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CHRONIQUE PAR ...

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Tabris
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 19/20

LINE UP

-Colin H. Van Eeckhout
(chant)

-Mathieu Van de Kerckhove
(guitare)

-Lennart Bossu
(guitare)

-Levy Seynaeve
(basse)

-Bjorn Lebon
(batterie)

Guests :

-Sophie Verdoot
(chant)

-Femke de Beleyr
(chant+violon)

-Maarten Kinet
(basse)

TRACKLIST

1) Dying of the Light (Afterlife 2009)
2) Wear my Crown (Afterlife 2009)
3) To Go On and Live With Out (Afterlife 2009)
4) Parabol (Tool cover)
5) Buiten Datum (colaboration c/ Sophie Verdoot - 2015)
6) The Longest Night
7) September (colaboration c/ Sophie Verdoot - 2015)
8) Aorte (Mass IV - 2008)
9) Razoreater (Mass IV - 2008)
10) Het Dorp (Zjef Vanuytsel cover – décédé le 30 décembre 2015)

DISCOGRAPHIE

Mass IV (2008)
Mass V (2012)
Alive (2016)
Mass VI (2017)
A Flood of Light (2019)

Amenra - Alive
(2016) - doom metal post metal - acoustique - Label : ConSouling Sounds



Frère, probablement suis-je influencée par mes lectures, mais je songe en cet instant à cet être fait d'argile, doté de vie artificielle et dont on peut retirer le sens à chaque instant, jugé coupable de tant de maux aux yeux de tous. Une allégorie si fondamentale de l'humain. Je vois ensuite cette carte de Tarot, évoquée elle aussi dans ce livre fraîchement dévoré. Le Pendu. Et ce chiffre quatre, éclatant, que forment ses jambes croisées. Quatre. Tels les quatre piliers qui me sont propres. Aucun ne peut me faire défaut sans que mon univers ne s'écroule. Qui pourrait d'ailleurs s'en dispenser ? Je hais Dieu. Je hais les messes. Et pourtant, mon corps ploie comme celui du plus fervent des croyants. Je regarde ce prie-Dieu figuré sur cette simple image, pendant que je laisse la musique s'élever, et mes genoux fléchissent. Prières essentielles qui se révèlent, mais nées de l'Art et de l’intuitu, non de l'aveuglement. Ne devrais-je pas plutôt mirer la carte du Fou ? L'être. L'ego. Celui qui est seul ? L'individu perdu pour la masse et qui se tait ? L'individu, quelle est donc cette notion absurde ? Quelle individualité existe donc encore en cet instant ? Fumée sur fumée. J'enchaîne les cigarettes et l'alcool. Et je contemple par la fenêtre. Je refuse d'allumer une autre lumière que celle qui se déploie en cet instant dans la pièce, une lumière verte, feutrée, qui me laisse le loisir de voir au dehors, les quelques gouttes de pluie qui frappent l'air délicatement et se perdent dans la nuit. Tout comme ces notes, qui frappent mon âme. Chacune évoque une image. Une profondeur. Un souvenir. Une expérience. Fragile ? Est-ce là la corde maîtresse ? Est-ce cela ? Illustrer ce qu'il y a de plus vulnérable dans l'être et l'inscrire comme un testament pour ceux qui verrons le jour après nous ? Transcender ? Vert. Je ne veux plus voir que cette couleur en cet instant. Je ne veux même plus rien voir d'autre, ni entendre quoi que ce soit d'autre. Suis-je ici, à graver vainement des sensations ineffables sur une manne virtuelle ? Suis-je là-bas, en un lieu ignoré de moi et que je me contente d'imaginer ? Suis-je les planches d'une scène qui vibrent fébrilement au martèlement des mantras que sont ces notes délicates ? Suis-je la foule qui observe et écoute le jeu précis et insidieux, entend, peut être, le message halluciné voguant librement sur ces quelques pistes éphémères ? Rêvé-je ? Suis-je moi, toi, ou chacun d'entre eux ? Suis-je l'ensemble ? Rien, en cet instant précieux, ne me semble plus important que d'écouter cette musique vivante et d'écrire à son propos. Rien ne saurait m'en distraire. Rien ne peut me détourner le regard de cette vison fantasmagorique qui se place au-delà de ce que je connais.

Alive. Amenra. Nuit du 16 avril 2016


Des jours, des nuits s'écoulent et je cherche les mots justes. Je ferme les yeux tandis que j'écoute à nouveau et tant de souvenirs me reviennent en mémoire. Deux visages, le premier me parle, le second semble perdu dans un songe. Mais tous deux illustrent à leur manière quelque chose. Ils partagent une musique qui m'a échappé jusqu'alors. Je me vois ensuite, un autre soir, enclencher le lecteur, libérer l'onde sonore et être emportée au loin, plongée dans un état cathartique fulgurant et à jamais indescriptible. Le temps s'écoule, d'autres écoutes suivent, sans lassitude aucune, jamais. Elles ouvrent ma conscience éthérée à quelque chose d'oublié depuis longtemps. Puis c'est la vision de la scène, fugace souvenir visuel car le noir de mes paupières s'était si vite imposé à moi, seules les notes et la sensation fantasmagorique que j'en ai retirées persistent encore comme uniques traces du voyage intérieur profond et étrange fait ce soir là. Et puis il y a ce dernier instant. Ce maintenant. Je veux partager quelque chose lié à cette musique.

Oui, je cherche mes mots, depuis toujours, tentant d'exprimer des perceptions, des images, des sensations appelées par une musique riche de sens. Mais tout glisse entre mes doigts, quelques soient mes efforts, ils restent désespérément vains, impuissants, et me plongent dans un état de rageuse insatisfaction. Peut-être est-ce simplement abstrait ? Mais peut-être aussi est-il des musiques qui ne se décrivent pas, qui se ressentent et se respirent uniquement ? Peut-être que cette musique-là permet d'échanger juste un précieux regard entendu avec d'autres ? Mais pourtant, ce soir, une fois encore, je suis en quête, telle une assoiffée. Une acharnée. Ce soir il m'est donné d'évoquer Amenra et je veux saisir cet instant.
Enfant, prends ma main et écoute-moi. Chaque note qui monte en cet instant recèle sa part de douleurs et de sacrifices, sa touche de beauté et de douceur. La musique d'Amenra est ainsi faite. On a pu dire d'elle qu'elle visait à être l'expression des deux extrêmes émotionnels et qu'elle ne connaissait pas la demi mesure. Et à cette heure, je n'ai envie que de me perdre en elle – est-ce s'y perde d'ailleurs ou au contraire se retrouver ? Et j'ai envie de t'emmener avec moi. Écoute, voici Alive - « My Love, why is pain inside our house ? Why love is darkness all around ? I'll shed my light, my love, a rising sun. Hold on. And when dakness comes on down,the dying of light, I will shine all night... »
Cela débute ainsi, sur ces paroles, sur un vent doux et poignant qui fend le passage. Une simple guitare d'abord et une voix qui est à la limite du murmure. L'ouverture par "The Dying of Light", m'inspire. Les sonorités qui vont nous êtres offertes seront essentielles, faites pour toucher sans artefact et sans faille, très simplement et naturellement, la corde frémissante qui sommeille en nous. Chacun des titres qui vont s'égrainer se caractérisera par une douce et mélancolique mélopée d'entrée de jeu, des arpèges délicieux, puis par des mots confidents, un message destiné à quelqu'un qui n'est pas encore en mesure de tout comprendre. Ce sera ensuite une accélération maîtrisée et cependant pleine de tourments qui emportera nos battements de cœur, comme si nous étions conduits vers quelque chose d'inéluctable, sans que je ne sache véritablement de quoi il s'agit pour l'heure. Seuls ces applaudissements qui entrecouperont les morceaux nous ramèneront chaque fois, une fraction de seconde, au temps réel.
Plus nous progresserons dans l'écoute, et plus un étrange mantra s'emparera de nous, à tel point qu'il deviendra impossible de nous détacher des ondes sonores. Il n'y aura qu'à laisser filer et oublier le temps. Les compositions d'Amenra sont toujours construites de telle sorte que notre conscience s'en trouve ébranlée. Et ce, que la mélodie soit simple ou le titre complexe, que des cris s'élèvent ou qu'un chuchotement fasse doucement frissonner notre échine. L'alchimie opère. - Te souviendras-tu de moi ? De mon œuvre ? De mon attachement ? De ma volonté ? De ce qui m'anime ? Saurais-je laisser quelque chose à ton intention ? - Alive est Testament. Les lignes musicales issues d'Afterlive, créent ici un souffle de nostalgie et de tristesse anticipée. Les trois titres composés en 2009, sont rappelés ici, comme l'offrande la plus personnelle des membres d'Amenra : la parole du père à son enfant, né ou en devenir, la trace qu'il souhaite laisser à son propre avenir. Mais nous n'observons pas seulement une intention. Nous entrons en elle par sa simple écoute.

Alive est offrande. Le choix d'une mosaïque de morceaux live, n'est sans nul doute pas un hasard. La musique révélant toute sa force dans la communion d'esprit qu'elle inspire sur scène, nous pouvons à cette heure laisser notre esprit filer vers ce souhait perceptible de toucher chacune des personnes qui s'arrête un instant pour lui prêter attention. Partage encore car Amenra ne fait pas son voyage seul. "Buiten Datum" et "September" en seront l'illustration ici. Et ainsi la voix de Sophie Verdoot déclamera, et nous contera un cœur emplit ou brisé, une chute ou une fusion, la confiance ou la mort. Si bien que la limite entre tristesse et vœux ne sera plus déterminée. Le rythme s'accélèrera, le duo se formera, les notes assénées tomberont plus durement sur nous, mais toujours avec grâce, et nous entendrons sourdre plus vivement notre pouls. Murmures dans nos tympans, assourdissement dans nos poitrines.

Alive est aussi d'inspiration. "Parabol" vient nous effleurer au cœur de l'album, nous charmant dans sa manière de créer la jonction entre deux univers, celui de Tool et celui d'Amenra. Le timbre de Colin Van Eeckhout est contemplatif et seuls ces quelques accords familiers l'accompagnent, furtifs, mais chargés d'intention. « So familliar and overwhelmingly warm ». Si familier. Oh combien le titre s'inscrit à merveille au sein de cet ensemble - Te souviens tu ? « Sulcus lateralis », ou cette glorieuse partie de notre cerveau qui crée l'intime connexion entre notre conscience et nos sens ? Nos artistes ont bien en commun de façonner leur musique avec l'intention de nous projeter dans un état parallèle et une réflexion inconsciente mais profonde. Pouvait-on être surpris de ce salut ?

Alive est encore continuité de l'identité. À son écoute, nous ne nous posons pas la question de savoir si Amenra nous présente la face cachée de la médaille, un pan fragile alors que nous le connaissions incisif. Non. Pour preuve s'il s'en faut, nous pénétrons au cœur d'"Aorte" et de "Razoreater", pourtant offerts ici sous un nouvel éclairage, sans la moindre déception, attente, surprise ou question. Tout est évident. Logique. Axiomatique. La musicalité s'impose d'elle même. Et je n'ai envie que de la suivre. Longuement. Mais alors que nous naviguons sur ce fleuve d'ondes évidentes, l'album s'achève sur le cover de feu Zjef Vanuytsel, "Het Dorp", dont la tonalité, cette fois, crée la surprise. Ou pas. Car Amenra a le don de nous envelopper pour ensuite nous ramener brutalement à la réalité. Nous réveiller. Nous le savons. Que signifie Alive ? En vie, certes. Et donc cette note finale ? L'éphémère de toute chose ?


Que saisissons nous donc de chaque instant qui s'égrène ? Que laissons-nous ? Que créons-nous ? Qu'inspirons-nous ? Frère, le sais tu ? Sauras-tu te souvenir de ce que nous sommes et de ce que nous avons tenté, une fois que la musique se sera arrêtée ?



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