CHRONIQUE PAR ...
Fly
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13.5/20
LINE UP
-Cedric Bixler-Zavala
(chant)
-Omar Rodriguez-Lopez
(guitare)
-Isaiah Ikey Owens
(claviers)
-Juan Alderete
(basse)
-Jon Theodore
(batterie)
TRACKLIST
1)Vicarious Atonement
2)Tetragrammaton
3)Vermicide
4)Meccamputechture
5)Asilos Magdalena
6)Viscera Eyes
7)Day Of The Baphomets
8)El Ciervo Vulnerado
DISCOGRAPHIE
En délaissant At The Drive-In pour fonder leur nouveau groupe, Omar et Cedric, les deux têtes pensantes (et frisées) de The Mars Volta ont réussi un exploit peu commun : devenir la coqueluche de nombreux progueux en mal de sensations fortes sans se mettre à dos la totalité de leurs anciens fans. Dans un premier temps du moins, grâce à la sortie de De-Loused In The Comatorium (2003). Parce qu’il faut bien l’avouer, la parution de Frances The Mute en 2005 a légèrement changé la donne.
Cette fois-ci, aucune place à la nuance. Le duo a laissé libre cours à ses velléités progressives, sans retenue, dans ce qu’elles ont presque de plus caricaturales : longues suites de morceaux sans queue ni tête, changements de rythme et de style incessants, titres et paroles incompréhensibles, tout y passe. Cette tentation du jusqu’au-boutisme s’est évidemment traduite par des réactions exacerbées. On adore ou on déteste, littéralement. Et il va de soi que beaucoup de progueux ont adoré (même si beaucoup d’autres se sont questionné), voyant dans ces débordements une preuve irréfutable de liberté artistique. Sur son troisième album, Amputechture, le groupe a néanmoins choisi de calmer (un peu) ses ardeurs. Si les titres sont toujours aussi énigmatiques, les morceaux ont été légèrement raccourcis et ils ont gagné en précision et en cohérence. C’est plutôt une bonne nouvelle, mais ça n’empêche pas la formation de tomber dans certains travers un peu trop grossiers.
Plusieurs morceaux d’Amputechture sont donc de belles réussites, voire même d’impressionnants morceaux de bravoure qui redonnent espoir à tous ceux qui avaient aimé De-Loused In The Comatorium et qui s’étaient perdus avec Frances The Mute. Dans un format court qui sied encore parfaitement au groupe, le formidable "Vermicide" prouve que la modération a bien meilleur goût. Étonnamment pourtant, et contrairement à l’album précédent, ce sont les longs morceaux regorgeant d’excès qui remportent la palme. Si l’on se laisse prendre au jeu, il est facile d’être totalement bluffé par "Viscera Eyes" ou le monstrueux (dans le sens premier du terme) "Tetragrammaton". Mais c’est surtout avec "Meccamputechture" et "Day Of The Baphomets" que la formation réussit à conjuguer exubérance et rigueur (dans une certaine mesure, tout de même). Deux pièces habitées et par moment totalement jouissives, que l’apport du saxophone colore d’une belle saveur free (je vois d’ici les puristes sauter au plafond). Impossible d’en décrire tous les méandres, mais l’énergie hors du commun qu’y déploie le groupe suffit presque à en faire oublier la longueur excessive.
Je dis bien presque, car c’est sur ce point que le bât blesse. Le groupe semble incapable de prendre de vraies respirations, de compenser l’étalage de sa créativité par des périodes d’accalmie qui seraient pourtant les bienvenues. L’album fourmille d’idées et de détails qui se retrouvent trop souvent noyés dans une sorte de bouillie indigeste. Fidèle à ses habitudes (beau paradoxe pour un groupe soi-disant progressif), la formation s’épanche dans de longs passages vaguement inspirés de Santana (pour la guitare et le côté latino) ou de Led Zeppelin (pour le chant aigu parfois insoutenable de Cedric). La frustration est d’autant plus grande que, comme nous l’avons vu, les moments dignes d’intérêt sont légion. Malheureusement, Rodriguez et sa bande semblent déterminés à privilégier la débauche à la retenue, ajoutant ainsi de l’eau au moulin de leurs détracteurs. Si l’on ajoute à cela le fait que l’album commence et se termine par deux machins totalement imbuvables (mention particulière à "El Ciervo Vulnerado" : neuf minutes de néant absolu), on ne s’étonnera pas que l’album puisse laisser une mauvaise impression aux auditeurs.
Dommage, donc. En s’évertuant à laisser libre court à une inspiration débridée, le groupe passe encore une fois à côté de l’essentiel et dilue un talent pourtant bien présent. Le potentiel est là, énorme, mais cette volonté presque inexplicable d’en mettre toujours plus nous prive pour le moment d’une œuvre digne de ce nom, un album fait pour durer et nous ravir sur le long terme. Ceux qui s'évertuent à voir dans The Mars Volta un groupe mature seraient peut-être avisés de revoir leur jugement.