Damnation And A Day avait introduit une puissance symphonique salvatrice dans la musique de Cradle Of Filth, mais avec Nymphetamine le tout était retombé comme un soufflé. Cet album ne faisait que prouver ce qu'on savait déjà à savoir que le groupe est aujourd'hui capable de lier tous les styles de métal à sa formule de base. Après (encore) un changement de guitariste et un départ de claviériste au passage pour ne pas perdre les bonnes habitudes, Thornography arrivait en fin d'année dernière alors qu'on ne savait pas trop quoi espérer du groupe. Voici ce qui en ressort aujourd'hui...
On ne sait toujours pas au moment où j'écris s'il refera un jour partie d'Anthrax, mais Rob Caggiano a de toute façon de l'avenir devant lui en tant que producteur. Une carte de visite telle que la prod de ce Thornography devrait lui valoir d'autres contrats à l'avenir! Grâce à ce son massif et gras les guitares prennent franchement le dessus, et le riff furieux qui suit la bonne intro en harmonies de "Dirge Inferno" montre que le groupe a clairement envie d'en découdre. On peut même discerner la basse, ce qui est franchement peu commun dans un disque de Cradle. La première impression à l'écoute du disque est donc que le groupe a décidé de faire parler la poudre.
En fait une bonne partie du durcissement général du son est dû à la mise en retrait des claviers. Les guitares forment l'architecture des morceaux, l'absence d'un claviériste à temps plein durant l'enregistrement expliquant sans aucun doute cet aspect. Les performances de Martin Powell étant pour moi une source de souffrance il n'y a aucun regret (sur Nyphetamine ce fut parfois effrayant), surtout que cette focalisation sur les riffs réussit pas mal aux Anglais. Le passage de thrash/heavy mélodique de "Tonight In Flames" surprend, chose que Cradle n'avait pas su faire depuis très longtemps, et on peut dire en général que la paire Allender/Ledger s'en sort vraiment pas mal.
Pour l'anecdote, la participation de Ville Valo de H.I.M sur le titre "The Byronic Man" fonctionne parfaitement. Il chante très bien, sa voix est mise en valeur exactement de la même manière que celle de Liv Kristine sur "Nymphetamine Overdose" durant les moments calmes et l'homme peut de plus monter à loisir sa dose d'agressivité sur les passages méchants, jusqu'à presque concurrencer Filth. Le passage purement pop près de la fin fera par contre hurler les puristes, c'est sûr... et tant qu'à parler chant, il y a Filth et son chant presque clair. Et oui, l'homme met parfois des notes dans ses hurlements et ça sonne ma foi très bien. C'est encore assez rare mais intéressant, et il faudra voir s'il continue d'exploiter ça.
Il y a par contre un écueil que Cradle Of Filth ne parvient toujours pas à éviter totalement : les riffs qui ressemblent à ceux des albums d'avant. Les guitaristes ont beau défiler dans le groupe depuis Cruelty les riffs restent figés. La formation s'escrime visiblement à varier les approches : l'orientation générale est thrash... mais "I Am the Thorn" combine une intro doom et des rythmes lancinants à des blasts et des passages de voix au vocoder qui rappellent Eiffel 65, si! "Cemetery And Sundown" sonne souvent clairement hardcore (genre « jump! jump! ») et ça tape. Mais dès qu'on sort des idées inédites Cradle refait du Cradle et l'excitation retombe... car les riffs sont des variations de ceux des albums précédents.
Thornography présente une double volonté d'envoyer le bois et de varier les formules mais retombe trop souvent dans le travers traditionnel du groupe : l'auto-copie. Il y a beaucoup d'expérimentations sur cet album et ça sonne en général très bien... mais dès que les tempos rapides ou en tagada à la Maiden reviennent par exemple, c'est un recyclage de toute l'histoire du groupe qui débarque. On se rend vite compte que chaque idée (sauf le chant clair/agressif de Dani) n'est exploitée qu'une fois ou presque, un gimmick quoi. Tout l'album est en fait à l'image du parfois bluffant et souvent pénible "Rise of the Pentagram" : on alterne sans cesse entre des éclairs de bonne innovation et des clichés qui finissent par lasser.
Cet album brille donc parfois par sa fraîcheur et les perles de nouveautés posées ça et là qui prouvent que malgré ce qu'on pouvait craindre, Cradle avance réllement. Le groupe doit encore se désengluer de ses tics mais qui sait, l'évolution est peut-être enfin en marche! Prenons Thornography comme un album de transition et profitons-en en attendant la suite...