…qu’on fait les meilleures soupes ! Cet adage, dont le début concluait ma chronique de Shadows In The Light, le précédent album des New Yorkais d’Immolation, a tout a fait sa place ici, en 2010, à l’occasion de leur nouvel album Majesty And Decay. Car depuis trois ans, rien n’a véritablement changé chez Immolation. Le line-up est resté le même, seul un petit changement de label (exit Listenable, enter Nuclear Blast) serait à noter si on avait besoin de meubler, car tout le reste ressemble à s’y méprendre à un copier-coller de l’opus passé. Ou presque.
Qu’on ne s’attende en tous cas pas à une quelconque remise en question du groupe, qui n’aurait de toutes façons pas lieu d’être. Immolation continue sur sa lancée, et fait ce que le groupe sait faire, du death metal. La touche Immolation, qui fait que le groupe a su dans les années 90 se détacher du peloton et se placer dans les groupes de tête qui ont réussi à franchir aujourd'hui le cap des quinze ans de carrière tient en peu de chose : une production typée (le « son » Immolation se reconnait à 200km à la ronde) et des compositions uniques. En ce qui concerne la production, difficile de la coucher sur le papier, on se bornera à signaler une batterie mixée en avant, assez grave, parfois trop envahissante dès lors qu’elle devient rapide, des guitares assez sourdes et puissantes tissant des riffs complexes et rarement prévisibles, avec une bonne dose de technique pour pouvoir assurer dans tous les registres que parcourent le groupe. On y ajoutera une guitare solo aux apparitions assez discrètes, mais avec là encore un son et un toucher aisément reconnaissable, Robert Vigna étant souvent cité lorsqu’il s’agit des guitaristes ayant marqué le monde de l’extrême.
Evidemment, la voix unique de Ross Dolan fait partie intégrante de ce qui compose l’identité d’Immolation, growl monolithique constant et impassible. Cet ensemble est utilisé pour servir des compositions typiquement death metal, Immolation étant presque plus un son unique que des compositions réellement originales et mémorables. Il est assez rare qu’un riff surnage ou qu’un titre marque particulièrement l’auditeur : Majesty And Decay peut s’écouter dans n’importe quel ordre, en entier ou pas, la sensation sera la même. Certes, ce genre de considération peut s’appliquer à un nombre considérable de groupes (surtout dans le death metal), mais chez Immolation, c’est certainement une faiblesse. Il manque aux Américains des riffs marquants, qui font mouche dès la première écoute, au lieu de quoi le groupe brouille les pistes en multipliant les breaks (le batteur n’arrête pas une seconde, pour le meilleur mais aussi pour le pire), le tempo est trop peu changeant (à part sur "A Glorious Epoch", dont la lenteur et la lourdeur occasionnelles sont à signaler) et le côté massif et pas assez aéré de la production n’aide pas à apprécier Majesty And Decay.
Ce qui choque finalement le plus dans cet album épais, c’est la batterie qui semble parfois totalement à côté de la plaque, et qui donne assez souvent une impression de joyeux bordel bancal et mal dégrossi. Evidemment, c’est tout à fait voulu, mais l’écriture de la batterie achève de brouiller les pistes pour l’auditeur en mal d’headbanging. C’est particulièrement patent sur le titre "Majesty and Decay" ou encore "A Thunderous Consequence" et "The Rapture of Ghost", où l’on a du mal à comprendre l’approche rythmique, non pas à cause d’une complexité établie mais plutôt à cause d’une écriture où la caisse claire tombe quasiment de manière systématique en contretemps, où les doubles coups se succèdent et donnent un côté bancal aux riffs. Ce côté existait déjà sur Shadows In The Light, mais il est ici tellement marqué qu’il en devient trop envahissant. Malgré tout, la sensation de puissance de dégageant de l’ensemble de Majesty And Decay est palpable, et la paire Dolan/Vigna prouvent que malgré les années, ils sont encore capables de pondre des titres brutaux, massifs et impitoyables, et tant pis pour les déçus qui font la fine bouche.
Majesty And Decay est donc un album pas évident à appréhender. Malgré une très belle couverture (vous aussi, elle vous fait penser à la couverture du jeu vidéo Wrath Of The Lich King de Blizzard ?), cet album d’Immolation reste une légère déception. Sans non plus avoir attendu cet album comme l’album de l’année 2010, il reste que Majesty And Decay, s’il est un album totalement représentatif d’Immolation, n’est pas un excellent album de death metal.