Le cap du second album est souvent décrit comme crucial dans la carrière d'un groupe. Après avoir eu tout le temps de peaufiner les compos du premier essai, il faut se montrer capable de rééditer la même performance en un laps de temps beaucoup plus réduit. Voilà le défi qui s'est offert à Death Angel après le fabuleux The Ultra-Violence. Résultat, un Frolic Through the Park généralement décrit comme l'album le plus faible de la disco des Californiens. Cette chronique est donc pour moi l'occasion de…
…confirmer cette idée communément admise, malheureusement. Ceci dit, que les choses soient claires : Frolic Through the Park reste un album de thrash de très bonne facture, même si intrinsèquement (i.e. sans bénéficier de l'aura née de The Ultra-Violence), pas évident que cela aurait suffi pour émerger du panier de crabes qu'était le thrash en cette fin des années 80, quand la concurrence faisait rage. Simplement, il semble avoir le cul entre 2 chaises, à mi-chemin entre l'agressivité intense de The Ultra-Violence et la virtuosité funambule d'Act III, sans atteindre le niveau de ces 2 albums dans leur domaine respectif. Un sentiment qui se dégage dès l'écoute des 2 premiers morceaux, "3rd Floor" et "Road Mutants" : 2 titres thrash costauds et même plutôt agréables, mais sans éclat particulier. Et au bout des 56 minutes de ce Frolic Through the Park, un constat simple : on s'est pas emmerdé, loin de là, mais l'étincelle tant attendue n'est pas venue.
S'il y a bien un point à mettre à l'honneur des Californiens sur cet album, c'est cette volonté d'aller de l'avant. Tenter un The Ultra-Violence-bis, histoire d'enfoncer le clou en ce début de carrière, n'aurait rien eu de scandaleux ; ce n'est toutefois pas le point de vue de Death Angel, qui avait plutôt en tête de proposer du matériel moins téléphoné. C'est ainsi que "Why You Do This" fricote pour la première fois avec les influences punk de certains de ses membres, Mark Osegueda en tête. Habilement mélangé avec le thrash ici assez technique du combo, cela donne un cocktail savoureux, mis en valeur par une structure couplet / pré-refrain / refrain qui a fait ses preuves en terme d'efficacité. Alors certes, toutes les tentatives ne sont pas couronnées de succès, comme "Open Up" et son refrain irritant, ou la reprise incongrue du "Cold Gin" de Kiss. Saluons par contre le pavé de cet album, "Confused". Ce riff lent et hypnotique berce l'auditeur pendant presque 5 minutes, avant de le prendre par surprise sur un break qui laisse parler la poudre.
Car on a beau apprécier l'ouverture d'esprit, il faut bien avouer que Death Angel s'avère redoutable dès qu'il se replie sur son savoir-faire de base : un thrash aux rythmiques particulièrement incisives. L'agressivité déballée sur le riff de "Devil's Metal" est réellement dantesque, et ce n'est pas un cas isolé sur l'album puisque "Guilty of Innocence" est faite du même bois. Il s'agit là des 2 seuls titres qui peuvent rappeler, dans une certaine mesure, l'esprit général qui animait The Ultra-Violence. Néanmoins, on peut trouver quelques passages de la même veine disséminés ça et là. Par exemple, sur un "Mind Rape" insaisissable, un des temps forts de Frolic Through the Park : 5 minutes de folie maîtrisée, où se succèdent thrash bourrin, imprécation groovy façon Suicidal Tendencies et moshpart final à la Anthrax, sans oublier un solo enflammé. Au milieu de tout ça, planqué en fin d'album derrière son intro de presque 3 minutes, on en aurait presque oublié "Shores of Sin" et son refrain lumineux, qui semble annoncer la direction future d'Act III.
Comme tout album dit « de transition », difficile de porter un avis neutre sur Frolic Through the Park, de l'appréhender en s'affranchissant totalement des 2 chefs d'œuvre qui l'entourent. On y verrait alors un album enthousiaste et fort agréable, mais pas dénué de défauts (production crue, direction pas forcément cohérente). Envisagé dans la disco complète de Death Angel, on peut y voir une sorte de passage à l'âge adulte, où la fougue des débuts laisse progressivement place à des morceaux plus élaborés, encore bancals du fait du manque de maturité. D'où un album tout de même indispensable, ne serait-ce que pour comprendre l'évolution de Death Angel.