Oyé, Oyé. Pleasures Of The Flesh vous avait grandement déçu ? Vous vous apprêtiez déjà à reléguer Exodus au rang des groupes prometteurs sans lendemain, les fameux « next big thing » qui crament leurs ailes dès le premier essai ? Alors vous allez devoir réviser votre jugement, parce qu'Exodus nous revient avec une gnaque à la Gattuso, une envie de tout bouffer sur son passage pour retrouver son prestige légèrement entamé. Attention chien méchant…
Et il faut dire que ça commence très fort, puisque l'album s'ouvre sur un spoken-word de près d'une minute particulièrement critique envers le système carcéral. Vous connaissez beaucoup d'albums qui commencent par « The prison system, inherently unjust and inhumane, is the ultimate expression of injustice and inhumanity in the society at large » ? Fidèle à son style déjà bien rôdé, Exodus laisse les métaphores aux poètes et fonce droit dans le tas. D'autant que cette diatribe n'est que l'intro de "The Last Act Of Defiance", un parpaing de thrash old school qui relate une émeute sanglante de 3 jours au début des années 1980 et sur lequel Exodus retrouve sa patate perdue sur Pleasures of the Flesh. Pan, dans les gencives, d'autant que le groupe a tiré les leçons du précédent album et dispose cette fois d'un son au poil ! Bon, pour l'analyse des paroles, ce sera à peu près tout. En effet, votre serviteur détient une édition ultra-limitée, avec à l'intérieur, les paroles de… Twisted Into Form de Forbidden ! Pas sûr toutefois que ce détail va décupler la valeur de cet album sur E-Bay…
Mais peu importe, car l'intérêt de l'album ne réside pas uniquement dans ses paroles très acides. En effet, on a vraiment l'impression qu'avec Fabulous Disaster, Exodus a enfin trouvé sa voie. Le groupe laisse le créneau de l'agressivité à tout-va à ses petits camarades, et se taille une place au soleil avec ce cocktail heavy/thrash groovy et limite festif, malgré la noirceur des thèmes abordés. Exodus se fait en effet une spécialité de pondre des morceaux hyper-entraînants, véritables appels au headbanging débridé. Vous ne me croyez pas ? Alors écoutez le morceau titre, et expliquez-moi comment vous pouvez rester de glace devant un refrain aussi irrésistible. D'autant que le groupe parvient à reproduire plusieurs fois ce type de performance, que ce soit sur "The Toxic Waltz", "Cajun Hell" (et son début aux faux airs de Creedence, avec bruit de crapauds, guitare slide et harmonica) ou à un degré moindre sur "Verbal Razors". Symbole de cette réussite, un Souza au top de sa forme, qui cumule un timbre original, un phrasé hyper hargneux et un sens du groove inné.
Pour le reste, on trouve un peu de tout sur cet album. 2 reprises, chiffre assez élevé pour un album de 10 titres, avec "Low Rider" et "Overdose". La première semble faire partie du folklore américain, puisqu'elle a été reprise un nombre incalculable de fois par des groupes de tous les horizons (y compris Korn !). Quant à la seconde, si elle reste fidèle à l'originale (Souza s'amuse en se la jouant Bon Scott, sauf les cris finaux), on pourra saluer un choix qui sort des sentiers battus et qui nous change des traditionnels "Highway To Hell", "Back In Black" ou "Hells Bells" dès lors qu'on s'attaque à AC/DC. Il y a aussi du heavy de chez heavy avec un sinistre "Like Father, Like Son" qui traite des violences parentales. Un long morceau particulièrement dérangeant, notamment lorsque Souza balance des « Please Daddy, No More ! » qui font froid dans le dos… Enfin, Fabulous Disaster ne serait pas vraiment un album d'Exodus si on n'y trouvait pas des morceaux de remplissage comme "Corruption" ou "Open Season", titres sympa mais assez nettement à la traîne par rapport aux petits bijoux figurant sur cette galette.
Après un Pleasures Of The Flesh en demi-teinte, Fabulous Disaster marque de façon éclatante le retour au premier plan d'Exodus. Au moment où le thrash semblait au sommet grâce à la fameuse deuxième vague, et que la concurrence se multipliait de façon exponentielle, voilà un album qui réussit la difficile performance de se démarquer de la masse. En se forgeant une identité bien à lui, mélange de riffs groovy, de refrains imparables et de textes au vitriol, Exodus semblait en mesure de s'installer durablement au sommet de la hiérarchie du thrash US. C'était malheureusement sans compter sur l'incroyable inconstance du groupe…