Après quelques EP en mode grosses brutes, les Louisianais d’Isis sortent à nouveau de leur bayou pour nous gratifier d’un véritable album. Vu la direction résolument violente des premiers EP, on était en droit de se demander si le groupe réussirait à tenir sur tout une longue durée sans lasser l’auditeur ou réduire son crâne en bouillie. Surprise, surprise…
Tout commence avec un bruit de clavier, gimmick récurrent de Celestial, qui sera audible sur tous les interludes "SGNL". Pas très utile, mais cohérent, au moins. Et lorsque déboule le premier vrai titre, éponyme, la surprise est de taille. Presque dix minutes, un début beaucoup plus posé, pas glauque, qui ne charcute pas directement… Mais qu’est-il arrivé ? La formule a bien changé, et les riffs sont moins emprunts de groove qu’auparavant. La direction générale tend moins vers la brutalité que vers l’abstraction, beaucoup plus développée. Alors quand "Celestial (The Tower)", après nous avoir passé à la ponceuse pendant 5 minutes, déploie un riff acoustique saupoudré de bruitages de clavier, avant de lâcher une mélodie aérienne, la surprise est grande. Cependant, leur goût pour les ambiances glauques n’a pas été totalement dégagé, et il revient dès "Glisten". Des réminiscences du Mosquito Control EP viennent même pointer le bout de leur nez sur "Swarm Reigns (Down)", qui dégaine des riffs placés sous le signe de la référence peu discrète. Toutefois, si les membres d’Isis n’ouvrent plus aussi fortement les hostilités qu’auparavant (quoique, "Swarm Reigns (Down)", et "Deconstructing Towers"…), ils rattrapent cet éventuel manque en ajoutant la composante atmosphérique à la musique, laissant entrevoir ce que seront les futures réalisations.
Mais il ne faut pas se leurrer, car cette nouveauté reste assez peu exploitée au vu de la durée totale de l’album, et la simple utilisation de larsens comme ceux de "Deconstructing Towers" ne saurait être considérée comme une façon de poser une atmosphère, même si les véritables coups de mortier des six-cordes sont assez jouissifs. En revanche, sur "Collapse And Crush", notamment, on peut assister aux prémices d’une belle recette, avec cette alternance de riffs électriques et acoustiques, qui se mêlent et se démêlent dans un crescendo final très réussi, mais pas violent pour autant. Le clou est encore enfoncé par un "C.F.T." purement acoustique, mais assez aérien, qui relâche un peu la tension, alors à son comble. La fin de l’album ne repart pourtant pas en trombe, puisque "Gentle Time" ne fait que marteler un riff avec des samples de voix par-dessus. Ou pas, puisqu’une dernière séance de sodomie à la poutre plaquée au papier de verre surprend l’auditeur à la moitié du titre. Encore une occasion de contempler la production impeccable dont bénéficient les chasseurs de moustiques, avec ces cordes monolithiques, du genre à faire trembler les murs de cette voisine, la petite vieille, que vous détestez tant, et qui vous embête avec Claude François.
Armés de compositions moins chaotiques que par le passé, puisque moins riches en riffs, Isis entre donc dans le nouveau millénaire. Les natifs de Louisiane, bien que proposant encore des passages violents jouissifs, évoluent, et cherchent aussi à écraser et oppresser le pauvre auditeur sous une ambiance moite et post-cataclysmique. Un point que certains regretteront, mais que les plus avides d’évolution verront d’un bon œil. Toutefois, on est encore loin des arpèges aériens, que ce soit dit, et Celestial conserve un bon potentiel en tant qu'album de sludge hargneux.