CHRONIQUE PAR ...
Crafty
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Garm
(chant)
-Håvard Jørgensen
(guitare)
-Skoll
(basse)
-AiwarikiaR
(batterie)
-Tore Ylwizaker
(programmation)
TRACKLIST
Disque 1:
1)The Argument, Plate 2
2)Plate 3
3)Plate 3, Following
4)The Voice of the Devil, Plate 4
5)Plates 5-6
6)A Memorable Fancy, Plates 6-7
7)Proverbs of Hell, Plates 7-10
8)Plate 11
9)Instrumental
10)Memorable Fancy, Plates 12-13
11)Plate 14
12)A Memorable Fancy, Plate 15
13)Plates 16
Disque 2:
1)A Memorable Fancy; Plates 17-20
2)Instrumental
3)Plates 21-22
4)A Memorable Fancy; Plates 22-24
5)Instrumental
6)A Song of Liberty, Plates 25-27
DISCOGRAPHIE
Ulver -
Themes from William Blake's The Marriage of Heaven and Hell
Avec un nom taillé dans le folk et dans le black metal, pas facile de changer de cap. A vrai dire, même en cherchant bien, on trouve rarement des groupes de black metal qui ont quelque chose à dire après trois albums. Evidemment, il y en a toujours un ou deux pour dire « beeeeeeuarh » on quelque chose comme ça. Mais là je parle de quelque chose d’intéressant, de différent aussi. Comme si les groupes de black metal se vidaient de leur essence en quelques albums seulement.
Ce syndrôme, Ulver a eu la chance de passer outre. Ce ne fut pas forcément sans peine, et Themes from William Blake's The Marriage of Heaven and Hell est là pour en témoigner. Pourquoi ? Déjà parce que le black metal, surtout en 1998, ne sortait pas tellement des sentiers battus. Alors démarrer un double album concept à partir d’un livre de William Blake, c’est assez original. Ca l’aurait été encore plus si c'avait été un film de Max Pécas mais le propos aurait été, à coup sûr, beaucoup moins intéressant. Ensuite, effectuer un tel virage en conservant un line-up Nattens Madrigal, ça ne rend pas les choses plus faciles. Mais à l’époque, Ulver est un groupe excessif, qui aime verser un coup à droite, un coup à gauche, pire que l’électorat français, c’est dire.
De toute façon, Garm et ses acolytes ne se sont jamais enfermés dans la scène black metal, tout en nouant des amitiés avec ses membres, en témoigne la présence sur le dernier titre d’Ihsahn et Samoth, qui venaient l’année précédente d’achever leur chef d’œuvre Anthems to the Welkin at Dusk, excusez du peu. En plus de ça, l’apport du futur membre permanent Tore Ylwizaker sera clairement décisif dans la forge du son ulvérien des années à venir. Ce son mute d’un black metal tout ce qu’il y a de plus brut à de l’électro-indus solidement appuyé par l’arsenal de guerre conventionnel du metal. La guitare acoustique d’ Håvard Jørgensen est toujours de la partie, accompagnée par le chant théâtral de Garm, qui nous livre ici une prestation haute en couleurs (et sans jamais tomber dans le mauvais goût), et par le chant féminin de Stine Grytøyr à plusieurs reprises.
Derrière ça, la musique se construit sur la polyvalence de la guitare, qui passe de l’acoustique au cold wave, ou encore à des harmonies indus qui flirtent avec l’expérimental, une nouveauté. C’est sur cette construction que l’on se rend compte que la musique a dépassé le concept. Aucun besoin d’avoir lu la moitié de la bibliographie de Nietzsche ou d’avoir une licence de philosophie pour se laisser emporter par cette rythmique irréelle et le lyrisme qui se dégage de la musique. Saisir la dimension de "The Voice of the Devil", "A Memorable Fancy, Plates 12-13" requerra surtout du temps et un certain investissement personnel, plus que des connaissances encyclopédiques. Parfois étrange, dansant, parfois inquiétant et oppressant, Themes est d’abord un album épatant.
Musicalement, le plus grand défaut que l’on peut trouver à Themes est son concept, qui l’a poussé à s’allonger, jusqu’à durer un peu trop longtemps. Néanmoins sorti de quelques longueurs, la maîtrise reste impressionnante, surtout en considérant le peu de temps qui s’est écoulé depuis Nattens, et le peu de temps qui allait s’écouler jusqu’à Perdition City, un prochain rendez-vous avec l’entité qui s’annonce surprenant, encore une fois.