C'est le premier album de King's X non produit par le gourou Sam Taylor (l'ancien manager de ZZ Top) qui occupait en plus de la fonction de producteur, celle de manager (situation comparable au producteur-manager Sandy Pearlman chez Blue Oyster Cult). Désirant jouir d'une plus grande liberté artistique, King's X décide de se séparer de Sam Taylor et de faire appel au producteur grunge top-tendance à l'époque, Brendan O'Brien. C'est là où on voit que l'influence d'un producteur peut être énorme sur la musique d'un groupe. King's X conserve ses caractéristiques habituelles mais ne sonne plus du tout de la même façon si bien que l'on croirait presque entendre un autre groupe quand on écoute l'album pour la première fois.
Cette production plus "garage" n'est pas désagréable mais ne valorise pas autant la musique de King's X que sur les albums précédents qui sonnaient bien plus propres et davantage hard US, parfois lorgnant vers le FM. Bon, Dogman est loin d'être un album de grunge ceci dit ! Mais le problème surtout, c'est que King's X, à force de nous la jouer heureux et décontracté, en oublierait presque l'essentiel : écrire de bonnes chansons. Dogman tient la route surtout grâce à ses sublimes harmonies vocales sur les refrains et au chant de Doug Pinnick. Au niveau du chant, le groupe n'a jamais été aussi inspiré : Ty Tabor et Doug Pinnick nous délivrent de superbes refrains, des choeurs à tomber et j'en passe.
A part ça, il est vraiment dommage que certains morceaux soient d'une grande linéarité, des mid-tempos aux rythmes groovy et identiques, et des riffs qui se veulent heavy mais souvent très pauvres qui deviennent vite chiants à la longue. King's X nous avait habitué à des chansons et des parties de guitare plus riches et variées par le passé. Au départ, ça va (avec "Dogman" et "Black the Sky"), mais au bout de la quatrième ou cinquième chanson dans ce style, on s'ennuie vite (surtout sur "Pillow" et "Human Behavior").
Mais heureusement, quand King's X choisit de sortir de ce carcan routinier, cela donne des pépites qui, si l'album avait été de ce niveau tout le long, auraient pu donner lieu à un pur chef-d'oeuvre, rien de moins ! Les ballades sont magnifiques et inoubliables, elles figurent sans problèmes parmi les meilleures du groupe, surtout "Flies And Blue Skies", mélancolique à souhait, qui éclate toutes les ballades standards du hard rock, rien que ça ! Mais "Cigarettes" et "Sunshine Rain" sont également de très grande qualité, et ici, enfin les harmonies vocales se marient parfaitement avec la guitare de Ty Tabor qui sait faire autre chose que des gros riffs heavy sans saveur.
Il ne faut pas non plus oublier deux autres mid-tempos, mais cette fois-ci incroyablement riches et inventifs : "Pretend" et "Fool You", deux morçeaux qui définissent ce que devrait toujours être King's X, un style inclassable et unique, sorte de croisement entre le grunge, le rock sudiste, le metal, la pop, j'en passe et des meilleurs, le tout accompagné d'un chant, je ne le dirais jamais assez, aux mélodies dont bon nombre de combos feraient bien de s'inspirer (qu'ils soient grunge, pop, metal ou rock). Il n'y a qu'à écouter les choeurs sur "Fool You" et les hurlements de Doug Pinnick, c'est sûrement le sommet de l'album au niveau émotionnel. J'ai rarement écouté une chanson aussi expressive pour ma part.
Quelques titres bien rock débrident aussi l'album. En effet, King's X se lâche complètement sur "Complain", "Go To Hell" (trop courte, quel dommage! ) et la reprise d'Hendrix, "Manic Depression". Les mecs de King's X ont réussi à rendre Hendrix écoutable, bravo les gars ! D'ailleurs, c'est marrant, cette reprise a été enregistré "live", mais bon le montage effectué est (volontairement ?) maladroit et me donne l'impression d'un faux live, surtout que les gens ont l'air vraiment nombreux ! Peut-être un clin d'oeil ironique sur le fait que King's X n'obtiendra jamais le succès et une foule aussi hystérique à ses concerts ?
Dogman est donc considéré par de nombreux fans comme un de ses meilleurs albums, et il aurait pu être sans problème le chef-d'oeuvre absolu si il n'avait pas contenu quatre ou cinq titres plus banals dans le tas. Si cela s'était limité à un ou deux titres, cela n'aurait pas gâcher le plaisir d'écoute, mais cinq titres sur quatorze, ça fait beaucoup !!! On se contentera donc d'un bon album et largement au-dessus des productions de l'époque (vu toutes les merdes qui ont pu sortir en 1994), mais quand on voit le potentiel créatif de King's X, impossible de ne pas avoir un arrière-goût de frustration. Il aurait pu être bien meilleur.