CHRONIQUE PAR ...
Pietro
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-Matthew Kiichi Heafy
(chant+guitare)
-Corey Beaulieu
(guitare)
-Paolo Gregoletto
(basse)
-Travis Smith
(batterie)
TRACKLIST
1)Kirisute Gomen
2)Torn Between Scylla and Charybdis
3)Down from the Sky
4)Into the Mouth of Hell We March
5)Throes of Perdition
6)Insurrection
7)The Calamity
8)He Who Spawned the Furies
9)Of Prometheus and the Crucifix
10)Like Callisto to a Star in Heaven
11)Shogun
Bonus tracks sur l'édition limitée:
12)Poison, the Knife or the Noose
13)Upon the Shores
14)Iron Maiden
DISCOGRAPHIE
Les enfants terribles de Trivium sont (déjà) de retour ! Voila au moins un groupe qui ne laisse pas indifférent. Produit marketing pour ados boutonneux monté de toute pièce par son puissant label à grand coup de promo et de tournées prestigieuses (1ere partie de Maiden notamment) à classer avec les infâmes Bullet For My Valentine et Avenged Sevenfold ? Ou bien au contraire grand espoir du metal moderne, révélation des années 2000 et futur leader ? Les avis sur Trivium sont partagés, c’est le moins qu’on puisse dire !
L’évolution musicale du groupe est assez étonnante. Après un premier album passé totalement inaperçu à sa sortie, Trivium casse la baraque en 2005 avec l’excellent Ascendancy. Cette pure tuerie hâtivement catégorisée metalcore mélangeait avec succès ce style en vogue avec quelques influences thrash, heavy et un soupçon de death mélodique. L’album suivant, le surprenant The Crusade, prenait tout le monde à contre pied en proposant un thrash old school très bay area 80’s, sur lequel la classique alternance voix criée/chant clair avait totalement disparu pour laisser place à un chant clair agressif très Hetfieldien sur l’ensemble de la galette. Certains ont crié (avec raison) au plagiat du Metallica des 80’s, mais la qualité des compos, l’efficacité et le talent des zicos faisaient largement passer la pilule du manque d’originalité. À quoi pouvait-on donc s’attendre sur ce nouvel album ? Difficile d’imaginer le groupe persévérer dans la voie du thrash à l’ancienne, surtout maintenant que Metallica lui-même s’y est plus ou moins remis. Alors un retour au son d’Ascendancy ? Quelque chose de nouveau et de plus personnel ?
L’album commence par une courte introduction acoustique qui débouche sur un riff thrash portant un gros couplet bien puissant en voix claire puis oh ! Première surprise : revoilà le growl si particulier de Matt Heafy ! Utilisé en alternance avec la voix claire agressive pour un effet légèrement lourd et répétitif car systématique, il fait son grand retour dès le 1er morceau de l’album et sera utilisé sur chaque titre. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, alors pourquoi pas ? Les plans s’enchaînent sans qu’on sache vraiment où le groupe veut aller, lorsqu’au bout de presque trois minutes débarque de nulle part un refrain chanté en pure voix claire (qui a dit gay ?), qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Le morceau suivant reprend à peu de choses près les mêmes éléments, enchainant les plans plutôt bons individuellement mais légèrement incohérents lorsque mis bout à bout. Deux morceaux à tiroir pour commencer un album, voila un choix plutôt étonnant, on est loin de l’efficacité de "Rain" ou de la doublette "Ignition" / "Detonation" qui envoyaient le bois d’entrée sur les albums précédents.
La suite se veut légèrement plus concise, bien que toujours très chargée. "Down from the Sky" (au refrain excellent) et "Into the Mouth of Hell We March" font partie des meilleurs moments de cet album, de ceux qu’on retient en tout cas. Car voila peut-être le défaut majeur de ce Shogun : s’il est loin d’être mauvais, on n’en retient pourtant pas grand-chose même après plusieurs écoutes. La faute sans doute à une volonté du groupe d’en mettre plein la vue à ses auditeurs, à grands coups de riffs techniques, de breaks intempestifs qui cassent la dynamique des morceaux, de soli à rallonge (de guitare bien sûr mais aussi de basse, bien audible sur tout l'album)… Ces derniers sont d’ailleurs pour la plupart assez bateaux et semblent presque improvisés, certainement dans une volonté de sonner naturels, mais le résultat est assez loin des standards de Trivium qui en avait pourtant fait un point fort de sa musique. Cette sensation de « trop » perdure tout au loin de l’album, comme si le groupe s’était donné beaucoup de mal à trouver quantité de riffs plus complexes les uns que les autres, de structures que certains n’hésiteront pas à qualifier de progressives, mais avait oublié l’essentiel : écrire des CHANSONS.
Le summum (ou plutôt le fond) est atteint sur le morceau titre qui clôt l’album : onze minutes qui ne sont qu'une succession de riffs, de plans pseudo-techniques souvent inutiles, de breaks mélodiques assez mièvres, sans réelle cohésion. Comme si ce n’était pas encore assez, cet album très long est complété dans son édition limitée par rien moins que 3 chansons supplémentaires (dont une reprise classique mais efficace d’"Iron Maiden"). On peut même se demander si Trivium n’a pas été atteint par le « Syndrome Dragonforce », groupe qui vit à travers la complexité technique de ses chansons (phénomène renforcé par l’intermédiaire d’un jeu vidéo pour les anglais). Les nombreuses vidéos pédagogiques des musiciens expliquant comment jouer leurs riffs vont en tout cas dans ce sens. On imagine déjà les discussions des ados dans la cours du lycée : « Tu passes le riff de "Down from the Sky", toi ? » « Oui mais je bloque sur le solo, et toi ? ».
Shogun est donc un album très chargé, touffu, lourd à digérer (à la …And Justice For All si on essaye de voir le ‘bon’ côté des choses..). Trivium commet l’erreur de jeunesse de vouloir en mettre plein la vue plutôt que d’être efficace ou réellement créatif. Cette démarche un peu immature est assez inquiétante au bout du quatrième album. Le groupe n’a toujours pas trouvé son identité et sa personnalité propre malgré son talent incontestable qu’on retrouve trop rarement ici. Mais vu sa jeunesse l’espoir est encore permis pour le prochain album !