Un nouvel album d’Iron Maiden. Cette seule petite phrase suffit à mettre en émoi la communauté metal et à relancer d’éternels débats, d’abord sur la discographie récente et passée du groupe avant la sortie dudit album, puis sur la qualité de celui-ci après sa parution. Alors, même si le groupe ne fait plus l’unanimité depuis une bonne vingtaine d’année, commençons cette chronique par un coup de chapeau tiré aux anglais qui, après plus de trente années de carrière, arrivent encore à mettre le feu au poudre sur la simple évocation de leur nom, preuve que l’intérêt est toujours là.
Bien sûr, inutile de chercher un quelconque miracle à l’écoute de cette frontière finale, Maiden n’a pas rajeunit de 25 ans et ne s’est pas remis à composer des tubes comme "The Clairvoyant" ou "2 Minutes to Midnight". La Vierge de Fer a vieilli, et avec le succès, a pris de nombreux tics et est assis sur de nombreuses certitudes que d’autres se feraient une joie de remettre en question. Mais elles sont comme ça, les personnes âgées : bornées, difficiles à convaincre. Et ça ne va pas forcément en s’arrangeant. Prenons par exemple l’opener, que l’on a déjà eu l’occasion d’entendre au détour du premier clip (ou plutôt court-métrage) issu de l’album : un riff banal, une rythmique très flemmarde, des soli dispensables, une ligne de chant mollement accrocheuse et un refrain qui se contente de répéter le titre à l’envi, chantés par un Dickinson fatigués : bof ! En quatre petites minutes, voilà une très belle revue des défauts du Maiden de ce nouveau millénaire.
Curieusement, The Final Frontier a été découpé en deux parties distinctes : une première destinée aux titres « courts », ou plutôt directs (les durées des deux premiers titres sont trompeuses) et une seconde, vous l’aurez deviné, aux titres longs. Comme si les anglais cherchaient à revenir à un juste milieu après A Matter of Life and Death, mais sans arriver à trouver l’équilibre et l’accomplissement dans les deux formules à la fois. On trouvera dans cette première moitié "El Dorado", qui a elle aussi été livrée au jugement des fans avant la sortie de l’album, mais qui se trouve ici sublimée de par sa position, apportant une énergie plus que bienvenue après la mollassonne chanson titre. On y retrouve bien sûr quelques tics, comme la bonne vieille rythmique galopante, mais on sent également une conviction et une patate qui font plaisir à entendre. Dickinson y prend un malin plaisir à incarner son personnage d’escroc et quelque tonalité pourront paraitre inhabituelle pour l’auditeur averti, notamment sur un pont un peu plus sombre.
Et c’est bien là la plus grande qualité de cet album : il surprendra à de nombreuses reprises le fan le plus éclairé des anglais. D’ailleurs, la première lecture lancée, une seule et même question est venue à l’esprit de nombreux fans : est-ce bien du Maiden ? En effet, la chanson titre est précédée d’une intro venue d’ailleurs, composée par Adrian Smith, avec une basse synthétique tout droit sortie d’un titre electro, des guitares inquiétantes, une batterie tour à tour tribale puis martiale et un son étrange. Rafraichissant ! D’ailleurs, et c’est quasiment une constante chez Iron Maiden, l’omni-présence de Smith à la composition fait beaucoup de bien à cet album. On le retrouve ainsi sur la sublime "Mother of Mercy", qui commence comme une power-ballade mais se révèle en fait bien plus sombre, notamment sur son très beau refrain, malgré un Bruce encore une fois poussif. Sa patte est également au détour de quelques moments plus « progressifs », notamment le passage central lancinant de la très belle "Isle of Avalon", lui aussi surprenant.
Mais il n’y a pas que Smith sur cet album, car en plus des incontournables Steve Harris, qui s’est crédité sur tous les titres, et Bruce Dickinson, en charge d’une bonne partie de texte, tous les guitaristes ont mis les mains dans le cambouis. Dave Murray, qui n’est pourtant pas un compositeur régulier, co-signe "The Man Who Would Be King", dont l’introduction voit Bruce, emprunter un timbre beaucoup plus mesuré qui charme le tympan avant d’envoyer la purée. Ce titre est également doté d’un break instrumental surprenant, très aérien, presque atmosphérique si la batterie ne le maintenait pas au sol part une rythmique marquée. Janick Gers a droit à son titre lui aussi : "The Talisman". Conformément à la personnalité du bonhomme, c’est un des moments les plus énergiques de l’album, là encore après son intro calme (qui plagie un peu grossièrement celle de The Legacy) : gros riff, chant déchainé, refrain mélodieux et accrocheur : une belle réussite. Cette deuxième partie d’album est donc très bien lotie. Finalement, c'est peut-être Steve qui s'en sort le moins bien. When the Wild Wind Blows contient certes de très beau passage, mais abuse clairement de la répétition de ses divers riffs et mélodies. Dommage...
Le lecteur attentif aura remarqué que de nombreux reproches peuvent être formulés à l’encontre des anglais rien qu’en parcourant cette chronique. Il convient donc de les évoquer, car certains sont à confirmer, d’autres à contredire. Premièrement : la répétition d’une formule classique sur les titres à tiroirs, à base d’une introduction calme, puis d’un passage plus énergique, un break instrumental, un ou deux refrain et c’est fini. C’est partiellement vrai, puisque d’une part, même si les titres longs commencent tous de manière retenue, la variété des atmosphères est telle qu’on serait bien en mal de trouver de vrais points communs entre les d’"Isle of Avalon" et "The Man Who Would Be King". Deuxièmement : Bruce Dickinson est fatigué. C’est déjà un peu plus vrai, et certaines lignes en souffrent légèrement, notamment les couplets de "The Talisman" ou le refrain de Mother of Mercy et cela pourra sortir l’auditeur de son écoute à plusieurs reprises. En contrepartie, le chant calme colle souvent le grand frisson, et Bruce sort carrément ses tripes sur le refrain de la même "The Talisman", facilitant le pardon que certains seront prêts à lui accorder.
Maintenant, un dernier écueil incontournable est la longueur dispensable de certains titres. Et il est vrai que de nombreux passages ne méritaient pas forcément autant de répétitions, perdant d’autant plus en qualité qu’ils lasseront l’auditeur plutôt que de les maintenir en alerte. De plus, les soli se font souvent partisans d’une équité discutable, quand on voit que Murray est régulièrement en panne d’inspiration et que Gers à tendance à faire dans la redite ou le n’importe quoi plus souvent qu’à son tour. Seul Smith surnage avec sa classe habituelle, mais sans éclats, préférant se concentrer sur la composition (on serait bien mal inspiré de lui jeter la pierre). L’inspiration n’est pas non plus constante, et le milieu d’album donne lieu à un petit passage à vide, avec "Coming Home", qui repompe parfois "Out of the Shadows", et "The Alchemist", plus pêchue car signée Gers, mais pas forcément plus réussie. Cela dit, on ne peut pas non plus parler de bouses inécoutables, très loin de là. Et puis, en rajoutant la chanson titre, ça fait 2 titres et demi sur 10 en dessous du lot. Le bilan est donc plutôt satisfaisant, en fin de compte.
Comme tout ce qui déchaine les passions, The Final Frontier sera à n’en pas douter sujet aux avis les plus extrêmes. Et comme souvent, il sera bien difficile de se faire une opinion valable autrement qu’à l’écoute. Ça tombe bien, le jeu en vaut largement la chandelle ! Alors certes, l’album est rempli de tics et de défauts en tout genre, mais tout de même, arriver à surprendre son auditoire après toutes ces années tout en arrivant à maintenir ce standard de qualité, cela mérite toute notre attention, vous ne pensez pas ?