Il y a des jours parfois où je rentre du boulot en ayant l’intime conviction d'avoir passé une journée de merde, et de n'avoir servi à rien. C’est bizarre, mais çà contribue à me plonger dans un état de frustration tel qu’avant de commettre l’irréparable - comme d’égorger le chien de la voisine qui vient régulièrement pisser sur les roues de ma caisse - je décide de me passer un CD capable de servir d'exutoire à ma haine du moment... Ces derniers temps, il y en a un qui sauve systématiquement mon semblant de vie sociale. Ce n'est autre que la dernière offrande des p’tits gars de Machine Head, Through The Ashes of Empires, véritable concentré de colère et de révolte thrash.
Et pourtant, cet album, j’allais l’écouter une première fois à reculons... J’avoue n’être pas du tout fan de l’orientation artistique choisie par leur leader, Robb Flynn, pour les deux dernières productions du groupe : The Burning Red et, pire encore, Supercharger. Des albums efficaces, incontestablement, mais trop opportunistes à en juger par leur côté néo prononcé (et assumé). Cette démarche, me confiait dernièrement un camarade, était destinée à favoriser leur percée sur le marché ricain, friand de gros son, mais pas de la noirceur et de la rage malsaine qui suintaient de l’incontournable Burn My Eyes et de son successeur : The More Things Change . Douteux quoi...
Beaucoup de die-hards prétendront le contraire, évidemment, aussi vais-je m’empresser de dire qu’avec Through The Ashes Of Empires, le débat est clos et réservé aux historiens du groupe. Une chose est sûre, Machine Head a mûri et cela se ressent dans les dix compos qui égrènent l’album. Toujours bourrées d’énergie, blindées de riffs gras et pesants, elles allient efficacité (vous l’aurez compris) à une certaine conception de l’écriture, où les changements de rythmes, voire d’ambiances, sont omniprésents ("Bite The Bullet")… L’héritage des débuts est donc bien là, mais la fureur qui sert de carburant à l’album (comme aux autres il faut bien le dire) est beaucoup mieux contenue et maîtrisée, laissant place aux moments opportuns à des passages plus mélodiques. Est- ce dû à l’arrivée de Phil Demmel dans la bande, en remplacement d’Ahrue ? Il semblerait que oui, Robb l’avoue lui même, le bonhomme ayant glissé solos (dont il assumera la majorité sur scène désormais) et riffs un peu partout, en plus d’avoir co-écrit "In The Presence Of My Enemies" et "Days Turn Blue To Gray". Bah perso, à l’écoute de ces deux bombes-là, je ne vais pas m’en plaindre.
Mais moi, ce qui m’intéresse bien plus, et je le répète encore une fois, c’est que c’est l’album d’un homme en colère, et qui le gueule sans finesse. C’est pas nouveau hein, Robb, il est comme çà… Et on le comprend à la lecture (et l’écoute !!!) de "Left Unfinished", petit intermède autobiographique où il reproche à ses parents biologiques de l’avoir abandonné tout môme. De la façon suivante :
«Fuck you, you cocksucker» (que je traduirais par gredin)
«Fuck you, you whore» (que je traduirais par vilaine)
«I’ll live my life of opposite »
«Of what you are»
Vu comme çà, évidemment... Et c’est la règle pour tout l’album, où les vocaux vomissent la rage (sur "In the Presence Of My Enemies" : «on your grave I will staaaaaaaand !!!!!!» et "Imperium" notamment, le futur pied en live), où la haine vient du cœur, le dégoût des tripes, où les dents grincent, sauf peut être sur "All Falls Down", où le chant sait se faire sirupeux, tout en restant dérangeant, comme il se doit. En toute fin d’album, le titre "Descend The Shades Of Night" est une belle curiosité en partie acoustique qui prend un peu tout le reste à contre-pied, et nous montre que Robb sait faire autre chose que brailler et pondre des riffs de déménageurs bulgares, mais au contraire lisser son chant jusqu’à le rendre poignant, sans jamais relâcher la pression.
Voilà, je ne tournerais pas davantage autour du pot, à vous parler de tel ou tel riff pendant trois plombes, Through The Ashes Of Empires sort Machine Head du créneau des outsiders doués (mais frustrants) où le groupe avait sombré avec Supercharger. Les nostalgiques ou les plus nerveux d’entre nous préfèreront peut être Burn My Eyes, mais moi, qui aime le bourrinage bien ficelé et le thrash qui ne s’arrête pas à la succession de deux riffs, je vote définitivement pour cette dernière production.
PS : sur le deuxième CD vous trouverez deux vidéos : une de "The Blood, The Sweat, The Tears" en live, énorme, et une du making-of de Through The Ashes Of Empires, pas mal du tout, où les gars parlent un peu de leur matos. Des démos aussi.