Voilà désormais 21 ans que le mélodeath existe. Alors oui, je vous vois venir, on pourrait débattre à ce sujet, mais 1995 me semble être l'année de référence pour ce qui est de la naissance du genre. The Gallery, Slaughter of the Soul, et The Jester Race l'année suivante... Sans parler de tous les excellents albums venus de Suède qui ont pu suivre. Et maintenant que le mélodeath a atteint sa majorité internationale, il serait de bon ton de considérer l'un de ses plus éminents représentants, à savoir In Flames. Et de se poser la question : mais qu'est-ce qui a merdé, bordel ?
Parce que oui, ça n'est plus possible, et il faut que ça sorte. Plus les années passent, et plus In Flames s'enfonce dans la mièvrerie, en perdant tout ce qui faisait son essence : un mélange équilibré entre raffinement mélodique et agression maîtrisée. D'équilibre il n'est plus question, et Battles nous montre un groupe qui n'est plus qu'une copie niaise de lui-même. On pouvait encore apprécier Sounds of a Playground Fading et Siren Charms pour ce qu'ils étaient, à savoir des albums de pop metal bien ficelés mais à la durée de vie plutôt courte. Anders Fridén apportait beaucoup aux compositions : certes, son growl d'antan n'était plus là, mais le bougre y mettait du sien, et les morceaux s'enchaînaient avec un certain plaisir. Battles ne se hisse même plus à ce niveau. Tout ou presque y est artificiel, fade, sans conviction.
Parlons riffs pour commencer. Il est loin, le temps où In Flames pondait des riffs assassins de la trempe de "Embody the Invisible". Et à toutes les mauvaises langues qui me trouveraient trop passéiste, je répondrai que le In Flames "deuxième période" (tout ce qui suit la sortie de Clayman, en 2000) a lui aussi su proposer des riffs très bien foutus : en 2002 ou encore "Dead End" en 2006, ont brillamment prouvé que le savoir-faire de la bande à Fridén n'a pas disparu à l'aube du IIIe millénaire. Mais là, plus rien. Ou si peu : riffs en pilotage automatique, déjà entendus ou à moitié recyclés... le tout sonnerait presque Djent pour faire plus moderne et dans le coup. Le but est plus de faire du gros son que de réellement mener l'agression. Clairement, le mélodeath des années 2010 a une drôle de tronche. Les leads sont très (trop ?) mélodiques et bien exécutés, mais l'on passe plus de temps à se demander où l'on a bien pu les entendre qu'à réellement les apprécier. Il n'y a pas grand-chose à dire sur la production, c'est Nuclear Blast : puissant, clair, sans aspérités.
Bon, ça critique, ça critique, mais si l'on parlait un peu plus concrètement des morceaux maintenant ? "Drained", placé en ouverture fait illusion. Introduction plutôt soignée, riff acceptable. Le pré-chorus et le refrain s'enchaînent avec limpidité et un certain plaisir. On note d'ailleurs une mélodie de clavier mélancolique plutôt séduisante. De son côté, Fridén fait le taf sans briller. Une première composition plutôt correcte, donc. Toujours dans les réussites, mais en fin d'album cette fois, voici "Wallflower". Un morceau assez long, tiraillé entre calme et furie, sorte de cousin germain de "The Chosen Pessimist" (2008). Même s'il n'arrive pas à la cheville du morceau sus mentionné, "Wallflower" parvient à convaincre grâce à son atmosphère rampante et ses changements d'humeur imprévisibles. "In My Room" parvient à sortir du lot grâce à ses riffs dans un esprit plus old-school, et ses lignes de chant ingénieuses (la montée jusqu'au refrain est très fluide).
On parlait un peu plus haut de la fadeur instrumentale de ce nouvel album. Mais ça n'est même pas le plus gros souci. Là où le bât blesse, c'est avant tout du côté du micro. Alors oui, évidemment, les années ont passé, et Fridén a vieilli, donc il serait déraisonnable d'attendre de lui des growls façon "Jotun" (pour citer un des meilleurs morceaux du groupe). Mais tout de même : plus les albums sortent, et plus la part agressive et mordante de ses vocaux se réduit. Et ça n'a jamais été aussi vrai sur Battles : à part quelques cris pour nous rappeler que c'est un album de metal que l'on est en train d'écouter ("Through My Eyes", "Save Me") le bougre minaude plus que jamais. Les couplets et le refrain de la title track sauront vous en convaincre rapidement. La palme du ridicule revenant à un "Here Until Forever" complètement over-the-top. Et cette conclusion tout en chœurs gnangnan... Exit le mélodeath, place au Céline Dion metal ! Quant au contenu parolier de l'album, c'est globalement peu inspiré, pour ne pas dire puéril. « I believe that the whole wide world is against me »... sérieusement, Anders ? C'est pas un peu tard pour la crise d'ado émo ?
On va arrêter de tirer sur l'ambulance. Le pire, c'est que l'album ne s'écoute pas sans plaisir. Mais passé le petit frisson de plaisir coupable, il ne reste plus grand-chose. Battles est assurément un disque très professionnel, mais manquant cruellement de substance et d'âme. Jusqu'ici In Flames a eu trois vies : d'abord fier représentant du mélodeath jusqu'à Clayman, puis entité plus moderne et plus "corisée" jusqu'à A Sense Of Purpose, et enfin groupe de pop metal, moins abrasif à chaque nouvel album. Inutile de dire que cette troisième partie de leur carrière est la moins convaincante de toutes. Je vois mal In Flames entamer une quatrième période dans son parcours discographique. Ne reste plus qu'à prier pour que l'inspiration revienne...