Depuis son retour triomphant au sein du bercail thrash en 2001, on ne peut pas dire que Kreator se soit montré particulièrement pressé. Comme pour Enemy of God, il nous aura fallu une nouvelle fois patienter 4 ans avant de pouvoir se délecter d'une nouvelle offrande de brutalité. L'avantage de cette stratégie, c'est que chaque nouvel album est attendu comme le Messie et se retrouve immédiatement placé sous le feu des projecteurs. L'inconvénient, c'est que du coup, mieux vaut éviter de se planter…
Comme l'exigent les nouvelles règles qui régissent le music business, Kreator a multiplié les annonces avant la sortie de l'album, en dévoilant ainsi les principaux axes. Pêle-mêle, on savait déjà que les Allemands souhaitaient revenir à une musique plus directe et brutale que sur ses derniers albums en date ; que Hordes of Chaos serait un album court, dans la grande tradition des années 80 (même pas 40 minutes au total) ; qu'Andy Sneap ne serait pas aux manettes cette fois (et ce n'est pas votre serviteur qui va s'en plaindre, lassé par le son trop standardisé des albums produits par l'Anglais) ; qu'à la place, on verrait à l'œuvre un producteur allemand du nom de Moses Schneider, qui officie habituellement dans la scène punk/indie allemande… Apôtre d'un son brut et des prises de son live, le bougre s'est d'ailleurs parfaitement adapté à l'orientation voulue par Kreator. Le résultat, sec, à contre-courant de la tendance actuelle, s'avère très satisfaisant et constitue l'un des points forts de l'album. On avait perdu l'habitude d'entendre un espace sonore non-surchargé, comme sur le refrain de "To The Afterborn" par exemple.
Petrozza n'avait pas menti en évoquant l'ombre de Cause For Conflict sur cet album. Cela faisait bien longtemps que Kreator n'avait pas sonné aussi brutal, à l'instar du riff sauvage de "Warcurse". Voilà une des tendances générales de ce nouvel album, symbolisée par le traditionnel morceau qui tue d'entrée de jeu. Si le riff de "Hordes of Chaos" n'a rien d'impérissable, son refrain promet de futures émeutes sanglantes dans la fosse. Brutal, mais aussi désordonné, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c'est "To The Afterborn" : le début vaguement mélancolique rappelle l'époque Outcast, avant d'embrayer sur du thrash bien saignant. Le pire, c'est "Amok Run" : si le début est prometteur, avec une très bonne accélération heavy après l'intro, la structure est un peu bancale et le break final, là aussi à la Outcast, s'avère cette fois bien plus poussif. Mais le nœud du problème se situe surtout au niveau du refrain : Petrozza se contente de brailler le titre comme un veau essoufflé, comme s'il avait enregistré le chant juste après un footing. Et on retrouve le même procédé sur d'autres titres comme "Destroy What Destroys You" ou "Warcurse"…
Avec 9 titres au compteur, on pouvait espérer que Kreator allait filtrer l'ivraie pour ne nous laisser que le bon grain. Las ! Ce n'est pas 1, ni 2, mais bien 3 morceaux de remplissage qui figurent sur Hordes of Chaos. Soit tout de même un tiers de l'album (cette stat vous est offerte par le service des sports de France Télévision) ! C'est même une véritable brochette, puisque les titres en question sont enchaînés, d'où un sacré coup de mou au milieu de l'album. D'abord "Destroy What Destroys You", un titre sans grande imagination à l'image d'un refrain bien médiocre. Ensuite, "Radical Resistance", qui souffre de symptômes identiques auxquels on peut rajouter un break très faiblard, surtout au niveau des paroles. Enfin, "Absolute Misanthropy" finit le travail de sape, en se contenant de bourriner dans le vide. Vraiment dommage, car l'idée de revenir à quelque chose de plus digeste après 2 albums un peu trop denses avait du bon, mais cela aurait mérité un peu plus d'application. Si on rajoute par-dessus le marché d'inhabituelles tendances à l'autocitation, voilà qui termine de forger ce sentiment assez mitigé à l'égard de Hordes of Chaos…
Pas besoin d'attendre d'avoir des années de recul pour affirmer que parmi la féconde discographie de Kreator, ce 12ème rejeton fera figure d'œuvre mineure. Certes, l'album s'écoute bien dans l'ensemble et on y trouve même quelques très bons moments. Reste que de la part d'un groupe du calibre de Kreator, on attend autre chose qu'un simple « album qui s’écoute bien ». Et moi qui comptait sur cet album pour lancer l'année metal 2009 sur de bons rails… «Scheisse !», comme diraient nos amis teutons !