Enfin soudé autour d'un line up solide et définitif, Napalm Death peut continuer tranquillement son bonhomme de chemin... enfin tranquillement c'est vite dit car Utopia Banished est un album tout sauf tranquille ! L'arrivée d'un batteur plus technique (Danny Herrera) et d'un producteur adéquat (Colin Richardson) permet au groupe de peaufiner son grind-death de la mort dans des conditions optimales. Et justement, ce qui est bien avec Napalm Death, c'est que la musique ne sonne pas comme du death traditionnel, ni comme du grind-core underground, ce qui rend son style unique. Et en plus, les paroles sont intéressantes, elles traitent de la violence mais d'un point de vue social, donc pour une fois que ça ne parle ni de Satan, ni de gore (contrairement à ce que la pochette pourrait laisser penser).
Bon, musicalement, si vous êtes allergiques à tout ce qui est brutal, passez votre chemin car Napalm Death ne fait pas du tout dans la finesse. Ca bourrine même à donf ! Mais pas n'importe comment non plus, les riffs font quand même preuve d'une recherche étonnante pour ce style de musique. En fait, Napalm Death a toujours axé ses morçeaux sur le rythme, plus que sur le riff, donc inutile de préciser qu'en concert, Napalm Death kills ! Et le tout accompagné du "chant" de Barney Greenway, ce mec là chante vraiment comme un ours et propulse les morçeaux à six pieds sous terre à lui tout seul : on aime ou on déteste ! C'est plus du genre "rooooooooooooooaaaaaaar" que "beuuuuuuuuuuuuarg" en fait.
Évidemment, la diversité des morçeaux n'est pas vraiment de mise, difficile de varier dans un style aussi bourrin. Du coup, le milieu du disque tourne un peu à vide, non pas que les morçeaux soient mauvais, mais la répétition peut finir par lasser l'auditeur. Mais heureusement, le début et la fin du disque ne contiennent que des bombes, les amateurs ne risquent pas d'être déçus. Et quand même, on peut pas dire que le groupe n'ait pas évolué, on est loin des chansons de 30 secondes de Scum qui fut en son temps le 1er monument de grind-core, même si y'a pas de solos (heureusement d'ailleurs, car les rares fois où ND s'est risqué à des solos, no comment !!!). Les morçeaux sont bien structurés cette fois-ci. En cela, Utopia Banished est sans problème ce que le groupe pouvait proposer de mieux... à l'époque.
Quand Napalm Death se met à ralentir ses tempos, ça donne des rythmiques très massives, le genre de grosse claque dans la gueule, ultra puissant. Il suffit d'écouter le "hit" The World Keeps Turning ou I Abstain pour s'en convaincre. Et ces ralentissements, alternés avec les passages ultra-speeds, permettent de ne pas trop être écoeuré, sinon on aurait toujours le même tempo. Enfin les titres bien speeds, y'en a quand même une bonne quantité (Got Time To Kill, Dementia Access, Distorting the Medium), et tout cela est rondement mené par une rythmique implaccable ! Techniquement, c'est loin d'être du Death ou du Cynic, mais chaque musicien, le chanteur y compris, fait un gros effort pour rendre le tout très rythmique et donc largement appréciable pour nos p'tites têtes chevelues ! Donc grosso modo, si le riff est pourri, c'est pas grave car la rythmique permet quand même d'apprécier le morçeau... c'est magique !!! Au rayon innovation, y'a juste le dernier titre, Contemptuous, qui se démarque complètement du reste par ses sonorités "indus", son tempo très lent, son atmosphère pesante et un certain sens de la mélodie. D'ailleurs je trouve ça très zoli ! C'est bien de varier un peu et en cela, Contemptuous préfigure le style qui sera emprunté par Napalm Death à l'avenir, ce qui laisse présager de très bonnes choses.