Ulver -
Bergtatt - Et Eeventyr i 5 Capitler
Les gars de chez Ulver n’ont pas grande notoriété en 1994, et pour cause, ils n’ont pas encore sorti d’album, juste une démo (Vargnatt) qui ne s’est fait un nom que dans un milieu très underground. Et pourtant avec ce Bergtatt, ils vont s’imposer à la face de la scène black metal. Comment ? Avec une production ignoble, des paroles sataniques, une entrée dans l’Inner Circle ? Rien de tout cela. Evidemment, pour garder un minimum de crédibilité, pas question d’avoir une production clean, des paroles traitant de la vie des Hobbits dans la Comté ou encore de la vie sexuelle d’un lapin.
Non, Bergtatt c’est d’abord un croisement folk et black avec moult breaks, du Opeth avant l’heure diront certains, ce n’est pas faux, mais ce n’est pas entièrement vrai non plus. Premier opus de leur Black Metal Trilogie (appellation un brin étrange, on y reviendra), Bergtatt n’est chanté ni en anglais, ni en norvégien, mais en danois archaïque, ça a de la gueule quand même. Le chant déjà impressionnant de Kristoffer Rygg (alias Garm ou Trickster G) est accompagné par des guitares électriques et acoustiques, et une batterie schizophrène, tantôt calme comme un fjord, tantôt rageuse et enchaînant les blastbeats. La musique se prêtant parait-il à merveille pour les thèmes féériques et folkloriques (vierges et trolls…) de l’album, les paroles aussi d’ailleurs, selon ceux qui les comprennent, bien entendu. Décomposé en cinq parties (ou chapitres, capitler dans la langue d’Ihsahn), Bergtatt s’avère d’abord bien équilibré, des morceaux entre quatre et huit minutes pour un ensemble court, dépassant de peu la demi-heure.
L’équilibre, c’est ce qui fait le charme de Bergtatt. Ne pas tomber dans le piège de l’album black à trois accords acoustiques ni dans l’album de folk hurlé de bout en bout. La subtilité d’un tel album tient parfois à peu de choses, mais le fait est que ça fonctionne toujours, à l’image de la double pédale d’AiwarikiaR qui s’incruste dès le premier titre "I Troldskog Faren Vild", sans le rendre pour autant violent ou brutal, mais ajoute une teneur plus mélodique et épique au titre, toujours porté par la voix tantôt chaleureuse, tantôt haineuse de Garm. Il en sera de même pour les autres titres à l’exception de l’avant-dernier, que l’on pourrait qualifier d’instrumental tant Garm s’y fait discret. Touchant la grâce lors du dernier chapitre "Bergtatt - Ind I Fjeldkamrene", les membres (cinq en tout) du Loup nous transportent dans leurs contrées avec une classe et un brio rare, une sorte de voyage initiatique souvent imité mais jamais égalé.
On ne reverra plys Ulver dans ce registre, le folk Kveldssanger, et l’extrême Nattens Madrigal exploreront les deux facettes de Bergtatt plus en profondeur. La perte de cette dualité sera comblée par la qualité des albums à venir, tous différents les uns des autres… En tout cas, les Solefald ou Vintersorg n’ont pas hésité à placer Bergtatt sur un piédestal, de là à y voir un signe distinctif de qualité…