Une des différences fondamentales entre le metal et presque tous les autres styles de musique, c'est ce très fort sentiment d'identification des fans aux artistes. La majorité des fans se plait à chérir l'idée qu'un groupe, c'est forcément une bande de copains, malgré les nombreux témoignages de musiciens faisant part de difficultés relationnelles parfois ahurissantes. Avec un line up stable constitué de membres ayant même des liens familiaux entre eux, Death Angel semblait incarner parfaitement cela. Une apparence mise à mal ces derniers temps…
En effet, ce ne sont pas moins de deux membres fondateurs qui ont pris la porte à intervalle rapproché : après le bassiste Dennis Pepa en octobre 2008, c'est le batteur Andy Galeon qui a plié les gaules à peine 6 mois plus tard. Vu la personnalité des deux gaillards et leur ancrage dans le cœur des fans, c'est un sacré challenge qui attend leurs successeurs. Commençons par Damien Sisson, pour qui c'est sans doute plus facile pour l'instant. En effet, qui dit bassiste sur un album de thrash dit poste relativement peu exposé. Et encore, je suis mauvaise langue, puisque grâce à quelques interventions bien senties et un peu d'espace laissé dans le mix, Sisson nous laisse entrevoir des choses prometteuses, notamment sur le final explosif de "I Chose The Sky". Néanmoins, l'essentiel pour lui se jouera sur les planches, où il devra compenser la présence scénique de malade de Dennis Pepa. La tâche de Will Carroll s'annonçait encore plus ardue, vu la richesse du jeu d'Andy Galeon, plus complet et imprévisible que l'écrasante majorité des batteurs de thrash. Mais là encore, bonne pioche, pour ne pas dire pêche miraculeuse. Carroll se montre lui aussi capable d'envoyer le bois sans forcément s'enfermer dans des plans trop stéréotypés, de balancer des plans ultra heavy ("Into The Arms of Righteous Anger") ou de distiller quelques variations pour intensifier certains plans (là encore, le final dantesque de "I Chose The Sky"). Pas de soucis à se faire pour le line up, Cavestany et Osegueda ont géré ça comme des chefs.
Death Angel avait annoncé un album plus brutal et plus technique, force est de constater qu'ils n'avaient pas menti sur la marchandise. Le créneau a beau sembler un peu bouché, les gars s'en tirent haut la main grâce à leur talent d'écriture assez hors normes (pour un groupe de thrash s'entend). L'album commence par un riff menaçant comme Slayer n'en a plus pondu depuis des lustres : ce sera un début du feu de Dieu avec "Relentless Revolution", avec un Mark Osegueda furax soutenu par un déluge de double pédale sur le refrain. Death Angel peut se permettre de la jouer old school de temps en temps, comme sur "Truce" ou "I Chose The Sky", parce que le groupe est capable de sortir des riffs de première main dans un style où tout semble pourtant avoir déjà été dit. L'habituelle incartade en territoire neo est elle aussi réussie, avec un "Death Of The Meek" qui s'appuie sur un riff ravageur et un refrain aux harmonies vocales surprenantes. Après, en misant sur le tout à fond quasiment du début à la fin, Relentless Revolution tombe un peu dans les mêmes travers que The Art Of Dying : l'album est si homogène qu'on trouve forcément quelques morceaux en deçà. En l'occurrence, cela concerne pas moins de quatre titres, parfois banals ("River Of Rapture" et "Where They Lay", deux titres thrash sans grande imagination, ou "This Hate", un titre vaguement punk inférieur à ce que le groupe a déjà produit dans le genre) au vraiment pas terrible (le mid tempo lourdaud "Absence Of Light"). Un tiers de l'album tout juste passable, un ratio inhabituel chez Death Angel…
Ceci dit, cette faiblesse toute relative est très largement compensée par une poignée de titres atypiques qui vient nous rappeler que Death Angel est bien plus qu'un simple groupe de thrash. Ils ont d'ailleurs tous un point commun : la présence de Rob Cavestany au chant. Comme chez System Of A Down, le guitariste a eu envie de squatter davantage le micro, au risque d'empiéter sur les plates-bandes de son chanteur. Mais à la différence de Daron Malakian qui, sorti des harmonies à deux voix avec Tankian, ne se montre guère convaincant tout seul en raison d'une voix assez quelconque, Cavestany apporte une vraie valeur ajoutée aux morceaux. Sa voix cassée agit comme un voile de mélancolie qui vient immédiatement assombrir les chansons. C'est le cas sur "Volcanic", exercice acoustique en solo d'apparence beaucoup plus pessimiste que les morceaux figurant sur son album solo Lines On The Road. Le contraste entre le vague à l'âme qui se dégage de son chant et la rage de celui d'Osegueda fonctionne parfaitement sur "Claws In So Deep" et permet à ce titre de se hisser parmi les temps forts de l'album. Mais ce n'est rien à côté de "Opponents At Sides", incontestablement le meilleur titre de l'album. Ce morceau débute pourtant sur un ton presque enjoué sur le couplet, mais cet enthousiasme s'arrête net quand déboule un riff heavy dans la veine de celui de "The Devil's Incarnate" sur The Art Of Dying. Et quand arrive le refrain, c'est carrément une chape de plomb qui s'abat sur nos épaules. Difficile de ne pas avoir le frisson lors du «They will call you brother»…
Au final, album en demi-teinte de la part de Death Angel. Le talent du groupe est toujours intact, mais on ne retrouve pas sur Relentless Revolution la variété qui a toujours permis à Death Angel de sortir de la masse. Au contraire, le côté un peu trop homogène de l'album aboutit inévitablement à quelques coups de mou qui nuisent à la qualité d'ensemble, en dépit de plusieurs coups d'éclat notables. Ceci dit, comme le stipule cette règle d'or, n'oublions pas qu'un album de Death Angel juste bon constitue tout de même un excellent album de thrash !