Vendredi 17 Juin
En ce milieu d’année 2016, il est clair que si la « Team Humanité » dans son ensemble en chie plutôt des ronds de chapeaux, côté « Team Enfants du Metal » par contre, on a mis toute cette triste actualité en pause afin de fêter rien de moins que la XIe édition du Hellfest, et même la XVe édition en comptant feu le Fury Fest : reconnaissons que c’est absolument magnifique. Et côté «Team Éternels » ce n’est pas mal non plus, puisque cela fait désormais neuf années consécutives que notre belle équipe vous rapporte, à chaque début d’été, des nouvelles du plus grand front métallique de l’Hexagone. Et chaque année, le plaisir est renouvelé grâce à une programmation, une organisation, et un site qui s’améliorent continuellement afin de proposer aux hordes rigolardes d’extrêmes festivaliers toujours plus de kiff, le tout à prix modique. Car oui, deux-cent euros pour une telle organisation, un tel line-up, de tels décors et une telle qualité d’accueil - on ne le rappellera jamais assez - c’est cadeau les enfants ! D’ailleurs on le prouve séance tenante grâce à la puissance des maths : l’éternel moyen a vu environ trente concerts au Hellfest 2016. À deux-cent euros le pass trois jours, à combien cela ramène-t-il le prix unitaire par concert ? Eh bien oui, à précisément 6.66€ le concert. Un résultat pareil ne s’invente pas ! Et si même avec ça vous n’êtes pas convaincu, il reste encore un argument imparable : lisez notre fest-report de cette année, et voyez par vous-même si, pour deux-cent balles, vous ne seriez pas totalement refaits (spoiler alert : oh oui, vous le seriez). En piste donc, pour le neuvième live-report Hellfest des Éternels !
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Et comme vous allez rapidement pouvoir en juger, la journée sera longue, car en cet auguste vendredi d’ouverture du grand sabbath clissonnais, ce ne sont pas moins de trente-six groupes que sont allés voir les Éternels. C'est donc de bon matin, et plus ou moins en lendemain de cuite (ndlr : terrible pour certains), que vos serviteurs rejoignent le site, évitant grâce à leur précieux petit sésame « presse » la lourde file d’attente aux portes qui énervera plus d’un festivalier mais qui, rappelons-le, est avant tout due à des contrôles de sécurité renforcés. Or donc, pendant que la plèbe peine à s’introduire en Terre Sainte, les Éternels eux, feintent la foule et se retrouvent en position dès les premiers concerts. Cela nous permet d’assister au set de Witches (10h30 – Altar), et on se rappelle bien vite qu’ouvrir l’une des scènes du Hellfest est à la fois un honneur, mais également un exercice casse-gueule. Tout d’abord parce que tout le monde se presse encore aux portes, à attendre les belles palpations recommandées par la préfecture. Mais il en faut plus pour empêcher l’historique groupe français, labellisé premier groupe tricolore au growl féminin, de prendre son pied devant un public ultra-réduit au regard de l’heure, mais réceptif et bien content d’entendre le thrash-death offert. En piochant dans sa trentaine d’années d’existence, le groupe envoie les marronniers scéniques, ainsi que quelques titres issus du dernier EP The Hunt. Le son est plutôt bon, invitant chacun à bien débuter cette édition 2016. Une petite demi-heure pleinement réussie en somme, car s’il n’est pas simple de jouer dans des conditions gigantesques mais devant un parterre quasi désert, Sibylle et ses potes s’éclatent et font montre de leur expérience tant technique que musicale. Des applaudissements nourris félicitent le collectif, et l’Altar 2016 est inaugurée avec la manière.
Pendant que les gens continuent de galérer à entrer, nous assistons également au set de The Shrine (10h30 – MS02). Eux aussi essuient les plâtres devant un parterre encore modeste mais, vu l'horaire, forcément motivé. Motivé, le trio de Los Angeles l'est aussi, emmené par le charismatique et moustachu guitariste/chanteur Josh Landau, sorte de mousquetaire électrique échappé des seventies. Gosier subtilement chargé, Les Paul vintage en bandoulière, il assène un hard rock psychédélique tout en dynamiques lourdeurs, épaulé par une structure rythmique efficace, dont un bassiste jovial et voûté faisant songer à un pré-retraité qu'on aurait prévenu à la dernière minute de sa participation au concert. En clôture de ce dernier, un énergumène torse nu déboule des coulisses en agitant dans tous les sens son corps svelte et musculeux : l'entrée de Beb, le chanteur du météorique groupe punk-metal rémois Sloggy, est aussi explosive que sa blanche chevelure. Le Iggy Pop français achève de pimenter le set convaincant des bacchantes californiennes sur la reprise de "Waiting for the War" - l'un des rares titres enregistrés par le quartet champenois il y a trente-cinq ans – à l'instar du Download cinq jours auparavant et du Trabendo en novembre dernier. Aussi improbable que sympathique. Ça plus Witches, voilà qui lance les hostilités matinales avec art. De toute façon, pas le choix, car la journée est plus chargée que le foie de la plupart des festivaliers, et ce n’est pas peu dire.
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Il est déjà temps de faire un premier détour par une Warzone magnifiquement réaménagée façon théâtre de verdure - gageons que le lieu ne restera pas paisible très longtemps, surtout quand une formation aussi remontée que
Cowards (11h05 – Warzone) fait office de réveil-matin pour les quelques punks, fans et curieux venus se rassembler pour son inauguration musicale malgré un – timide - crachin. Chanteur bien énervé, guitariste grimaçant et bassiste menaçant : la rage véhiculée par le collectif de black/sludge parisien transparaît sur le visage de ses membres, tels des stigmates de la puissance qu'ils délivrent dans un déluge de guitares crissantes et d'expectorations rageuses. Certes, les titres ne sont pas aisés à distinguer au milieu de ce maelström, alimenté par une sombre et dense énergie qui ne laisse aucun répit. Mais ce parpaing sonique reçu en pleine tronche si tôt dans la journée a le mérite de secouer les ultimes torpeurs. C'est ensuite au tour de
Dust Bolt de prendre son quart (11h40 – Altar), eux qui avaient très largement dynamité le Divan du Monde récemment (live-report par
ici ). Avec un nouvel album et cette bonne réputation scénique acquise sur les planches, les fils spirituels teutons de la Bay Area avaient une belle carte à jouer en cette fin de matinée : le public est désormais conséquent, et les conditions de rodages effectués par les premiers groupes poussent tous les indicateurs au vert. Pourtant, malgré une présence et une énergie toujours remarquables (dont le chanteur guitariste Lenny – véritable hyperactif), les Allemands ne parviennent pas à faire parler la poudre. Même "Toxic Attack", "Agent Thrash" ou encore "Time to Pray" n’explosent pas la fosse, qui se lance néanmoins dans des minis circle-pits et autres timides slams plutôt révélateurs de la joie de débuter le festival que d'un entrain réel pour le thrash allemand. Bref, nous sommes satisfaits de les revoir, mais somme toute plutôt déçus de la performance - peut-être en attendions-nous trop ? Juste derrière, on enchaîne avec
Harm’s Way (12h15 – Warzone) : les Américains pratiquent un hardcore/indus/néometal des plus efficients, et si leur dernier-né,
Rust, n’avait pas marqué les Éternels du fait de sa (trop ?) grande simplicité, sur scène c’est une toute autre tambouille : on doit bien reconnaitre que les morceaux fonctionnent à merveille et que le groupe semble avoir progressé en termes de présence scénique depuis notre dernière rencontre au Deathwish Fest (Trabendo, juin 2015). Une jolie réussite donc, annonçant de multiples branlées à venir sur la Warzone.
Dans le même temps, on assiste au set de
Cruachan (12h15 – Temple), ce qui veut dire que c'est la celtic hour sur la Temple ! Tartans et maquillages bleu ciel sont de sortie : en dignes héritiers de Braveheart (bon, il était écossais, mais c’est pareil !), les Irlandais ont investi la place, brandissant, non pas des haches de guerre, mais flûtes, violons et guitares - accessoires tout de même plus aimables convenons-en. Et ils en font un usage vigoureux, délivrant pendant une demi-heure le black pagan qu'ils ont quasiment inventé il y a une vingtaine d'années. On pourra regretter que les instruments «
traditionnels » soient peu audibles lorsque tout l'orchestre joue à fond les gamelles, bien qu'ils se taillent la vedette sur les morceaux plus dansants. Car oui, on peut se trémousser sans honte sur Cruachan, et certains membres de l'assistance ne se font pas prier. Dommage que le grésillement des guitares tende à diluer les mélodies dans des aigus informels, auxquels se mêlent le chant criard de rigueur. Heureusement, une accorte rouquine à robe verte (comment ça, «
cliché » ?) vient vocaliser et onduler sur les deux derniers tubes, entêtants à souhait, maintenant la prestation de Cruachan dans la nostalgie païenne qui l'inspire. À peine plus de deux heures de festoche et déjà six groupes vus : performance acceptable, voire honorable ! Mais il s’agit de garder le rythme, et pour ça rien de mieux qu’un petit
Nashville Pussy (12h50 – MS2) : avec son "Thank You Goodnight !" balancé à l’heure du déjeuner, il est évident que Blaine Cartwright n’est ni le premier ni le dernier à se planter. Et vu le Jack Daniels qu’il s’envoie (alors que les autres font un peu semblant, genre «
j'mouille les lèvres »), on peut comprendre que le type soit totalement déphasé de jouer en pleine journée. Nashville Pussy vient néanmoins gicler son "Sex, Drugs & Rock‘n’roll" à la face de la Mainstage et rendre cette fin de première matinée aussi électrique que coquine. Le set mené à la braguette (
ndlr : joli) par Ruyter Suys est taillé pour les festivals, et le groupe balance donc ses titres les plus dansants et poussiéreux. "Come On Come On" pour débuter, puis on aura droit à "Hate & Whiskey" (
ndlr : restons dans le jus), "Go to Hell" ou encore "Go Motherfucker Go" en final, n’entérinant aucune innovation ou originalité, mais un plaisir certain. Et puis l’important est ailleurs : on se réjouit en toute simplicité de la prestation scénique d’un combo qui vieillit doucement et sûrement, mais qui sait toujours envoyer son rock’n’roll avec la manière. Miss Suys s’écroulera d’ailleurs en fin de set sur les planches de la Mainstage : un énorme cliché parfaitement mené et délicieusement reçu par le public nombreux, pour une performance finalement très agréable.
Suite à cette débauche de rock 'n' roll, on passe en mode «
deux salles, deux ambiances ». D’une part, le set de
Solefald (13h35 – Temple) : il est enfin temps de pouvoir admirer le metal avant-gardiste des Norvégiens, qui se produisent pour la première fois dans ce festival. S’il faut tout d’abord s’arrêter sur un truc, c’est bien sur le look improbable du chanteur Cornelius, avec sa blouse blanche et son bandeau japonais sur le front, mais aussi sur le fait que pendant tout le concert, un type peindra un tableau représentant une tête de cheval avec l’inscription Solefald en blanc dessus. Étrange et assez unique ! Pour le reste, le groupe enchaînera les titres des différents albums en laissant la part belle à
The Linear Scaffold, leur premier disque. Et le tout passe très bien, malgré un son assez moyen. Même les passages un peu bordélico-electro-ethnique de "World Metal". "Kosmopolis Sud" fait son effet et donne par moments une furieuse envie de remuer les fesses. Les différents membres du groupe chantent extrêmement bien et c’est d’ailleurs un vrai bonheur que d’écouter l’hypnotisante "Sun I Call", ou le final tout en clavier théâtral de "Moon is on the Wave". Un très bon concert donc, mêlant allègrement passages black cataclysmiques, moments aériens, et world musique teintée de sonorités électroniques. D’autre part et de l’autre côté du festival, on assiste au set des rares
All Pigs Must Die (13h35 – Warzone), venus détruire la Warzone avec une précision et une hargne maximales. Le side-project de l’immense Ben Koller (Converge, batterie, qui jouera donc deux fois dans la journée) et du leader des excellents Hope Conspiracy, déploie un niveau de violence et d’intensité qui ne sera que très rarement atteint sur la Warzone lors de ce Hellfest 2016. Un véritable tir de barrage de morceaux hardcore/chaoscore/grind alternant entre saillies hystériques et groove écrasant, et qui aurait tout aussi bien pu avoir sa place sous l’Altar. Mais il faut bien admettre que se manger "Hungry Wolf Easy Prey" ou le monstre "Primitive Fear" en plein soleil à 14h est un de ces petits plaisirs absurdes auxquels on n’assiste qu’au Hellfest, on en profite donc au maximum. Au final, une grosse réussite, et une preuve de plus de l’immense éclectisme de l’affiche du Hellfest.
Et vous n’avez encore rien vu, puisqu’on enchaîne avec deux nouveaux combos très différents : tout d’abord
Ramesses (14h20 – Valley), qui vient punir la Valley avec un set des plus obscurs et occultes en remplacement de ces petits enfoirés de Windhand (qui, en gros, ont annulé le Hellfest et toute leur tournée européenne, et qui à la place sont partis tranquilles aux USA avec Sleep). Avec Mark Greening derrière les fûts (quelle frappe de brute !) et deux ladres pas beaucoup plus sains d’esprits sur le devant de la scène, les Anglais assènent leurs incantations clairement Electric Wizard-related à un public hébété par tant de lourdeur. Néanmoins, le son n’est pas impeccable et le groupe ne semble pas extrêmement bien en place, constat déjà partagé après le Doomed Gatherings de mi-mai dernier à Paris. On s’en remettra, tant leur riffing est efficace et tant l’ami Greening en met partout, mais on aimerait bien enfin pouvoir les voir un jour et en ressortir en se disant «
ah, là c’était vraiment énorme ! » … Second couteau un jour, second couteau toujours ? Mais passons, car non loin de là, c’est
Sadist qui officie (14h20 – Altar). Le vieux groupe italien (devrions-nous dire légendaire ?), emmené par son guitaro-clavieristo-hero Tommy Talamanca qui arrive à jouer à la fois du clavier et de la guitare les doigts dans le nez, revient pour la deuxième fois au festival. Mais il serait réducteur de limiter la présence (en nombre) des festivaliers devant la scène au phénomène de foire de son guitariste. Sadist dispose en effet d’une discographie variée et jouit d’une réputation de technodeath-border-jazz peu érodée avec les années. Le groupe saisit d’ailleurs le temps donné pour non seulement faire un peu de promo sur sa dernière sortie en interprétant "The Lonely Mountain", mais surtout ravir le public en piochant dans les débuts : d'une part dans
Above the Light, mais aussi dans
Tribe. Le son est plutôt bien restitué, et le plaisir auditif est doublé par le spectacle visuel donné par Talamanca (une main par instrument, et Paf que je te plaque les accords en hammer sans besoin d’attaquer les cordes), mais aussi son inspiré bassiste Marchini, qui déploie une technicité incroyable. L’éructeur Trevor Nadir ne cache pas sa joie d’être sur scène et se place humblement par rapport à ses comparses tricoteurs afin que l’essentiel de Sadist, sa musique, prenne toute la lumière. Le public a cessé de sauter partout, mais prend visiblement beaucoup de plaisir à la prestation. Un des sets les plus agréables du weekend, sans artifices ni froufrous.
Après tout ce sérieux, un peu de légèreté s’offre enfin à vos serviteurs avec les pirates rigolards de
Halestorm (15h05 – MS1). Leur hard rock très classique passe bien le test de la scène et se prête à être joué en plein air, en pleine journée et sur une grande scène. Très vite, on comprend que le groupe repose beaucoup, pour ne pas dire uniquement, sur sa chanteuse Lzzy Hale, qui joue également de la guitare. Le public n’a d’yeux que pour elle tant elle attire les regards en faisant le show et se donnant à fond vocalement de la première à la dernière minute. On a même peur pour sa voix qui semble parfois à la limite de la rupture, mais tout ça est très maitrisé. Le charisme de la chanteuse/leadeuse (inventons un mot) cache un peu le fond de la musique du groupe qui n’est ni très originale ni passionnante, l’un des moments les plus sympas du set étant par exemple le solo de batterie de Arejay Hale (le frère de sa sœur, si vous suivez toujours), pendant lequel il joue des intros de classiques du hard rock et fait chanter le public. Bref, un bon petit groupe de début d’après-midi, à regarder avec une bière au soleil.
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Suivent les fédérateurs
Mass Hysteria (15H50 – MS2 -
ndlr : ils sont là tous les ans ou c’est moi ?) : sur la MS2, la foule se veut plus dense avec l’arrivée des français, venus défendre leur dernier album en date,
Matière Noire. Et c’est sur "Chien de la Casse" que les hostilités commencent. Les guitares sont agressives, le son massif. Les musiciens sont carrés, les rythmiques forcent le public à headbanguer et, au plus près de la scène, à «
foutre le bordel » comme le dit Mouss Kelaï. Clairement, l’ambiance est bonne et l’énergie des furieux et des furieuses redouble même d’intensité lorsque Mouss se mêle à la foule (sur l’inévitable "P4"). L’ambiance volcanique ne retombera quasiment jamais, la foule enchaînant les circle-pits sous l’œil amusé d’un Mouss qui ne tient décidément pas en place. Son chant lui, reste le même, toujours plus parlé que chanté, mais ça fonctionne. Lors des pauses, il n’hésite pas à parler de son attachement à la Bretagne («
La Bretagne c’est mon pays. La France ma région… Non je rigole »), à remercier le public présent de le suivre depuis plus de vingt-trois ans, explique que son mouvement reste «
Positif à bloc » et enchaîne sur le très efficace "Plus Que Du Metal". Comme à son habitude, le groupe finit sur une tentative d’un wall of death géant lors de "Furia". Il sera de taille raisonnable, mais bien loin de celui, légendaire, d’Hatebreed en 2014 (
ndlr : c’était pas Dagoba plutôt ?). Au même moment que Mass Hysteria, il était également possible d’aller assister au set de
Havok (15h50 – Altar) et là on ne rigole plus du tout. Les américains vont littéralement retourner la tente de l’Altar en livrant une des prestations les plus intenses du week-end, une véritable leçon de thrash virulent à l’ancienne. Ce qui impressionne le plus, c’est la précision chirurgicale de la section rythmique : un batteur qui pousse le toupa toupa au rang de chef d’œuvre et un bassiste fou qui joue tout au doigt et n’hésite pas à slapper avec le sourire, comme s’il jouait du funk. Rajoutez à ça une paire de guitaristes qui connaît son métier, tant en rythmique qu’en solo, et un chanteur à la hargne convaincante, et vous obtenez la recette du groupe de thrash parfait. Certes, il n’y a rien de révolutionnaire ici et le petit Kreator ainsi que le petit Slayer illustrés ont dû faire partie des livres de chevet des membres du groupe, mais quelle efficacité ! Un nouvel album ne va pas tarder à sortir, on attend ça avec impatience... Il est alors 16h45 et le soleil brille sur tous les enfants du metal, malgré les prévisions apocalyptiques de ces casseurs d’ambiance de la météo (probablement des cathos tradis de droite ultra-conservatrice).
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C’est le moment choisi par la Team Éternels pour lancer son attaque «
über-ubiquité », lui permettant d’assister à non pas deux, mais bien à trois sets différents en même temps ! Et à tout seigneur tout honneur, on commence avec
Anthrax (16h45 – MS1) : ayant annulé leur venue l'an passé, ces gars-là devaient une revanche aux festivaliers (comme les collègues de Megadeth, d'ailleurs). Les voilà donc qui investissent la MS1 en ayant pris soin de la décorer avec un imposant backdrop inspiré de la pochette de leur album paru au mois de janvier. La prestation débute avec le titre le plus convaincant de ce dernier, le saccadé "You gotta believe" - on prie alors pour que les pionniers du thrash metal en restent là avec les nouveautés. Mais, et c'est tout à leur honneur, les New-Yorkais ont bien l'intention de promouvoir leur récente réalisation dont ils vont interpréter deux autres extraits, "Evil Twin" et "Breathing Lightning", qui gagnent cependant une bonne dose de niaque en live. Heureusement, Scott Ian et sa bande piochent aussi dans les classiques – promesse quasi garantie d'une belle éclate collégiale. Qui ne manque pas de se produire, les premiers rangs étant secoués par des pogos permanents et des circle-pits aussi massifs qu'ininterrompus. Il faut dire qu'Anthrax joue sur du velours en balançant le frénétique "Caught in a Mosh" ainsi que "Got The Time", la reprise fulgurante de Joe Jackson. Pas fous, les mecs font même reprendre en chœur la version anglaise d'"Antisocial" au public - énorme succès. Sur les planches, les rôles sont distribués sans surprise, entre le petit mais costaud pilier sonique Scott Ian qui dégaine ses riffs avec précision et célérité sur sa flying V, un Frank Bello hyperactif qui secoue sa basse dans chaque recoin et le discret Jon Donais qui exécute ses solos avec flegme. Quant à Joe Belladonna, qui ressemble de plus en plus à Geronimo, surtout quand il se pare d'une coiffe indienne sur... "Indians", son interprétation débarrassée de ses stridentes envolées se révèle totalement convaincante - un chanteur qui se bonifie avec l'âge, ce n'est pas si courant. Il contribue en tout cas à la réussite d'une prestation toute en énergie – merci le son béton – qui fait souffler la première tornade de folie furieuse sur ce Hellfest 2016. Cinquante minutes beaucoup trop courtes en somme.
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Au même moment, focus avec un autre éternoz : on le sait, le black-pagan vit bien au Hellfest. Avant d’accueillir Moonsorrow le lendemain sous la Temple, c’est pour l’heure le grand
Kampfar (16h45 – Temple) qui attire les foules en cette fin d’après-midi. Avec la sortie récente du très réussi
Profan l’année passée, le groupe a de quoi remplir avec brio la petite heure accordée par le festival. Toutefois, seuls "Daimon" et "Tornekratt" seront issues du dernier opus, permettant ainsi au groupe de fédérer sur des titres plus anciens. Le son est plutôt bien restitué et le passage de la scène donne véritablement aux aspects atmosphériques des compositions une toute nouvelle dimension. Dolk tient son rôle de leader et fait l’objet de toutes les attentions, jalonnant les ambiances froides et macabres d’un "Daimon", ou d’un "Mylder" très soutenu par un public qu’on sent de toute façon séduit depuis le début. Si on aurait peut-être préféré voir le groupe en fin de journée, ou au moins de nuit, il est clair que Kampfar réussit une nouvelle fois et avec brio son passage au Hellfest. À l’autre bout du festival, un dernier éternoz était, de son côté, posté à la Warzone pour le set de
Vision Of Disorder (16h45 – Warzone) : ce dernier ne le regrettera pas tant le set proposé par les américains fut tout à fait appréciable. V.O.D a toujours été un groupe à part dans la scène hardcore, refusant de s’inscrire dans telle ou telle mouvance, préférant tracer son propre sillon, quelque part entre metal alternatif, hardcore barré et néo-metal bourrin. Propulsé par le chant d’un Tim Williams très en voix et au top de la showmanship à l’américaine, ainsi que par les compos d’un dernier album unanimement salué par la critique, V.O.D a fait le boulot devant une Warzone conquise, visiblement remplie de connaisseurs (cf. les réactions très chaleureuses à chaque morceau issu d’
Imprint, l’album culte des Américains). Très joli coup de la part de l’orga que de les avoir fait jouer cette année, on aurait juste voulu avoir droit à un petit "Electric Sky", et tout eût été parfait… Trois concerts en même temps, c’est un bien beau triplé inscrit par la Team Éternels sur ce créneau de milieu de journée.
Et on ne s’arrête pas là, puisqu’on enchaîne presque immédiatement (ces gens sont fous, arrêtez-les !) avec deux sets aux styles diamétralement opposés en parallèle : à ma gauche,
Vader (17h40 – Altar. Le monstre polonais à la carrière trentenaire attire certes un peu moins de monde que le précédent set d’Havok, mais il fait le plein de furieux venus prendre leur rouste de fin d’après-midi ! Une petite heure brutale débutée classiquement par une arrivée à tour de rôle et tous sourires dehors pour le groupe. La setlist est sans concession, orientée vers les premiers albums. Et les Polonais tabassent sec : entre une batterie atomique (mais quelle puissance !), en passant par une basse claquante démultipliant la puissance des riffs, les quatre tauliers donnent l’impression de débarquer avec la rage de leurs vingt ans. Leur hymne "Vicious Circle" (qui avait, à l’époque, permis à pas mal de gens de découvrir le groupe par l’intermédiaire de la compilation
Masters of Brutality) est d’une violence inouïe et chauffera un peu plus une fosse déjà en fusion. Vader semble, avec ce set, indiquer que leurs albums ne sont maintenant plus qu’un alibi pour tourner et donner une autre dimension à leur death metal par l’intermédiaire de la scène. Respect… Et à ma droite donc, changement d’ambiance total avec
Earth (17h40 – Valley) : l'heure est encore une fois à la lourdeur sous la Valley lorsque le groupe de Dylan Carlson, débute son premier morceau. Lumière bleue, guitare plus basse que terre, saturation maximale et son très bien dosé seront les maîtres mots de ce set. Dylan Carlson, brandissant sa guitare comme une arme, assène ses longs riffs hypnotiques, en commençant par les morceaux les plus récents des Américains avec deux titres issus de
Primitive et
Deadly, pour enchaîner avec "The Bees Made Honey in the Lyon’s Skull". Niveau prestation scénique, il n’y a pas grand-chose à redire. Earth maîtrise son sujet avec des riffs lourds, hypnotiques, portés par une batterie pesante mais qui sait s’avérer discrète, et peu d’effets lumineux pour ne pas trop nous distraire des mélodies envoûtantes. Puis, surprise, le guitariste annonce à un public peu nombreux mais en transe, qu’il va jouer un titre du prochain album. Celui-ci ne dépareillera pas des précédents (aucun speed-metal en vue, étonnamment) laissant l'audience dans sa lente rêverie. Niveau interprétation, même topo : Dylan Carlson irradie de classe et les autres instrumentistes restent eux aussi bien carrés. Peu bavard, le groupe finira tranquillement son show avec les gros riffs lents et envoûtants de la mélancolique "Old Black". Rien à redire, la maîtrise est totale.
Dans le même temps, d’autres Éternels ont pris place à la MS1 pour assister au concert des lovers de
Bullet For My Valentine (18h35 - MS1). Ah... Bullet For My Valentine... Que dire de ce combo
metalcore britton en 2016 ? Pas vraiment de bonnes choses, et comment pourrait-on ? Recalés de plusieurs rangs depuis le Hellfest 2013 où les Anglais jouissaient d'une place de chef sur l'affiche, le groupe ne cesse d'être encore un peu plus l'ombre de lui-même depuis sa fulgurante ascension ayant succédé ses premiers albums. Ça date de quand ça déjà ? Dix ans. Boum. Et oui, l'eau a bien coulé sous les ponts depuis, les jeunes metalheads bercés par BFMV ont pour la plupart définitivement pris une route bien différente, ayant pris soin de ranger leur single de "Tears Don't Fall" tout au fond du dernier tiroir de leur garde-robe dans leur chambre d'ado. Avec un line-up encore remanié à la baisse, le groupe nous gratifie en prime d'un des pires sons du festival sur Mainstage avec des moments où seules les salves de grosse caisse sont audibles. Niveau prestation sur scène, c'est le minimum syndical qui est livré, avec une communication forcée et sans saveur, un leader finalement assez hautain, haranguant le public de façon téléphonée et tellement peu sincère que ça fait presque pitié à voir par moments. Et que dire du public lui-même, s'il n'est pas presque aussi mou, composé visiblement de touristes plus âgés campant sur la Mainstage depuis le début d'aprèm... Un Éternel est également alors en poste à la Temple pour assister à un set des plus étranges (mais visiblement pas par choix) de la part d’
Inquisition (18h35 – Temple). Le groupe se présente sous la forme d’un duo guitare/batterie, le guitariste se chargeant du chant… Fuck la basse donc, ce qui ne s’entend pas vraiment. Le corpse paint porté par les musiciens colombiens nous fait penser que l’on va avoir droit à un black metal des plus classiques… Et c’est le cas, mais en partie seulement. Le groupe alterne entre purs brûlots black aux blast-beats ininterrompus particulièrement monocordes, et quelques titres mid tempos aux riffs lancinants sur lesquels Dagon s’adonne à un chant grave d’inspiration chamanique ou tibétaine, alternant avec son chant black qui fait surtout penser à la voix de Kermit la grenouille. Une expérience à vivre (
ndlr : ou à fuir, aussi).
À peine remis que c’est déjà le moment de notre premier live-report «
full size » de la journée, avec en l’occurrence une mise à l’honneur d’un groupe culte car figurant parmi les géniteurs du metalcore moderne :
Killswitch Engage (18h35 – Warzone), à lire
ici. Cela fait, on se permet de zapper le set d’Hatebreed car on les a déjà vus 856 fois et on sait parfaitement bien à quoi s’attendre avec eux : les Éternoz lui préféreront deux sets plus alternatifs. Alors qu’un énorme orage plus que maousse décide de venir rafraîchir tout le monde (ce sera heureusement le seul gros du week-end), on se réfugie sous diverses tentes. D’une part, pour admirer la douceur d’un
Sacred Reich (19h30 – Altar) : malgré tout le respect dû au gang de l'affable et bavard Phil Rind, on ne peut s'empêcher de trouver un peu incongrue la (légère) supériorité du temps d'exposition de ce valeureux second couteau de la scène thrash US par rapport à Anthrax, membre du fameux Big Four dont trois éléments se produisent au Hellfest cette année. Ceci étant dit, cela fait plaisir de retrouver le quatuor de l'Arizona qui se fait rare dans l'Hexagone, d'autant que si le leader/bassiste/chanteur a un peu forci, son grain de voix particulier lui, est demeuré intact. Variations de tempo, son correct, compos efficaces : tout est réuni pour une séance de saccades et de secousses en tout genre, qu'une part conséquente de l'assistance rentabilise jusqu'à la dernière minute. Rien d'étonnant à cela, puisque les Nord-Américains délivrent une version musclée de "War Pigs", deux jours avant celle de Black Sabbath, et concluent leur récital par leurs deux tubes, le percutant "Independent" et le sinueux "Surf Nicaragua" - ah, jouissives accélérations ! Un très bon moment de thrash old school. Et d’autre part, pour profiter de la légèreté d’un petit
Melvins des familles (19h30 – Valley) : le cirque ambulant de King Buzzo débarque en format (très) réduit au Hellfest cette année, sous la forme d’un power trio des plus énergiques. Une seule batterie, mais du groove par camions et un niveau musical général qui crève le plafond pourtant déjà très élevé de la Valley. Pour qui n’est pas fan ultime des Melvins (c’est mon cas), le tout sonne un peu comme une performance d’art-contemporain (l’inénarrable costume de Buzzo n’aidant pas), quelque part entre jam et véritable concert, peuplée de séquences barrées, de double voire triple chant, et de blagues à l’image des mecs du groupe (un peu grasses, mais surtout très barrées). Déstabilisant donc, et parfois déroutant, mais tout à fait intéressant au demeurant.
Une fois la tempête (météorologique comme sonique) passée, la fête reprend de plus belle, et quoi de mieux pour ce faire que
Korpiklaani (20h30 – Temple)? Alors qu’on pouvait craindre de voir une bande de Finlandais complétement ivres, titubant et balançant tant bien que mal leurs chansons à boire, on a l’agréable surprise de voir un groupe très pro assumant son statut de leader sur la niche du folk metal. Le son, sans être parfait, est étonnement bon sous la tente du Temple, permettant de profiter pleinement des interventions de l’accordéoniste et du violoniste du groupe. Le vocaliste Jonne Järvelä ne joue plus de guitare, ce qui lui permet d’occuper toute la scène en courant et parfois, en dansant sur les rythmes festifs et entraînants de son groupe, tout en délivrant son chant (joik compris) sourire aux lèvres et en faisant de nombreux signes au public. Celui-ci s’éclate sur cette musique bon enfant et acclame les interventions des musiciens «
traditionnels », violoniste virtuose en tête. Un bon moment qui met d'agréable humeur, même si au bout d’une demi-heure on finit par se lasser, avec l’impression que le groupe joue toujours le même morceau. Dans le même temps, une des stars de la journée prenait possession du site :
Volbeat (20h45 – MS1). C'est donc trois ans après leur première au Hellfest que le combo nous revient avec sous le coude son tout fraîchement sorti
Seal the Deal and Let's Boogie et, bien entendu, son metal teinté rockabilly (ou rockabilly teinté metal, comme vous voulez) reconnaissable entre tous et taillé pour faire bouger les corps engourdis. Pour le coup cependant, nous n'avons personne de dépêché sur place. Mais les échos qui nous parviennent du set nous laissent à penser que si le groupe avait créé la surprise lors de sa précédente venue, force est de constater que la prestation du jour se présente sous des auspices familiers. Volbeat a gagné en maturité, son style en homogénéité, mais - malheureusement aussi - ses prestations ont quant à elle pris un petit goût de d'évidence peut-être trop prononcé. Mais pas au point cependant de priver la foule de la joie de retrouver ce son caractéristique, dynamisant et oh combien réjouissant. Le set ressemblera cependant à s'y méprendre - exception faite de son hommage à Lemmy - à celui présenté au Download et au festival des Artefacts. Et comme ce dernier est également détaillé sur nos murs eternels, nous vous offrons un court instant un bond dans le temps ET dans l'espace (amusant non, cette Time Machine !) pour le découvrir, conté par le menu de ce côté
ci.
Alors que la nuit tombe sur tous les enfants du metal et qu’on s’approche doucement de la fin de cette première journée de festival, la Team Eternels n’en a pas encore terminé, loin de là. On va d’abord voir
Overkill (21h35 – Altar): «
We don’t care what you say! We don’t care what you say! ». Le groupe n’a même pas encore débarqué que le peuple de l’Autel commence déjà à hurler le culte slogan. L’Altar a déjà vu passer du thrash de toutes époques aujourd’hui, et en attendant Testament, les Américains de New Jersey vont donner un chaud-show balançant entre le has-been et le not dead yet. Avec une setlist sans temps morts, convoquant les plus gros titres du groupe, la bande à Bobby prend plaisir à jouer, quitte à en faire un peu trop. Mais le groupe, grâce à une apparente sincérité, fait mouche et fait chanter et sauter son public, jeune et moins jeune, de partout. Un "Elimination" ou un "Hello From The Gutter" sont plus efficaces qu’une crème anti-rides pour tous les quadras du devant de scène, et les récents (tout est relatif) titres comme "Iron Bound" réussissent également à faire sourire le plus grognon des thrasheurs. Inutile de polémiquer : si Overkill reste, même scéniquement, un ton en dessous des grosses légumes (dont Testament à venir), le job est plus qu’honorable et l’historique "Fuck You", joué en clôture, atteste que le thrash des Américains sait encore vivre live et peut se reposer quelques années supplémentaires sur ses acquis. Dans le même temps et à contre-courant, l’un de nous s'est éloigné de ce monde pour respirer à plein poumons l’atmosphère saisissante régnant sur la planète Zeuhl, distillée par le collectif culte de Christian Vander :
Magma (21h35 – Valley). Nous vous offrons le report complet
ici
Et en parallèle, c’est déjà l’heure de la kermesse celtico-punk sur l’une des Mainstages, pas moyen de louper ça bien entendu et on court donc voir
Dropkick Murphys (22h05 – MS2). Les plus Irlandais des musiciens américains nous donnent un aperçu de ce que sera l’ambiance de l’Euro avec les supporters du cru : du fun viril et de la bonne humeur alcoolisée ! Leur punk rock couillu mâtiné d’influences celtes fait un carton sur la MS2. En plus des instruments rock traditionnels, les sept membres du groupe jouent, selon les morceaux, de l’accordéon, du banjo, de la mandoline, de la guitare acoustique, du piano, de la flûte et même de la cornemuse. Mais l’énergie reste au centre des débats, comme le prouve le bien nommé "The Boys Are Back" qui lance les festivités. Les albums
Signed and Sealed in Blood et
The Warrior's Code sont particulièrement à l’honneur, notamment la très accrocheuse et folk "Rose Tattoo" (rien à voir avec le groupe australien) qui est reprise par tout le public, même si la plupart des spectateurs ne la connaissait pas cinq minutes plus tôt ! C’est ce qu’on appelle un tube. On a même droit à une reprise de l’hymne des supporters du Celtic de Glasgow et des Reds de Liverpool : le mythique "You'll Never Walk Alone" en version punk, chanté par le bassiste Ken Casey qui partage les vocaux avec le chanteur du groupe Al Barr sur la plupart des morceaux. Pour finir en beauté, rien de tel que le très attendu "I'm Shipping Up to Boston", rendu célèbre par sa présence sur la BO des Infiltrés de Scorcese. Vite, une Guinness !
À l’autre bout du site, l’ambiance est nettement moins rigolarde puisque ce sont les papes du hardcore moderne option-violence qui prennent possession des planches de la Warzone : on parle bien évidemment de
Converge (22h40 – Warzone). Dotés d’un son incroyable, le meilleur de tout le week-end sur la Warzone avec Refused, papa Jacob et ses trois frères d’armes sont de retour pour leur petite masterclass chaoscore usuelle, devenue si régulière au Hellfest. L’occasion étant celle de célébrer la réédition réussie d’un de leurs albums cultes, on aura donc le droit, logiquement, à pas mal de ce fantastique
You Fail Me, mais aussi à quelques tubes issus des deux derniers albums du combo ("Pale Horse" évidemment, ou encore "All We Love We Leave Behind" et "Wasted Arrows"), en plus des indépassables classiques du genre "Concubine". Le groupe est dans une forme olympique et peut mesurer sa popularité intacte en terre clissonnaise vu le monde présent à la Warzone. Converge reste le collectif autour duquel l’immense majorité des fans de hardcore (voire de metal extrême) se retrouvent et cela se sent. Un concert moins mémorable que leur bientôt légendaire double-set au Roadburn 2016, mais qui demeure très appréciable puisqu’on en ressortira abasourdis tout autant qu’éreintés.
Néanmoins il n’était absolument pas question de louper le set d’une des têtes d’affiche les plus attendues du Hellfest cuvée 2016,
Rammstein (23h10 - MS1). Rammstein, c'est le show qui prend le pas sur la musique, celle-ci servant surtout de prétexte pour une débauche impressionnante de pyrotechnies. Que dire de plus ? Que le son puissant, industriel, clinique offre un contraste saisissant avec les flammes crachées dans tous les recoins de la scène et même au-delà ? Que la setlist inamovible témoigne d'une performance anticipée dans ses moindres détails, rétive à l'idée même de spontanéité ? Que les remerciements finaux mis à part, la communication avec le public percute le zéro absolu ? Tout cela, ceux qui suivent un minimum l'actualité de la formation berlinoise, le savaient déjà avant le début du concert. Pas de surprise donc, ni bonne ni mauvaise. Juste un spectacle de quatre-vingt-dix minutes hyper bien rôdé, encore plus que celui de leurs aînés de Kiss qui avaient loupé
leur entrée en 2013, seulement troublé par l'aura inquiétante du tourmenté Till Lindemann, le Dave Gahan du metal industriel – le groupe reprend d'ailleurs "Stripped" («
mis à nu ») de Depeche Mode. La densité étouffante de la foule, y compris dans les rangs les plus reculés, démontre que la formule intrigue et attire, indépendamment de la qualité des morceaux qui a tendance à se disperser comme les fumées produites par ces habiles artificiers. Dans le même temps, un autre groupe culte officiant dans un genre très différent, bénéficie lui aussi d’un live-report extensif, visible
ici : il s’agit des thrasheurs cultes de
Testament (23h45 – Altar). Et si vous croyez que c’est terminé, mais que nenni, loutres ! Les Éternels, réchauffés uniquement par la passion qui les habite (et pas mal de litrons de Grimbergen - qui viendra d’ailleurs bien trop vite à manquer sur les bars du festival), vont encore trouver le moyen de vous relater trois concerts des plus nocturnes. Le set des inénarrables
Sunn O))) tout d’abord (23h45 – Valley), à lire
ici.
...Puis la prestation des sympathiques
Kvelertak ensuite (0h20 – Warzone) : après l’expérience éprouvante que représente Sunn O))), voir Kvelertak relève du plaisir bon enfant et pas trop subtil : parfait pour se vider tranquillement le cerveau. Dernier groupe du vendredi sur la Warzone, les gars semblent particulièrement en forme, à commencer par Erlend Hjelvik qui fera pratiquement l’intégralité du set torse-nu à hurler cassé en deux sur son micro et bougeant de droite à gauche. Les guitares de Vilar Landa et Bjarte Lund Rolland sonnent agressives, tout comme le batteur qui n’arrête pas de cogner comme un sourd. À côté, plus le show avance, plus les lumières deviennent folles, alternant toutes les couleurs et bougeant n’importe comment, rajoutant au bordel ambiant et excitant une fosse particulièrement dynamique. Bref, vous l’aurez compris, Kvelertak ne joue absolument pas la carte de la subtilité et ce n’est pas ce qu’on leur demande. Niveau morceaux, le collectif laissera la part belle aux titres du dernier album,
Nattesferd, avec le single immanquable "1985", mais surtout à la guitare ultra efficace du morceau éponyme. Et il faut bien avouer que ce dernier disque passe plutôt bien l’épreuve du live. Pour le reste, le groupe enchaîne les très bons titres ("Berserkr", "Undertro") et d'autres immédiatement accessibles ("Svartmesse"). Erlend Hjelvik agite même un énorme drapeau noir portant un symbole à l’effigie du groupe et les Norvégiens décident d'achever le public par l’entraînante "Kvelertak", histoire de terminer la soirée dans la bonne humeur.
Et pour finir, la performance d’
Abbath, récemment échappé d’Immortal (0h50 – Temple) et venu imposer sa puissance nordique à une Temple blindée… Et cela semblait plutôt bien barré pour l’homme peinturluré qui présentait son dernier LP en grande pompe. D’abord l’horaire, parfait pour ce type de musique. Ensuite l’affluence : massive, excitée et à peine fatiguée de cette première journée. Enfin le son : juste et équilibré… Enfin presque ! Si le set du bonhomme pioche évidemment chez Immortal à plusieurs reprises ("One By One", "In My Kingdom Cold" ou "Nebular Ravens Winter"), ce sera vraiment en version cheap tout du long. On commence par une entrée en matière en mode cracheur de feu, un petit tour de scène et hop, on rapporte la torche en coulisses et le show débute. Les titres s’enchaînent sans encombres, se servant auprès de tous les groupes du frontman, jusqu’à un incident technique majeur que devra se trimbaler le combo, à savoir la coupure son de la guitare, rien que ça ! En bon comédien qu’il est finalement, l’anti-héros tentera l’humour, puis la révolte façon «
what the fuck » et des échanges avec le public. Comme ça commence à faire long, ça chahute et les vannes fusent. Le son revient, mais trop tard : l’envie n’est presque plus là. Le trio le sent bien, et joue en roue libre alors qu’une partie du public prend la poudre d’escampette, laissant néanmoins une moitié de chapiteau en transe assister à la fin de l’Évangile selon Saint-Abbath. Juste et sans excès au démarrage, devenue parfois risible ensuite, la prestation vaut finalement plus pour le cocasse de l’incident et l’inénarrable présence scénique du sieur Abbath que pour l’œuvre musicale en elle-même.
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Que faire après une telle première journée ? Si certains ont encore la motivation ou la force, voire l’outrecuidance, de continuer à se la coller jovialement au camping ou au metal corner, force est de constater que pour la plupart des enfants du metal, c’est l’heure de la berceuse (a.k.a les festivaliers qui hurlent « apéro », « merci Jacquie & Michel », ou encore « Philippe je sais où tu te caches [etc.] » pour la 129 000e fois de la journée) et de faire un petit dodo des plus salutaires, car le lendemain dès 10h30, les choses sérieuses recommencent. Quand à toi, ami(e) lecteur/-trice, le bouton « page suivante » te permettra séance tenante de faire avancer le temps de huit heures et quelques (tout en revenant plusieurs semaines en arrière, étonnant non ?) pour te retrouver sur le festival, avec nous, samedi matin à 10h30. C’est magique, c’est presque comme un livre dont tu es le héros, sauf qu’ici le héros, c’est bien évidemment le metal (tu croyais pouvoir voler la vedette au metal ? Quelle arrogance !). À demain donc, pour de nouvelles aventures houblonnées et métalliques !