...”the more they stay the same”, dit le dicton. Cette formule extraite du titre "Struck A Nerve" est un admirable condensé de ce deuxième album attendu du pied ferme par la planète metal après un Burn My Eyes d’anthologie. Les choses ont effectivement changé chez Machine Head : exit l’incroyable Chris Kontos à la batterie, enter le très bon Dave McClain qui s’est depuis installé durablement derrière les fûts. Et d’autres choses n’ont pas bougé : le reste du line-up bien sûr mais aussi la présence de Colin Richardson à la prod' pour garantir à cette galette un son apocalyptique. Et la musique donc ? Et bien…
On connaît tous la critique récurrente faite à cet album malgré son succès d’estime certain : The More Things Change a été taxé à sa sortie de Burn My Eyes bis et les vannes sur le titre de l’album sont allées bon train, certains n'hésitant pas à parler de "copie carbone". Il est pourtant quelques changements qui sautent aux oreilles dès qu'on met ce CD dans le poste : le jeu de batterie a perdu en subtilité du fait du remplacement du génie Kontos par McClain par exemple. Bien que très doué, ce dernier n'a pas le toucher légendaire de son prédécesseur, et se contente d'abattre un boulot considérable au lieu de scotcher l'auditeur au siège. La basse a également pris du galon et on peut enfin profiter du son gras et métallique d'Adam Duce. Par contre, force est de constater que les autres éléments du son de Richardson sont totalement identiques, du grain râpeux des rythmiques à la prise de voix de Flynn qui n'a d'ailleurs pas changé son style de chant d'un iota depuis l'album d'avant, enchaînant toujours chant agressif-mélodique et chant clair.
Dans la famille "c'en est tellement pareil que c'est gênant" on peut également citer les leads de guitare : les petits soli anti-shred imposés par Flynn et Mader sur l'album précédent sonnent vraiment à l'identique, tant au niveau du son que du toucher. L'intégration des harmoniques aux riffs est également calquée sur Burn My Eyes, et certains passages sentent diablement le réchauffé comme le pré-couplet de "Down To None" qui renvoie directement à "A Thousand Lies". Les similitudes sont également détectables d'un titre à l'autre : écoutez la mise en place des riffs d'entrée de "Spine" et "Ten Ton Hammer" et vous comprendrez. Ce genre de petit détail embarrassant revient malheureusement souvent et donne partiellement raison aux critiques de l'époque : The More Things Change est indéniablement l'album le moins inspiré de la discographie de Machine Head, celui qui a le moins fait avancer le shmilblik… Mais réduire cet album au statut de simple copie carbone est par contre abusif, car on y trouve tout de même une petite part de nouveauté.
Deux titres se placent clairement en dehors de cette continuité si envahissante : "Violate" et "Blood Of The Zodiac". Le premier est une compo d'une lourdeur incroyable confinant au doom, dont les couplets sont chantés quasi exclusivement en clair. La structure du titre qui laisse monter la sauce avant de partir en thrash rapide pourrait rappeler "A Nation On Fire" si le titre n'était pas si minimaliste, cyclique et étouffant : il prend à la gorge et reste une démonstration d’art de la mélodie malsaine. "Blood Of The Zodiac" se distingue quant à lui par un rythme en ternaire qui ne sera pas repris avant "Days Turn Blue To Gray". "Bay Of Pigs" et "Struck A Nerve" se placent tous deux dans une veine thrash rapide (voire punk pour le premier cité) qui n'apportent pas grand-chose par rapport aux passages speedés du premier album. Ce commentaire est applicable à deux tiers des compos de ce CD qui s'obstinent à rester dans la même veine thrash mid-tempo syncopée. Tout en proposant un album relativement varié Machine Head échoue à créer la surprise car 95% des riffs rappellent ceux de Burn My Eyes en moins bien.
Je n'ai jamais compris les querelles de clocher entre ceux qui déclarent que The More Things Change est plus violent que son prédécesseur et ceux qui affirment le contraire : c'est du kif kif. Ce deuxième album est peut-être plus lent mais c'est bien la seule différence globale tant les composantes de base sont similaires. Le paradoxe est là : l’album déçoit en toute logique mais reste du sous-Burn My Eyes donc une sacrée claque... Il y a d'ailleurs fort à parier que si les deux albums étaient sortis dans l'ordre inverse Machine Head aurait été instantanément vénéré par tous. Mais le groupe a déçu en se révélant incapable de faire aussi bien dans la même catégorie, d'où le changement logique (et salvateur) de The Burning Red. Certains titres comme les tubes "Take My Scars" et "Ten Ton Hammer" réussissent tout de même à atteindre le niveau des tueries d'avant, mais le simple fait que le groupe ne joue plus que ceux-là en concert résume bien le problème.
The More Things Change est donc un excellent album si vous ne connaissez pas celui d'avant, mais seulement bon dans le cas contraire.