Death -
The Sound of Perseverance - Deluxe Reissue
Chuck Schuldiner, légende parmi les légendes dans la communauté Metal, parti trop tôt bla bla bla … a élevé une horde de fans fidèles, y compris après avoir quitté ce monde. Les secrets de son statut culte : la paternité d’un genre musical, un sens de la composition hors norme, refusant toujours le sur-place et poussant à chaque fois son œuvre dans une direction plus ambitieuse. Mais surtout, Monsieur Death aura su s’imposer au-delà de la mort (ha ha), par des créations intemporelles, dont ce The Sound Of Perseverance fait justement partie. Relapse Records a semble-t-il décidé de déterrer le défunt, en remastérisant une de ces œuvres les plus abouties, pour le bonheur de ses fans, ou pas.
L'annonce d'une série de remasters pour les albums de Death a soulevé les mêmes questions habituelles. Le même matériel, avec un son retouché ? Ou de l’inédit ? Le meilleur comme le pire peut en ressortir, comme pour n’importe quelle sortie d’album, me répondront certains. Mais celui-ci m’étant bien connu, il sera traité avec la plus grande exigence. On peut légitimement se demander si The Sound Of Perseverance avait réellement besoin d’une restauration. La production originelle était déjà d’une qualité certaine, ce que pourraient lui envier bien des sorties récentes. L’envie de descendre cette réédition est forte, car cela cache souvent une arnaque … Parfois, on a quand même la surprise d’une plus-value musicale. Malheureusement exclue ici. On a beau tendre l’oreille, par rapport au son de 98, c’est kif-kif bourricot. Cela ne nous donne cependant pas le droit d'ignorer les mérites du matériel d'origine.
Pour les noobs qui découvrent, The Sound of Perseverance est l’ultime offrande studio du groupe (si on peut l'appeler ainsi, car Death, c'est surtout Chuck). Après 6 opus ayant bâti une réputation solide et perfectionné son style, on peut considérer que Schuldiner est ici à son meilleur. Plus technique que jamais (il n’y a sans doute que l’album Individual Thought Patterns pour rivaliser à ce niveau là chez Death), doté d’un sens mélodique incomparable (refrain de « Spirit Crusher » que n’auraient pas renié certaines formations suédoises, break central de « Flesh and the Power It Holds »), faiseur de riffs (« Bite the Pain », « Scavenger of Human Sorrow ») et surtout, la maîtrise d’une composante que peu de groupes de death parviennent à intégrer intelligemment dans leurs chansons : l’émotion. Émotion qui pourrait se résumer avec la poignante « Voice of the Soul », seule instrumentale du disque, assez différente de ce qu’était « Cosmic Sea » d’ailleurs, car dépourvue de percussions. Point de branlette de manche futile au programme, ici ce sont juste 3 guitares qui mènent la danse. Deux électriques se battent à coup de mélodies épiques, tandis qu’une acoustique galopante donne le rythme.
Côté vocal, ça s’annonce aussi plus varié, parfois pour un résultat discutable (reprise de « Painkiller » avec des screaming qui sentent le délire perso de musiciens se faisant plaisir), mais généralement bon. Chuck utilise désormais une voix écorchée, plutôt black metal, mais parfaitement reconnaissable. Pour le reste, le chef d’orchestre s’est une fois de plus bien entouré, avec un Richard Christy au jeu monstrueusement complexe derrière les fûts (il surpasse largement Gene Hoglan, son prédécesseur). Shanon Hamm et Scott Clendenin n’ont pas à rougir non plus, l’un renvoyant la balle à Schuldiner comme son égal et l’autre renforçant l’aspect death technique du groupe en faisant vrombir son instrument à merveille (intro de « Spirit Crusher », break de « Scavenger of Human Sorrow »).
Et les bonus ? Déception assurée pour ceux qui, comme moi, avaient un petit peu d’espoir que tout ceci ne soit pas un simple coup marketing. Que nous propose-t-on au juste ? Les démos des titres déjà présents dans la version finale, parfois en deux versions différentes (« A Moment of Clarity » et « Bite the Pain » notamment). Evidemment, le son est très raw, les trois premiers titres sont dépourvus de basse, parfois aussi de chant et même de lead guitar. Quoi d’autre ? Des soli amputés par-ci par là, un thème central différent pour « Voice of the Soul », pareil pour l’intro de « Bite the Pain ». On peut aussi noter quelques tentatives de modulation sur la voix dans les versions de 1997 (avec quelques effets par dessus, il apparaît clairement que le chant n'est pas la plus grande qualité de Chuck), des essais en chant agressif mélodique à la fin de « A Moment of Clarity » et l’abandon du fade out en outro du même morceau … Sinon les démos proposées sont finalement assez proches du produit fini, la production carrée en moins. Bref, rien de passionnant. En toute franchise, je n'en vois vraiment pas l’intérêt, mais sans doute cela fera-t-il le bonheur de quelques collectionneurs.
À qui donc recommander ce disque ? Ceux qui connaissent et possèdent déjà The Sound Of Perseverance n'en auront que faire. En revanche, les néophytes n'ayant jamais posé leurs oreilles sur l’album ou sur Death (honte à ces derniers) mais s’intéressant un tant soit peu au metal extrême et technique, c’est l’occasion de plonger dans la légende. Faisant partie des premiers, je suis tenté de lui flanquer un 4 sur 20 (deux points pour la pochette légèrement différente, deux points pour le CD bonus, même s’il ne vaut rien). Mais le fan aveugle en moi, ne peut pas consciemment mettre une note inférieure à la moyenne pour un album de Death. Allez, on va couper la poire en deux, pour un noob, ça vaut clairement 18.