Après un The Cult is Alive pour le moins dénué d'ambiguité quand à la volonté nouvelle en terme d'orientation musicale pour notre duo norvégien préféré, il était d'une monstrueuse logique de les voir persévérer dans un style similaire en poussant le bouchon un peu loin. Le titre de l'album, même s'il est toujours hasardeux de se baser uniquement sur les apparats, franc, direct et massif donne d'ailleurs une sacrée indication, Dark Throne n'est pas près de rejouer du black metal comme il nous y avait habitués.
L'album débute par "These Shores are Damned" (ah oui, les paroles ne sont pas devenues plus recherchées ... on est rock'n roll ou on ne l'est pas) et effectivement à l'écoute de ce brûlot rock blackisant, on se dit que le titre de l'album ne nous a pas trompés. Et on se dit que Dark Throne a trouvé sa voie. Oui, bizarrement le groupe n'a jamais semblé aussi sincère et être en train de faire ce à quoi il aspire réellement. Les « errements » (et quels errements !) de jeunesse sont loin derrière et on a face à nos oreilles la véritable incarnation d'une formation qui joue (enfin ?) pour se faire plaisir. Mais sur quoi se baser pour affirmer cela ? Tout simplement on sent le groupe bien plus inspiré que pour le précédent album The Cult is Alive. Les riffs sont plus pêchus, les rythmes plus entraînants, le groove plus présent. Bref, on retrouve tout ce qui fait que le rock'n roll est le rock'n roll et c'est une belle victoire pour Dark Throne. Il arrive à convaincre dans le nouveau style qu'il s'est forgé. Car il était évident que The Cult is Alive était bancal. Il est tout aussi évident que ce F.O.A.D. (comme nous l'appellerons désormais) est à prendre comme il est, avec tout ses défauts mais surtout toutes ses qualités.
Car oui, ce disque possède des qualités. Bien plus que ce à quoi on pouvait raisonnablement s'attendre après les dernières pérégrinations musicales du groupe. Elles ont presque toutes été citées plus haut : groove, pêche, rythme. A cela il faudrait rajouter soli (!) car Nocturno Culto s'il est toujours aussi approximatif dans son jeu claque des soli salement bien inspirés pour le coup. Toujours bien insérés dans les chansons, loin d'être une obligation technique (fort heureusement, car cela relèverait de la blague pour ce groupe), ils sont naturels et coulés. Ils apportent un réel plus à la musique et c'est cela avant tout le but premier d'un solo. Mille. Vous pourrez en entendre sur toutes les chansons qui plus est, souvent plutôt longs comparativement à ceux que le groupe avaient déjà proposés dans le passé. Un bel exemple réside dans "The Church Of Real Metal" (le duo maléfique se fait aussi le chantre du vrai metal). Il faut aussi rajouter les refrains. Chose encore plus surprenante connaissant le groupe même si certains hantent encore les esprits les plus désabusés ("Transilvanian Hunger" pour le citer). Enfin, surtout un refrain. LE refrain. "Canadian Metal". Véritable résurgence Judas Priestienne chantée haut perchée par un Nocturno Culto très Rob Halfordesque pour le coup (!). Surprenant et réussi ! A noter que les deux compères se partagent le chant tout au long du cd et ... qu'il n'y a pas de différence notable entre leurs deux chants rock granuleux.
Ce disque est clairement une suite surprenante à The Cult is Alive en ce sens qu'il possède bien plus de qualités que ce que ne pouvait laisser craindre ce premier album de rock/black : une perte d'inspiration et une plongée musicale. C'est tout le contraire qui se passe pour notre plus grand plaisir et Dark Throne a repris le feu sacré. Tant mieux. Qu'ils continuent à s'éclater dans cette voie. Surtout qu'ils ont gardé la touche sonore qui les caractérise depuis toujours, à savoir un son crade, sale, imprécis et magnifiquement vrai. Il sied parfaitement à leur nouveau rock/black. Mais il ne faut pas se voiler la face et être conscient que ce n'est absolument pas un album majeur du groupe. C'est donc encore moins un album majeur pour le metal quel qu'il soit. Le groupe n'est plus un roi sur son grand domaine. Il est juste le prince de son petit comté désormais, le rock'n roll à tendance blackisante. Car s'il est évidemment inspiré des Motörhead, Black Sabbath et pas mal d'autres groupes de heavy de la fin années 70 début années 80, Dark Throne joue un style unique l'air de rien. C'est déjà beaucoup. Qui plus est, il le joue bien mieux que sur son précédent album. Mais ce n'est pas le type de musique qui restera dans les annales. Cela reste de la musique qui vient des tripes et qui n'a aucune autre vocation que de distraire ses auteurs, tant mieux si elle distrait ses auditeurs.
C'est là la grande limite de ce type d'album. Des disques de la trempe de F.O.A.D. restent à jamais enfermés dans la case « sympa mais pas plus ». Certains n'en demandent pas plus, ils ont bien raison et il serait idiot d'exiger à chaque fois des albums ambitieux et définitifs. C'est l'état d'esprit de Fenriz et Nocturno Culto de toute façon. Et puis, ils le disent eux-mêmes, si vous n'êtes pas content « Fuck Off And Die ».
P.S. : pour avoir une idée des inspirations du groupe, jetez donc un coup d'oeil à la liste d'album à écouter proposée en fin de livret, c'est assez édifiant.