Planquez les femmes et les gosses, Exodus est de retour ! En 2001, à l’instar de plusieurs grosses pointures du thrash (comme Death Angel, Heathen ou Forbidden, excusez du peu), Exodus a décidé de se reformer spécialement pour soutenir Chuck Billy (Testament) dans son combat contre la maladie. Mais visiblement, les projets de Gary Holt ne s’arrêtaient pas à ce fameux Thrash of the Titans. Le fier guitariste comptait bien profiter de ses retrouvailles avec le chanteur original Paul Baloff pour redonner à Exodus ses lettres de noblesse.
Malheureusement, le mauvais sort n’allait pas tarder à rattraper Exodus, avec la disparition prématurée de Baloff en 2002, victime d’un accident cérébral (Tempo of the Damned lui est d’ailleurs dédié). Tout naturellement, Zetro Souza récupère donc le poste qu’il occupait une dizaine d’années auparavant, au moment du split. Et c’est tant mieux, puisque sa voix hargneuse est en parfaite adéquation avec un groupe qui a retrouvé tout son mordant. Vous pensez qu’avec "America", Daniel Gildenlöw s’est affirmé comme un modèle de subversion ? Ecoutez donc "Scar Spangled Banner" et ses paroles acerbes sur l'attitude belliqueuse des USA. La religion en prend elle aussi pour son grade, avec "Shroud of Urine" ou "War Is My Shepherd", dont sont tirés ces magnifiques vers « You put your faith in Christianity, I put mine in artillery »… On pourrait encore s'étendre sur ces paroles qui tirent à vue dans tous les sens, mais cela nous conduirait à passer sous silence des riffs qui valent eux aussi le détour. Et ce serait dommage, parce que de ce côté-là, c'est aussi l'abondance.
Parce que Tempo of the Damned, c'est aussi tout un lot de roquettes thrash dignes des plus belles heures d'Exodus. Holt s'est visiblement sorti les tripes sur cet album : en plus de nous offrir des riffs de folie en pagaille, il nous gratifie aussi de soli ciselés, qu'il se partage avec Hunolt, lui aussi très inspiré. Comme à la grande époque, la fameuse H-Team se paie quelques duels de haut vol comme sur le somptueux break de "Shroud of Urine" : du grand Art ! Derrière les fûts, Tom Hunting n'est pas en reste. Il se révèle comme l'un des grands artisans de la réussite de Tempo of the Damned, alliant bastonnage à l'ancienne et patterns plus modernes, le tout mis en valeur par la production d'Andy Sneap. Une performance ahurissante, qu'il ne réitèrera malheureusement pas sur The Atrocity Exhibition - Part A, sur lequel il bourrine de façon stérile du début à la fin. En gros, c'est simple : compos en béton, musiciens au top, Tempo of the Damned est un putain de retour en grâce, une résurrection comme seul Exodus en a le secret (le groupe nous avait déjà fait le coup sur Fabulous Disaster).
Tempo of the Damned, c'est aussi un album qui évite magistralement le piège de la redite, grâce à des compos très diversifiées. Thrash tantôt technique et vindicatif ("Scar Spangled Banner"), tantôt carrément bourrin ("War Is My Shepherd"), mid tempo imparables ("Blacklist", "Shroud of Urine"), torpille heavy avec refrain irrésistible à gueuler dans la bagnole ("Forward March"), heavy groovy à la Pantera ("Culling the Herd") : chacun peut venir faire son marché sur un début d'album carrément exceptionnel. Dommage que Holt ait tenu à y faire figurer 2 morceaux de l'ère Wardance (au sein duquel officiait aussi Hunting et le bassiste Jack Gibson), puisque "Sealed with a Fist" et surtout le poussif "Throwing Down" évoluent un cran nettement en dessous du reste. Même avec toute la bonne volonté du monde, un "Impaler" très old school ne suffit pas à relancer la machine. Et quand je dis old school, je n'exagère pas : songez que sur les crédits de ce titre, qui avait déjà été exhumé sur le live Another Lesson in Violence, figure un certain… Kirk Hammett, qui a juste quitté le groupe en 1983 !
Bref, étant donné que je suis à court de superlatifs depuis que j'ai perdu mon dictionnaire des synonymes, je vais terminer en vous disant que Tempo of the Damned fait tout simplement partie des albums de thrash incontournables des années 2000. Bien évidemment, fidèle à ses bonnes vieilles habitudes, Exodus s'est fait un malin plaisir de tout foutre en l'air par la suite, en sacrifiant cette diversité bienvenue pour durcir son propos à tout-va. Voici en tout cas le dernier grand album d'Exodus à ce jour, vénéré par tous les nostalgiques d'un Zetro Souza débarqué peu de temps après, laissant une bonne partie des fans inconsolables.