Shaking two trees… Monsieur Manu Katché! Eh oui, mécréants, apprenez que ce grand batteur a eu une vie avant Nouvelle Star, et notamment avec le non moins grand Peter Gabriel, avec lequel il collabore depuis 1986 et qu’il a rejoint pour plusieurs tournées, dont celle qui nous occupe, le Secret World, démarrée en 1992 et qui s’est étalée sur près de deux ans, belle performance! Le présent DVD se consacre aux deux concerts donnés à Modena, en Italie, pays que le Gab’ semble affectionner particulièrement, puisque c’est à Milan qu’auront été filmés les concerts en vue du DVD Growing Up Live… La ressemblance ne s’arrête pas là: dans les deux cas, c’est un vrai show qui vous est proposé: un concert avec une véritable mise en scène, sans pour autant occulter la place de la musique dans le spectacle, plus un « concept » plus ou moins adroit: Pour ce Secret World, rien de moins que l’utilisation de deux scènes, l’une rectangulaire, l’une circulaire, une pour l’homme, une pour la femme. Idée simple, et en ce qui me concerne, bien mieux utilisé ici que le principe des « lower - upper stages » auquel on avait eu droit sur la tournée Growing Up. Ce qui ne signifie pas que le spectacle soit de meilleure qualité pour autant…
En effet, je le sens, depuis les premières lignes de cette chronique fantabulesque, vous désirez jusqu’au plus profond de votre être connaître la réponse à la question: mais nom de nom, entre ces deux DVD dont vous me vantez les mérites, lequel est donc le meilleur? J’aurai d’abord bien du mal à vous répondre… mais il faut bien avouer que ce Secret World Live est inférieur à son cadet… Déjà, et ça vous semblera logique, il y en a qui a plus vieilli que l’autre… D’abord au niveau de la mise en scène (du concert filmé, et non du spectacle en lui-même), pas déplaisante mais toutefois très marquée par ce qui pouvait se faire durant la 1ère moitié des années 90. C’est tout de même cent fois mieux que les plan-plan musiciens qui composent un trop grand nombre de réalisations live encore aujourd’hui, mais face à la virtuosité du GUP Live, c’est clair, ça ne fait pas le poids.
Et puis, le show en lui-même a ses faiblesses: je ne m’attarderai pas sur le look des musiciens qui frise parfois l’abominable (ah, ce claviériste avec son short moulant ET ses chaussettes noires…) Vous devez certainement savoir que cette tournée supportait l’album Us. Vous vous doutez donc que cet album y est très fortement représenté (sept titres sur quinze). Et vous savez bien que Us n’est pas ce que Gabriel a fait de mieux, d’autant plus qu’il en tire les meilleurs moments ("Come Talk To Me", "Secret World") comme les pires ("Washing Of The Water", "Kiss That Frog"). Si les pires ne sonnent pas bien mieux sur scène que sur disque, on déplorera d’autant plus que certains grands titres perdent de leur puissance en live, comme "Steam" qui voit tout son groove s’envoler en fumée, ou même "Come talk to me", qui souffre de l’absence des rythmes tribaux originaux, même si la performance de Manu Katché mérite tous les honneurs. Ceci dit, on aura beau faire la fine bouche comme je le fais actuellement, il sera difficile de ne pas s’extasier sur les versions de "Digging in the dirt" et de la plage finale (histoire de ne pas avoir à réécrire "Secret World" une nème fois) qui elles, en gagnent du punch, et comment ! Pas étonnant qu’on ait retrouvé ces deux titres sur la tournée 2003…
Enfin, et là c’est un problème récurrent dans les live du bonhomme, l’ami Peter a décidé de réenregistrer ses voix. Bon, dommage, mais au fond ça ne présentait pas un problème majeur. Sauf que là, ça se voit… Et ce dès les premières minutes du show. On note en effet, à de très rares moments (mais quand même) une légère absence de synchro son-image… qui n’est pas due à un problème technique. Je peux vous dire que c’est le genre de détail qui casse totalement le plaisir que l’on peut prendre à regarder un tel spectacle. Car du plaisir, et ce malgré le démontage en règle auquel je procède depuis le début de cette chro, on en prend à regarder ce fichu DVD, et pas qu’un peu! Parce qu’à côté de tous les défauts énumérés, il faut signaler la qualité extrême du band (et donc de l’interprétation) qui accompagne ce cher Peter : Levin et Rhodes, fidèles au poste, le sus-nommé Katché, Shankar, au violon et à la voix qui émerveillent (sauf sur "In Your Eyes", où il fait tache), Jean-Claude Naimro, clavériste à l’habillement douteux mais qui fait preuve d’une discrétion et d’une sobriété musicale qui ne peut que plaire, et puis surtout, Paula Cole, choriste qui illumine de sa classe absolue tous les titres auxquelles elle prend part; une voix absolument exquise et un charisme monstrueux… désolé Mélanie mais, toute Gabriel que tu es, tu ne peux rien contre elle.
Et pour les morceaux faibles présents dans ce spectacle (plus nombreux toutefois que pour le GUP Live, et c’est peut-être ce qui va faire la différence pour certains d’entre vous),combien de moments de magie? Il faut voir et entendre l’envol que prend un titre comme "Across the River" avec les chœurs fantastiques de Shankar; admirer la mise en scène bouleversantes de "Slow Marimbas" ou "San Jacinto, ce dernier étant pour moi LE sommet de ce spectacle, dans une version que j’estime supérieure au titre studio, plus lente, plus pesante, simplement magnifique (et curieusement absente de la version double CD du Secret World live). Que dire encore des proportions que peuvent prendre "Shaking The Tree" ou "In Your Eyes" sur une scène, morceaux pop épiques devenant des grand-messes où le public fusionne avec l’artiste… artiste qui fait d’ailleurs preuve d’une forme olympique sur scène, courant en tous sens, se déhanchant comme un diable très porté sur la chose, bref il témoigne d’une sacrée pêche et ça, il n’a pas pu le retoucher…
Alors puisqu’au fond l’objet contient suffisament de moments forts pour qu’on puisse faire l’impasse sur ses défauts, à la question de départ je répondrais: "mais, voyons, prenez donc les deux!"