Ulver, cette entité si imprévisible et capable de tout a commencé comme un vrai groupe de true black. Il est impressionnant de voir le chemin que le groupe (ou son penseur unique plutôt) a parcouru depuis. Mais ce chemin ne nous intéresse pas. Ici le sujet est à Nattens Madrigal, album des débuts du Loup (Ulver en Norvégien). Il s’agit du troisième album du groupe si je ne me trompe pas, après un premier mélangeant black et acoustique et un deuxième acoustique (déjà du décalage musical). Ici il sera beaucoup question de black, et un peu d’acoustique via les rares mais remarquées incursions de la guitare sèche.
Du black donc, et pas n’importe lequel. Car en 1997 le true black n’existe pas encore, enfin, tous ses groupes-déchets n’existent pas encore. Mais par contre Dark Throne a balisé le chemin en 1994 avec Transylvanian Hunger notamment, et Gorgoroth s’échine à produire aussi mal que peut ses albums. Pourtant, Ulver livre ici une horreur sonore qui rendrait ces albums surproduit. Un son incroyable de médiocrité vous sera proposé sur la galette. Très honnêtement, il s’agit du pire enregistrement qu’il m’ait été donné d’écouter. La batterie est une casserole, les guitares ont été enregistrées à la sortie des baffles et le chant a du mal à se faire entendre. Ne parlons pas de la basse qui s’est faite hara-kiri pour éviter le massacre. Bref, voici clairement le pire truc que vous pourrez entendre dans le black.
Et bien évidemment cela rend d’ores et déjà le disque culte. Imaginez, du true black plus true que true, forcément c’est indispensable. Mais en fait, le pire dans tout ça, c’est que les compositions arrivent à être mélodiques et recherchées. C’est là que l’esprit se perd et ne comprend plus rien. La confusion règne et il faut tout d’abord s’habituer à cette cohabitation apocalyptique. Une fois ceci fait, on s’aperçoit qu’effectivement il existe des mélodies, des riffs. Très répétitifs certes, mais là. Et puis pas si répétitifs que ça, car il existe de nombreuses variations, infimes par moments mais subtilement délicates, dans la musique d’Ulver. N’oublions pas qu’il s’agit d’un groupe plus qu’éclectique. En fait, c’est tellement surprenant qu’il en devient presque marrant d’entendre ces mélodies au son si exécrable. Il en casse l’aspect mélodieux sur fond de blast beat continu. L’association dépasse quelque peu l’entendement. Pourtant ce n’est que presque marrant.
Car on ne rigole pas du tout durant les quarante minutes que dure l’album. D’une parce que la production abominable ne permet pas le rire, de deux parce qu’il s’agit de black metal pur et dur. Tout est là pour vous agresser. La production, les blasts, le chant. Seuls les riffs finalement vous donnent du répit, noyé cependant par le reste. Et au final l’écoute de cet album devient éprouvante car il vous faudra vraiment habituer vos tympans à cette atrocité sonore. D’ailleurs, il ne fait aucun doute que seuls des fans de black pourront apprécier cet album. Je ne vois pas comment quelqu’un qui n’apprécie pas le black peut passer outre le supplice permanent infligé par ce son peu commun. On peut certes arguer qu’il y a des mélodies, des passages magnifiques à la guitare sèche (au passage, le groupe fait preuve de son avant-gardisme, car si la guitare sèche est maintenant tendance, à l’époque il fallait être téméraire pour l’introduire dans du black). Le reste demeure quand même trop insupportable pour une oreille non avertie.
Un album pour fan de black, de vrai et parfaitement inaudible pour tous les autres. Ultra sectaire donc, mais terriblement bon avec ses riffs sortis d’ailleurs. Pour masochistes donc.