Faisons dans le politiquement correct, en affirmant que Load avait été plutôt fraîchement accueilli tant par la critique que par les fans. Du coup, il n'y avait rien de bien rassurant à voir un nouvel album sortir à peine un an après, qui plus est écrit au cours des mêmes sessions. Avec un premier volet aussi mitigé, on voyait mal comment Reload pourrait être exceptionnel, même si Metallica promettait à tous ceux qui avaient trouvé Load un peu mou de la tige un album plus heavy.
Et effectivement, le début ne saurait leur donner tort sur ce point. Certains se souviennent peut-être du passage incendiaire des Horsemen sur le plateau de Nulle Part Ailleurs, devant un public entièrement acquis à sa cause (c'est les invités qui ont dû être surpris). Metallica y avait interprété "Fuel" et "The Memory Remains", sans les gémissements de sorcière de Marianne Faithfull, avant d'annoncer un concert gratuit à l'Elysée Montmartre, rien que ça. Au passage, ceux qui auront accusé Metallica de mépriser ses fans au moment de l'affaire Napster devaient avoir une mémoire plutôt sélective, mais ceci est un autre problème. Bref, voici deux morceaux plutôt encourageants : le premier, très punchy, est parfaitement à sa place en ouverture, tandis que le second, agréable à défaut d'être mordant, est un single évident. "Devil's Dance" tient lui aussi la route : certes, dans le genre mid tempo bien plombé, il n'arrive pas à la cheville d'un "Sad But True", mais c'est le genre de morceau bien heavy qui manquait sur Load. A défaut de grives, on mange des merles.
Mais on s'en doutait un peu, le tableau ne tarde fort logiquement pas à se noircir. On ne s'étendra pas sur "The Unforgiven II", étrange façon de capitaliser sur la ballade présente sur le Black Album : comme au cinéma, la suite s'élève rarement au niveau de l'originale, et ce titre n'échappe à cette implacable règle. Plus gênant, le groupe a effectivement casé des morceaux plus heavy sur Reload, mais ces derniers s'apparentent surtout à des fonds de tiroir indignes de la carrière du groupe. Cela fait vraiment mal au cœur de retrouver des morceaux aussi mauvais que "Better Than You" ou pire encore, "Bad Seed", sur un album frappé du sceau de Metallica. De même, malgré un résultat final sympathique au demeurant, on ne peut pas dire que le riff de "Carpe Diem Baby" restera parmi les faits d'armes les plus marquants de la part de ces orfèvres en la matière. Un peu plus et on en viendrait à s'extasier devant "Prince Charming", compo hard rock loin d'être géniale mais sur laquelle les Horsemen ont le mérite de lâcher un peu les chevaux…
Autre point de discorde, les nombreuses expérimentations au résultat plus qu'incertain. Hetfield et Bob Rock se sont sûrement beaucoup amusés à appliquer autant d'effets sur les prises de chant, mais un peu de discernement n'aurait pas fait de mal : on en retrouve sur une bonne moitié des chansons ! C'est d'autant plus dommage qu'à l'instar de Load, Hetfield n'a peut-être jamais aussi bien chanté, comme sur "The Memory Remains" par exemple, même si sa voix paraît plus lisse et manque un peu de ce grain si caractéristique chez lui. De même, on ne va pas reprocher au groupe de tenter de se renouveler, mais il faut bien avouer que le résultat n'est pas à la hauteur. Ainsi, malgré de très bonnes idées, "Where The Wild Things Are" est lourdement handicapé par ce break limite psychédélique complètement à côté de la plaque. Quant à "Low Man's Lyric", même en se faisant à l'idée que Metallica puisse proposer une ballade aux accents irlandais avec violon et hurdy gurdy, il faut se rendre à l'évidence : la chanson est mauvaise.
Au final, pas de miracle : Reload est une nouvelle déception à rajouter sur l'ardoise des Horsemen. D'autant que si, avec un peu de bonne volonté, on pouvait trouver certains charmes à Load, difficile de sauver grand-chose chez son successeur. Bien loin de redresser la barre, Reload enfonce un peu plus Metallica dans ces zones de turbulence dont, 10 ans après, on ne peut toujours pas affirmer que le groupe en soit sorti.