Evoluant dans le registre du métal progressif pur et dur, les Suédois de Pain Of Salvation, emmenés par Daniel Gildenlöw, nous offrent avec Entropia un premier album vraiment étonnant de maîtrise et surtout de fraîcheur. Leur style est tout à fait original: la première chose qui marque lors de l'écoute de l'album, c'est la poésie et le lyrisme appuyé qui se dégage de pas mal de titres, sans oublier, pour autant, que Entropia reste avant tout un disque de métal progressif.
En fait, ici, la violence des guitares est toute relative et bien enrobée, elle n'est employée qu'à bon escient, ce qui fait que toutes les instrumentations complémentaires sont facilement reconnaissables et employées équitablement. Quelques morceaux restent assez «agressifs» (je pense notamment aux morceaux intitulés "! (Foreword)" et "Revival" sans être sombres... voilà le mot: lyrisme. Un lyrisme surprenant et rafraîchissant, un lyrisme résolument positif, autant par le thème (un homme de pouvoir qui remet en question toutes ses actions passées) que par les paroles, belles, recherchées, poignantes...surtout intelligentes. Un lyrisme qui se retrouve assurément dans la voix de Daniel Gildenlöw, au timbre de voix inimitable et reconnaissable entre mille: capable d'envolées vocales toujours justes comme de gémissements rauques et graves, sa voix couvre un large spectre d'émotions. On en reste souvent coi.
Bon, techniquement, c'est un premier album, avec ses défauts facilement pardonnables (une guitare trop «classique», voire de temps en temps convenue, une production pas toujours à la hauteur, des constructions classiques) mais des qualités surprenantes. Tout d'abord, comme je l'ai déjà dit, une qualité d'écriture assez magistrale: les compositions sont soignées, vraiment originales et inimitables (ah, "People Passing By", avec son refrain entêtant, son break hallucinant et son solo de guitare à la septième minute, est sûrement un des meilleurs morceaux du groupe tout court!), parfois carrées ("In Void Of Her", "Nightmist") mais faisant toujours preuve d'une recherche artistique et d'une authenticité à toute épreuve.
On remarque aussi un son de batterie génial et un très bon jeu de la part du bassiste. On sent que le groupe n'est pas sujet aux démons du progressif (des breaks à n'en plus finir, placés n'importe où, n'importe comment, des morceaux à rallonge histoire de faire du progressif pour faire du progressif-"Dance Of Death"-style!), car la plupart des chansons se fondent en un tout accessible dès les premières écoutes, même pour une oreille peu habituée à ce style musical. Aussi, Entropia est une sorte de concept en lui-même (terre imaginaire) tout comme le seront les albums suivants : One Hour By The Concrete Lake et l'écologie, Remedy Lane et le sentiment amoureux... Le concept-album, marque de fabrique de Pain Of Salvation ? Peut-être.
En tout cas, Entropia fixe de solides bases. Je le redis encore une fois, il est le fruit d'une pensée inspirée, étonnante de maturité pour un premier album, d'un ensemble de musiciens dont l'alchimie est quasi-parfaite. Quasi-parfaite, et par conséquent, plaçant -déjà- la barre très haut. Une belle découverte à l'époque pour un groupe qui, maintenant, a d'ores et déjà avec The Perfect Element Part I et plus tard avec Remedy Lane, confirmé les espoirs qu'un nouveau public a placé en lui: renouveler, avec succès, un style un peu fourre-tout mais d'une richesse quasi inépuisable. Avec succès.