Rotting Christ, le début de la légende. Aujourd’hui presque unanimement reconnu comme un des leaders de la scène black metal, alors qu’il n’en fait plus vraiment sans le saupoudrer largement de heavy, le groupe grec est tout de même déjà là depuis plus de 25 ans. 25 ans au court desquels il aura rarement faibli, pondant tout au plus un ou deux albums insipides selon les points de vue. Débutant en tant que groupe de grind, il sera un des premiers groupes de la deuxième vague de black metal à pouvoir sortir un album, après la démo Passage To Arcturo, déjà chaudement recommandable. Thy Mighty Contract sortira donc en 1993, un an avant la réelle explosion de la scène norvégienne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que déjà à l’époque, la musique des Grecs n’était pas des plus orthodoxes.
Le premier titre de l’album, "The Sign Of Evil Existence", ne nous surprend pas particulièrement, du moins avant la première minute, et le premier déploiement de mélodie de l’album. Des mélodies qui seront très nombreuses, et qui permettent encore à cet album de se poser en référence du genre. Après ce premier titre, elles se multiplieront, et créeront autant d’ambiances mystiques, ou épiques, parfois aidées par un clavier, comme sur "Transform All Suffering Into Plagues". Thy Mighty Contract compte donc un nombre élevé de leads heavy et de trémolos mélodiques qui en font un des albums de black metal les plus accessibles de cet époque, mais le côté bestial du black n’est pas pour autant remisé au placard. La batterie et ses blasts plutôt frénétiques, bien qu’assez aérés, ainsi que les vocalises arrachées, se feront une joie de le démontrer. Cependant, contrairement à un nombre assez important de formations de l’époque, le mid-tempo sera davantage mis en avant. Comprendre que ce qui est gagné en ambiance est perdu en brutalité. Mais c’est pour le meilleur. Bien que court, Thy Mighty Contract trouve pourtant le moyen d’être très bon de bout en bout, sans montrer de réelle faiblesse, l’inspiration étant toujours au rendez-vous.
A la différence de leurs albums plus récents, point de thématiques mythologiques, ni d’utilisation d’instrument autre que ceux des pandas ivôl de cette époque. Seul plane un climat suranné que rappellent régulièrement les nombreux airs très réussis, dont seront retenus principalement ceux de "Fgmenth, The Gift", ou encore "Exiled Archangels". En ceci, Thy Mighty Contract se rapproche légèrement du Mystic Places Of Dawn de Septic Flesh, qui sortira un an plus tard, et tout aussi réussi. La production, très correcte, ne cède pas aux standards Darkthroniens de crasse, préférant mettre l’accent sur l’audibilité de chaque instrument, et c’est tant mieux, puisque le black des Grecs prend ainsi sa pleine mesure. Même la basse, pourtant éternelle oubliée des productions de l’époque se fait ouïr à quelques reprises. Tout de même, un ou deux riffs peuvent faire songer à ce qui sera plus tard leur formule typique, mais la dissemblance reste assez marquée. Mais qu’on ne s’y trompe pas, en arguant que la jeunesse les rend incapables de contrôler leur art ; la musique est pleinement réfléchie, les leads sont disposées de façon à entrecouper les phases plus brutales, ou le contraire, afin que d’éventuelle somnolence il n’y ait.
Les amateurs de black de la grande époque qui ne connaissent pas ce petit joyau, même si ce serait étonnant, doivent se précipiter dessus impérativement. Pas aussi célèbre que les De Mysteriis Dom Sathanas et autres Transilvanian Hunger, Thy Mighty Contract pourrait néanmoins leur être préféré par nombres de mélomanes aguerris. Moins haineux, mais développant avec force talent une mystique dont les deux précédentes œuvres ne peuvent se targuer (quoique De Mysteriis, avec tout le barouf médiatique qu’il aura causé…), Thy Mighty Contract était un ovni dans une scène où tous tendaient à vouloir agresser davantage, et peut être considéré comme le premier album de black metal à véritablement se concentrer sur les ambiances. Et ce n’était là que le début d’une prolifique carrière…