Ulver -
The Assassination of Julius Caesar
- Allez, vas-y, lâche-toi! T’en meurs d’envie depuis le début !
- Depuis le début, depuis le début…
- Chipote pas ! Ça fait pas loin de vingt ans que tu rêves de le faire, alors fais-le, t’as quel âge, merde ?
- C’est vrai, le qu’en-dira-t-on, à force, ça lasse.
- Ose, mon petit loup, ose !
Mais oui ! Depuis le temps qu’Ulver tourne autour du pot… Cette espèce de coming-out est un soulagement. Depuis qu’ils ont pris la décision d’abandonner le monde du corpsepaint, tous leurs albums, bons ou mauvais, se sont réfugiés derrière l’abri commode que représentent les passages ambient/expérimentaux/indéfinis/tortueux. Vous savez quoi ? Eh ben c’est fini. Et n’allez pas me contredire sous prétexte que "Rolling Stone" finit par quelques minutes de bruitage. Même Massive Attack l’a fait sur "Girl I Love You". Parlons-en un peu plus, tiens, de "Rolling Stone" et de Massive Attack. Le titre, très révélateur de ce coup de collier qu’a donné le groupe pour briser le carcan réducteur de la musique « réservée à un public averti », aurait très bien pu figurer sur Blue Lines, ou plutôt Protection, avec ses chœurs féminins black (de peau, pas metal). Ce groove, merde. Cette envie de bouger le popotin, voire de prendre quelques poses lascives. Et puis cette simplicité des mélodies… Si "Rolling Stone" est le seul titre à pencher du côté dance de la force, tout cet Assassinat de Jules César respire la simplicité, la mélancolie et l’épure. Commencée en mode trip-hop/chill-out, à la Massive Attack/Craig Armstrong donc – Hooverphonic et Morcheeba première époque aussi, une pointe d’electro en plus–, l'oeuvre bascule du côté Depeche Mode de la force à partir du sublime "Angelus Novus". Ah oui, j’ai oublié de le préciser : les mélodies sont simples mais sublimes – ça va souvent de pair, en fait, si vous y réfléchissez un peu.
Ulver se permet même le luxe d’être presque léger le temps d’une chanson, "Transverberation", où ceux qui veulent vraiment se raccrocher à des références metal pourront peut-être percevoir une approche à la Katatonia des lignes des chants, les vieux pouvant également songer aux premiers albums de Underworld – mais c’est moins metal comme référence. Au final, que dire ? Pas grand-chose en fait. C’est parfait. Nocturne, suave, balsamique et parfait. The Assasssination… est un voyage en mode chair de poule au pays des lumières de la ville vue depuis en colline un soir d’été. Ces typiques soirs de paix, coincés entre deux orages, où l’on prend conscience de… Bref, assez parlé. Laissez-vous donc bercer et submerger par la sensibilité exacerbée de "1969", "Angelus Novus", "Nemoralia" et du reste des morceaux d’un disque qui sera bientôt absolument inoubliable, j’en suis certain. Cela fait vingt ans qu’Ulver réussit le pari risqué d’entraîner la horde metal hors de son territoire et The Assassination of Julius Caesar l’amènera encore plus loin des limites de sa terre natale. Qu'on ne leurre pas cependant : impossible de parler ici d’avant-garde. Cet album est un album d’arrière-garde au vu des influences décisives qui ont contribué à sa naissance. Néanmoins, ça ne l’empêche pas : 1. de sonner très Ulver 2. d’être un chef-d’œuvre.
- Alors, tu te sens comment ?
- Bien… Léger…
- Tu as trouvé ta voie, mon petit loup ?
- Alors ça, aucune idée.
- La suite au prochain épisode donc ?
- Bien sûr.
- En tout cas, merci, du fond du cœur.