CHRONIQUE PAR ...
Beren
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
12/20
LINE UP
-Max Cavalera
(chant+guitare)
-Marc Rizzo
(guitare)
-Bobby Burns
(basse)
-Joe Nunez
(batterie)
TRACKLIST
1)Blood Fire War Hate
2)Unleash
3)Paranoïa
4)Warmageddon
5)Enemy Ghost
6)Rough
7)Fall of the Cycophants
8)Doom
9)For Those About to Rot
10)Touching the Void
11)Soulfly VI
DISCOGRAPHIE
L'agenda de Max Cavalera est une nouvelle fois chargé : un nouvel album de Soulfly dans les bacs (Conquer) et la réconciliation musicale très médiatique des deux frères au sein du projet Cavalera Conspiracy, dont le premier album, Inflikted, est sorti en début d’année; un album qui ravive la glorieuse flamme sans pour autant dénier le parcours stylistique du père Massimiliano depuis la fin du Sepultura première époque. La parution très rapprochée de ces deux albums (à cinq mois d’intervalle) a-t-elle eu une incidence quelconque sur la qualité du nouveau Soulfly?
L’écoute de "Blood Fire War Hate" peut dans un premier temps donner des indices quant à la coloration musicale de Conquer. Orchestration épique en entrée, riff thrash à pleurer et battements de double de la part d’un Joe Nunez en grande forme, ce titre, sur lequel David Vincent (Morbid Angel) n’apporte absolument rien, dénote en ouverture d’album : un titre très rapide, efficace et rentre-dedans dans la veine de ce qu’a apporté Dark Ages au groupe – un retour aux sources salvateur. Suit "Unleash", titre plus coreux écrit avec Dave Peters de Throwdown, qui voit enfin apparaître les fameux passages ambient/world music qui font de Soulfly ce qu’il est aujourd’hui : un vecteur de métissage musical jusque là toujours finement pensé. Sauf qu’ici, "Unleash" tombe pour ainsi dire à plat, tant on a la vilaine impression que les différents plans sont collés les uns aux autres sans véritable liant.
Voilà le problème récurrent de Conquer : hargneux mais souvent vain, métissé mais sans véritable âme, cet album joue au chat et à la souris avec ses convictions. L’ensemble des titres qui se succèdent jusqu’à "Fall of the Cycophants" présente la face plus primitive et bestiale du groupe. L’énergie y est ("Paranoïa", "Rough"), le voilà qui s’aventure même dans le death pesant à la Morbid Angel ("Warmageddon"), mais tout ceci laisse un sacré goût amer sur le palais. Même si Marc Rizzo se fait parfois plaisir (le final de "Warmageddon" et de "Paranoïa", entre soli destructurés et riffing speedy), les riffs sont le plus souvent génériques ("Enemy Ghost", à côté de la plaque, collage abrupt de plans-clichés) et pire, les incursions world si chères au groupe se font très timides, voire inefficaces ("Fall of the Cycophants" et "Doom", dont la fin tombe carrément comme un cheveu sur la soupe). On est loin d’un morceau comme "Moses" sur Prophecy !
Le dernier tiers de Conquer change légèrement la donne en faisant évoluer les compositions vers des territoires encore vierges pour Soulfly : "Fall of the Cycophants", monstrueuse, mais méchamment inspirée des travaux de Mastodon – le break central ainsi que le final, étrangement similaires dans le phrasé rythmique à ce que font les Américains – et le granitique "Touching the Void", bel hommage à Black Sabbath dont l’épilogue dub/ambient, le seul vraiment réussi du lot, rassure enfin quant à la capacité du groupe à pondre des intermèdes de ce type. Seulement, on sent que l’écriture est toujours un peu forcée. De ce fait, entre compositions décidément trop redondantes et étirées (cinq minutes en moyenne) et influences tribales beaucoup trop timides ou mal agencées ("Doom", qui, en dehors de ça, envoie correctement le bois), Conquer donne la désagréable impression que Max a repris les chutes de studio d’Inflikted en les assaisonnant de passages tribaux, pour donner une coloration Soulfly à ce qui aurait dû rester du Cavalera Conspiracy. Dans le même ordre d’idée, les titres de morceaux et les textes, minimalistes et clichesques, prêtent parfois à rire tant Max ne s’est pas foulé. Concision et efficacité ne riment pas forcément avec justesse !
Heureusement, la production épaisse et rondouillarde assurée par Max (une des meilleures que le groupe ait connu) et la bienveillance discrète d’Andy Sneap rattrapent légèrement - dans la forme - le premier petit coup de moins bien du groupe depuis 3. Conquer aurait été écrit par un groupe lambda, on aurait crié à la révélation prometteuse ; mais voilà, il ne s’agit que d’un album moyen de Soulfly, éparpillé et assez inégal: le groupe s’est contenté ici de reprendre des ficelles bien connues de tous désormais. Une relative déception, après les tours de force qu'ont été Prophecy et Dark Ages, dans deux styles assez différents.