Exodus -
Exhibit B : The Human Condition
« Ce nouvel album va exploser la tête des fans. (…) J'essaie de ne pas me répéter d'album en album : on a fait Tempo Of The Damned, qui était un peu plus old school, on a fait Shovel Headed Kill Machine qui était rapide et brutal, puis The Atrocity Exhibition… Exhibit A, qui était plus long avec des titres épiques. Donc on trouvera des choses différentes sur ce nouvel album. Sans doute plus de duels de guitare, parce qu'avec Lee, ça fait un petit moment qu'on joue ensemble. » Gary Holt, Metal Hammer.
Autant vous dire qu'à la lecture de ces propos, les fans d'Exodus qui n'avaient que modérément apprécié The Atrocity Exhibition… Exhibit A (comme votre serviteur) ont eu un petit regain d'optimisme. OK, c'est du discours promo avec toute la langue de bois que ça implique, mais on pouvait encore y croire, après tout c'est un peu plus factuel que le sempiternel « oui, tu vois, c'est le meilleur album de notre carrière, le plus heavy, bla bla bla…» Encore plus factuel, la tracklist : 12 titres, 73 minutes (pour l'édition sans bonus track !), soit un menu encore plus chargé que celui du premier volet. Sacré Gary, tu vas pouvoir t'engager en politique le jour où tu raccrocheras définitivement la gratte ! Parce qu'on peut disséquer Exhibit B : The Human Condition dans tous les sens, on pourra encore chercher les différences majeures avec son aîné. Il y a bien un peu plus de titres courts (3 au total, contre 1 seul), ce qui manquait cruellement à un Exhibit A beaucoup trop massif, mais à part ça…
Ce qui est sûr, c'est que cet album souligne à nouveau l'incapacité chronique du Exodus new look à aller droit au but et faire le tri dans ses idées. Prenez un titre comme "Nanking" par exemple : avec cet excellent riff lent et l'atmosphère lourde qui va avec, Slayer aurait pondu un titre béton de 4 minutes ; chez Exodus, impossible de réduire ça à moins de 7 minutes 20 : forcément, avec une intro de presque 2 minutes et une longue partie solo... Et au final, l'impact n'est pas tout à fait le même. Cette façon de composer se retrouve sur environ deux tiers des titres ; or, s'il est possible de faire du thrash qui s'étire en longueur sans trop perdre en cohérence (…And Justice For All, et encore…), ici on se rapproche plus de Dark Angel : les différents plans sont collés les uns aux autres avec des transitions souvent inexistantes (comme la fin du passage lent de "The Sun Is My Destroyer" par exemple), et on ne peut pas dire que les soli à rallonge soient toujours particulièrement marquants.
Ceci dit, on trouve quand même pas mal de motifs de satisfaction sur cet album. Exodus a pris la sage décision de ne pas sortir Exhibit B : The Human Condition 6 mois après son prédécesseur, comme cela était initialement prévu. Excellente idée, puisque tout en conservant les grandes lignes, les principaux défauts ont disparu de la circulation. L'agencement des morceaux est plus judicieux, avec davantage de morceaux courts ("Hammer & Life", "Burn, Hollywood, Burn" et "Good Riddance") pour briser l'enchaînement des pavés, mais aussi plus de mid tempos ("Nanking", "Democide") pour calmer un peu le bourrinage à outrance. Les riffs sont également un peu plus travaillés : la production hénaurme n'est plus un simple rideau de fumée pour cacher leur indigence, à part sur "Class Dismissed" qui retombe un peu dans les travers passés. Résultat, on a droit à une bonne grosse fournée de tueries en règle, ce qui suffit d'emblée à placer cet album plusieurs crans au-dessus d'Exhibit A.
Deux pavés de plus de 7 minutes pour commencer, c'était osé comme pari, mais pas de problème lorsque la qualité est au rendez-vous. Si "The Ballad of Leonard and Charles" mise tout sur la vélocité, "Beyond the Pale" nous fait le coup du changement de tempo ultra-efficace sur le refrain, avec un Dukes toujours aussi hargneux. Exodus recycle cette formule sur "March of the Sycophants" en y ajoutant une touche hardcore sur le refrain. Ce titre vaut surtout pour son break ravageur, sur lequel Holt retrouve sa patte pour briser des nuques juste avec un riff. "Democide" confirme les bonnes prédispositions du groupe dans un registre à la Pantera, avant une fin d'album sous forme de défouloir. "The Sun Is My Destroyer" perpétue le mode gros bourrin privilégié par Exodus depuis l'arrivée de Duke, mais avec cette touche d'efficacité qui lui a souvent fait défaut : qui peut résister à l'envie de beugler « Destroyer » à la fin ? Quant à "Good Riddance", voici une excellente conclusion : directe, massive, implacable.
Sur le papier, ça paraissait presque improbable : vu les longueurs indigestes qui parsemaient The Atrocity Exhibition… Exhibit A, on voyait mal comment ce Exhibit B allait s'en sortir en partant sur les mêmes bases. Mais Exodus nous a déjà prouvé par le passé sa force de caractère et son incroyable capacité à se relever de ses échecs, et le groupe nous en offre une nouvelle et éclatante démonstration avec cet album qui allie enfin puissance et efficacité. Seul bémol, 73 minutes, c'est un peu long d'une traite ; mais individuellement, aucun morceau n'est à jeter… et ça faisait bien longtemps que cela n'était pas arrivé chez Exodus. En voilà une bonne surprise !