est pas perdu comme il semblait l'être sur Born Vilain. "Warship My Wreck", sombre et toute en ambiance, est un morceau qu'aurait pu sortir David Bowie (influence de Manson depuis toujours, notamment sur Mechanicals Animals, 1998). D'autres pistes continuent quant à elles de porter portent la signature industrielle du Manson dès débuts, sans pour autant se réclamer d'un retour aux sources ("The Devil Beneath My Feet", "Slave Only Dream To Be King", etc.). A côté de ça, une majorité de paroles - bien qu'un brin répétitives - sont excellentes. A ce titre, "Mephitopheles" s'avère révélateur du recul de Brian sur son propre personnage. Un titre touchant. L'album est à l'avenant, et les trois réinterprétations acoustiques fournies en guise de bonus ne ternissent pas le tableau : au contraire.
Bref : sur ce Pale Emperor, il est clair que Manson a acquis une profondeur dans le regard. Une profondeur qui lui sied d'autant plus qu'elle n'empêche pas le songwritting de rester irréprochable. Ce dixième album gagne alors en sincérité ce qu'il perd en folie, et c'est tout le mal qu'on pouvait souhaiter pour la suite de la carrière du bonhomme.