Napalm Death, tel un groupe d'intégristes complètement dépravés, avait jeté Slayer et autres Nuclear Assault hors du cœur des thrashers qui en demandaient toujours plus après avoir été largement rassasiés par les groupes de hardcore les plus violents et les plus débiles. Scum, devenant la bête noire de tout les magazines de hard, avait de quoi effrayer tout le monde et satisfaire les amateurs de speed : chanteur(s) énervé(s), guitariste(s) et bassiste(s) balançant des riffs punks sales et affreux, et batteur suicidaire. Si 1986 avait marqué la domination mondiale du thrash, la période allant, grosso merdo, de 1987 à 1990, marqua aussi son remplacement chez ceux qui ne jurent que par la guitare tronçonneuse, la batterie M-60 et les vocaux immondes.
Mick Harris peut enfin compter sur Shane Embury pour occuper le poste de la basse (qu'on entend), et de nouveau sur les idées de Bill Steer (Carcass), qui venait tout juste de rajouter une couche de dégueulis sulfurique grâce à Reek of Putrefaction. Et c'est (re)parti pour une demi-heure de grindcore aux accents métalliques, traduisant un parallèle avec Discharge, qui fît la même chose entre Why ? et Hear Nothing.... Enregistré, plus professionnellement, aux BirdSongs studio, ce From Enslavement to Obliteration constitue la deuxième vague d'assaut du groupe, avec les cultes Peel Sessions enregistrées en 1987 et 1988, et ouvre l'intense année 1989, à balancer des splits à tout va et tourner avec S.O.B, autre groupe de grind qui leur aura permis de s'exporter au Japon. Mais la collaboration entre Mick Harris et Bill Steer n'ira pas au delà du milieu de l'année 1989, puisque dans le même temps, Carcass sort un deuxième album consistant pour beaucoup une forte amélioration par rapport au précédent, le répugnant gore-grind qui allait instaurer une mode aussi moche que, il faut le dire, inutile.
Le guitariste n'est visiblement pas aidé par une production assez plate et paradoxalement tranchante, qui ne met qu'assez peu en valeur les parties, qui étaient pourtant bien punks avec Justin Broadrick sur la face A de Scum. Et c'est bien dommage, car il se dégage une ambiance oppressante, donnant envie de s'auto-mutiler les poumons en voulant gueuler en chœur avec Lee Dorian. Celui-ci, en effet, se révèle totalement méconnaissable aux yeux des fans de Cathedral, tant il éructe, hurle et grogne comme un psychopathe, rivalisant avec les cris dégénerés de Schuldiner sur Leprosy, tandis que la basse de Shane Embury gronde, et que Mick Harris martèle une fois de plus l'auditeur de ses blasts beats impitoyables. Ceux-ci, d'ailleurs, contrastent avec ceux sur une cymbale de Dave Grave, audibles sur Horrified de Repulsion, qui fut ressorti (quelle coïncidence !) sur la branche américaine de Earache, Necrosis, tenue par Jeff Walker et de Bill Steer.
Le premier morceau atteste de cette rage palpable sur le deuxième méfait de ces fans fous de Siege, Repulsion et autres Celtic Frost. "Evolved as One" démontre, en effet, ce changement (si, si) avec le précédant attentat, puisqu'il est moins bruitiste et met l'auditeur en face d'un style de chant qui pourrait aussi servir d'instrument de torture. Pour le reste, cela va des enchainements quasi-ininterrompus de blast beats et d'accords déments ("Cock-Rock Alienation", "Lucid Fairytale"... et toute la face B) aux mid-temps bien hard (le titre éponyme qui est particulièrement brutal et "Unchallenged Hate"), avant de repartir dans la folie furieuse. Oui, folie est bien le mot ! On est sur le cul devant la domination absolue de Mick Harris qui arrive même, sur "Social Sterility", à nous faire headbanguer sans blasts, remplacés par des roulements destructeurs sur la caisse claire. Certains rythmes sont aussi à présenter comme palliatifs au manque de blast sur des morceaux comme "Think for a Minute" et son intro. Et si vous ajoutez à tout ce tableau de démesure le premier album sur la première édition CD d'un groupe de grindcore, vous aurez une heure de destruction, torture, pression auditive et autre revendication héritées du hardcore de D.R.I et de Siege. Sans oublier l'EP The Curse qui vient apporter le quota de joke song digne de "You Suffer".
Pour ceux qui en voulaient seraient déçus par le son plat, il suffit de se reporter aux Peel Sessions et aux diverses vidéos live ou passages à la télé anglaise (notamment les interviews à la BBC). Les autres seront ravis devant tant de rythmiques cataclysmiques et de parties de grattes et de basses distordues à n'en plus pouvoir. Il reste aussi le plaisir à voir ce groupe de death / grind abouti sur les deux albums suivants grâce à Jesse Pintado, sorti de Terrorizer, et Barney, sorti de Benediction, avant le changement de style sur Fear, Emptiness, Despair. Bref, le grindcore, ce n'est pas pour les Weak Miiiiiiiiinds !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!