Drame à Vikingland.
- Là ! Tu l’entends ? Un cor ? Comme sur la fin de "Shores In Flames" ! Oui, c’est ça ! Un cor viking.
- …
- Quoi ? Ne me dis pas que TOUT l’album est comme ça ! Ne me le dis pas ! C’est juste pas possible !
- C’est une sirène… On est censé être aux States…
- Non, c’est un cor !
Grosse crise de larmes. Et puis, enfin, l’acceptation.
- Oh mon Thor, que je suis malheureux…
Je comprends le désarroi de tous les amoureux de la période drakkar de Quorthon lorsqu’en 1994, non content de sortir un album solo très… différent de ce que le sieur nous a confectionné jusqu’alors sous le nom de
Bathory, il dévoile
Requiem à une fanbase médusée. Je comprends parfaitement la déception de cette dernière, mais ne la partage pas. Enfin pas totalement, pour une seule - mais excellente - raison : j’aime le thrash metal, même sa forme la plus âpre. Je l’aime beaucoup, même, faute de quoi je me serais également pris la tête entre les mains. On se doutait que Quorthon avait des envies d’ailleurs. Entre l’album évoqué plus haut, des déclarations montrant son détachement de la scène black metal de l’époque et sa facilité à changer de style comme on change de ceinture à clous, il était facile de se douter que, si Monsieur Bathory continuait à sortir des albums sous le nom de la comtesse hongroise, ils seraient différents de ce qu’il avait fait jusqu’alors. Mais de là à produire un album sonnant comme du Demolition Hammer, il y avait un pas. Entendons-nous bien : les quatre premiers albums de Bathory ont été catalogués thrash à leur sortie, puisque le terme black metal ne désignait alors que le premier album de
Venom, mais seul
Blood Fire Death peut être réellement rangé dans cette catégorie. Néanmoins, cette pièce maîtresse de la discographie du presque one man band propose un thrash travaillé, ambienté et majestueux. Alors que
Requiem… Les squelettes de la pochette ? Ils illustrent parfaitement le son de l’album, d’une maigreur rachitique.
Tel Lars sur
…And Justice For All, Vvornth tape sur des barils de lessive. Les guitares aigrelettes sont mangées par la réverbe d’une basse qu’on pourrait croire tenue par
Dan Lilker. Du Bathory que l’on connaît, même de celui des premiers albums, ne subsistent que le chant aboyé, la manière frénétique de jouer les solos et une ébauche d’epicness sur "Apocalypse" - normal, avec un nom pareil… Pour le reste, nous avons droit à une grosse ration de thrash new-yorkais bas du front. Outre la similitude avec le Demolition Hammer des mêmes années, c’est à…
Anthrax que l’on songe sur le début de "Blood and Soil". Bathory et moshpit. De quoi faire interner les followers hardcore (c’est le cas de le dire) de Quorthon le Viking. Pourtant, les compositions s’avèrent globalement incisives et correctes. On a un peu l’impression d’être pris pour des sourds d’oreille puisque "Requiem", "Crosstitution" et "Necroticus" frôlent la redite intégrale - même départ avec un riff nerveux rejoint par la batterie mode thrash old-school, même refrain scandé - mais l’ensemble tient la route. On a bien sûr entendu des albums plus inspirés, mais "War Mashine", où l'entend une sirène et pas un cor, ou "Pax Vobiscum" cassent la sensation de monotonie avec leur mid-tempo et je dois avouer que la réécoute - cette œuvre n'est pas un album de chevet, faut pas déconner non plus - s’est avérée plaisante.
Du pantalon moulant en cuir avec épée et collier en dents d’esclave au jean troué avec casquette à l’envers. Quorthon, quoi. Versatile, parfois terriblement inspiré, parfois plus basique. Requiem constitue un agréable pied de nez aux followers qui, à l’époque, ne savaient pas encore que Mister Bathory allait faire laaargement pire sur deux albums. Bathory, pour le meilleur et pour le pire.