N'empêche,on peut être admiratif avec certains vieux groupes. Se lever tous les matins pour enregistrer des albums, enchaîner des tournées épuisantes, défendre corps et âme la musique que l'on incarne...en 2016 ? Alors que l'État Islamique gagne du terrain, que les États-Unis sont sur le point d'élire un milliardaire cinglé et que Maître Gims crève le plafond des charts pendant qu'AC/DC tombe en miettes ? Ça force le respect, franchement.
C'est ce côté "combatif" qui ressort de l'écoute de The Evil Divide. Et c'en est presque émouvant. Malgré les changements de line-up, les galères et les portes qui claquent, malgré Lulu, Death Angel est toujours là. Tant pis si les derniers albums ne sont pas terribles, tant pis si l'âge d'or du thrash est maintenant loin en arrière, tant pis s'il ne reste plus que deux membres du line-up d'origine ; Cavestany, Oseguada et leurs compères ont toujours envie d'aligner les riffs comme autant de mandales. Ils pourraient se contenter de tourner, de sortir des best-of ou des live, mais non. Pareil au petit soldat qui s'enfile de la gnôle avant de quitter sa tranchée, Death Angel retourne bravement au front pour une huitième passe d'armes.
C'est marrant comme certains albums semblent littéralement lire dans vos pensées. Je reprochais à The Dream Calls for Blood de foncer enligne droite et à toute vitesse sans jamais freiner ou presque. Un bombardement linéaire vite assommant. Comme en réponse à cet égarement, The Evil Divide empreinte des chemins de traverse, prend des circonvolutions. Ici, le thrash prend le temps de ralentir pour se faire rampant, vicieux. Cette approche, on la retrouve dès l'ouverture "The Moth" : l'introduction supersonique laisse bien vite la place à des couplets menaçants, déclamés par un Mark Oseguada enfiévré. Puis, retour aux excès de vitesse sur un refrain plutôt bien ficelé. Toujours dans ce registre lent,impossible de ne pas citer "Lost", sur laquelle Oseguada nous offre un petit voyage dans le temps. Il chante très à l'ancienne (façon The Art Of Dying) : tantôt enragé, tantôt quasi-lyrique. Et il assure, l'animal. Une vraie bouffée d'air pur.
Ces quelques accès de lenteur ne pèsent certes pas lourd au sein d'un disque globalement très véloce. Mais mis face au côté bas du front de The Dream Calls For Blood, ils font bien plaisir. Et puis,le bon Rob Cavestany n'est pas non plus un manchot lorsqu'il s'agit de signer des compos rapides de qualité. Ce "Father of Lies", incisif comme tout, devrait convaincre ceux que le Death Angel récent a pu décevoir. Ou, mieux encore, ce "Breakaway" : chœurs offensifs et riffs expédiés avec une haine salvatrice. Attention, n'espérez pas non plus trouver du thrash eighties estampillé Bay Area. Death Angel assume sa modernité et l'affirme plus que jamais : le chant de Mark est toujours plus coreux, le son aussi chiadé qu'il est massif.Certes, ce n'est ni très subtil, ni très inventif ("Cause for Alarm" ou "Hell to Pay", pêchues mais assez transparentes), et on pourra regretter le Death Angel d'antan. Mais des trois derniers efforts du groupe, c'est celui-là qui incarne leur "nouvelle" recette avec le plus de panache.
The Evil Divide n'est pas tellement au-dessus de The Dream Calls For Blood. Et pourtant, les respirations qu'il s'accorde, le talent des musiciens qui semblent avoir enfin retrouvé du plaisir à jouer, et les quelques titres forts en bouche... autant d'éléments qui font que ce huitième album ne démérite pas. Death Angel s'est donné à fond pour porter haut les couleurs du thrash metal, et en 2016, c'est déjà pas si mal. Un petit retour en grâce, donc, mais un retour quand même. Alléluïa.