Bien décidé à marquer la musique sombre de son empreinte et après avoir tâtonné deux albums durant, le sieur Quorthon atteint deux objectifs pour le prix d’un avec Under The Sign of the Black Mark. D’une part, il pose les bases du black metal tel qu’on l’entend de nos jours – et au passage signe un album d’une qualité très rarement dépassée. D’autre part, à travers de "13 Candles" et de "Call from the Grave", il laisse déjà entrevoir quel sera le futur de la musique selon Bathory. Avec Blood Fire Death, la Comtesse opère sa mue et produit ce que certains considèrent comme le meilleur album du groupe.
Même si, personnellement, je ne veux pas choisir entre Sang Feu Mort et Cœur de Marteau, il est certain que les adorateurs du quatrième méfait de Bathory ont beaucoup d’arguments à faire valoir. Énormément. Dès les premières notes d’un "O Fortuna" repris en mode funéraire, on comprend que le phénix va prendre son envol. Né une nouvelle fois de ses cendres, le projet de Quorthon a laissé derrière lui le black metal cru de sa jeunesse et aspire à plus d’ampleur et de majesté. Ampleur et majesté. Quels mots conviendront mieux à "A Fine Day to Die" ou "Blood Fire Death" ? Qu’y-a-t-il de plus superbe, puissant, entêtant et foncièrement violent - pas rapide, violent - que "For All Those Who Died" ? Cela fait plus de vingt-cinq ans qu’une terrible envie de tout détruire me prend aux tripes quand j’écoute cet hommage aux morts ! Ces trois morceaux sont incontestablement les vedettes de l’album et leurs places stratégiques dans l’œuvre semblent indiquer que Quorthon en avait parfaitement conscience. Attention cependant à ne pas commettre l’erreur d’ignorer les autres titres.
S’il est vrai que "The Golden Walls of Heaven" est un peut-être un ton en-dessous du reste de l’album, "Holocaust", "Dies Irae", et surtout le monstrueux "Pace’ till Death" (et son clin d’œil initial à "Teacher’s Pet" de Venom) défoncent tout sur leur passage. Bathory y délaisse paradoxalement le trve black metal qu'il vient de fonder un an auparavant et propose du raw black thrash corrosif à souhait, sorte de version noircie des Kreator, Dark Angel ou Sodom qui règnent alors en maître de la scène raw thrash européenne. « Les morceaux sont tellement rapides qu’on a l’impression qu’ils vont se mettre à bouillir » pouvait-on lire à l’époque sur Enfer Magazine. Évidemment, on a fait nettement plus rapide depuis, le blast-beat ayant révolutionné cet aspect du metal. Néanmoins la sensation d’intensité perdure et perdurera jusqu’à la fin des temps, amen. En conclusion, le mélange, rarement aussi bien transcrit, entre titres bruts de décoffrage et morceaux initiant la grande saga du viking-pagan-sympho metal constitue la grande force de cet album, deuxième maillon de la tétralogie magique du groupe. Quorthon tentera par la suite de revenir à la puissance brute mais n’y arrivera jamais aussi bien que sur ce Blood Fire Death de mon cœur.
Blood Fire Death est à Bathory ce que Shades of God est à Paradise Lost : un album de transition vers d’autres paysages musicaux et, en même temps, un joyau. Incandescent, prenant, grandiose sans être pompeux et abrasif à la fois, il fait sans aucun doute partie des albums de référence absolue du metal extrême. Merci à toi Thomas « Quorthon » Forsberg.