Pour commencer, mettons les choses au point : je ne supporte pas Dark Passion Play, album certainement le plus fade et le plus médiocre pondu par nos Finlandais. Ensuite, la voix d'Anette m'irritait, à tel point que j'avais enterré Nightwish depuis 2007, en me consolant sur une carrière solo de Tarja en demi-teinte (un premier opus banal mais un What Lies Beneath qui remonte bien la pente). Bref, tout ça pour vous restituer un certain contexte avant la lecture de cette chronique. Et je sais ne pas être la seule dans cette position, peut-être allez vous, à la lecture de ces lignes, vous reconnaître. C'est donc prise d'un réel scepticisme que j'entame l'écoute d'Imaginaerum, nouvelle galette made in Finland, agrémentée en 2012 d'un film…
…Et ça fait mal. Mais dans le bon sens car c'est une énorme claque qui nous est mise à l'écoute d'Imaginaerum. Vraiment, Nightwish, tel le phoenix, renaît de ses cendres et nous inflige une sévère correction, bien méritée. Mais en tant que grande prêtresse de la méchanceté, commençons par énumérer les points qui nous titillent : premièrement, "Arabesque" ne sert à rien, cet interlude n'est là que pour ajouter un treizième titre. Secundo, on va exclure "Turn Loose the Mermaids", parce que c'est une ballade kitsch et qui n'apporte strictement rien. On s'y ennuie, tout bêtement. Enfin, le clavier sur "Storytime", on jurerait du recyclage de "Ever Dream". Une tendance à la redite, cher Tuomas ? C'est dommage car tu as déjà prouvé que tu savais être original et te renouveler… comme sur ce nouvel album, par exemple !
Hé oui, Nightwish fait peau neuve, et c'est tant mieux. Bon, là encore je vais adresser un reproche au quintet (ouais encore, elle est méchante Mita) : pourquoi donner une telle place à l'orchestration, qui parfois étoufferait presque le reste ? C'est dommage car, bien amenée, elle offre une dimension épique à l'opus, mais de temps en temps, c'est juste trop. Enfin, Imaginaerum respire la B.O., une nouvelle direction voulue par Tuomas et qui semblerait porter ses fruits car celle-ci est grandiloquente, symphonique à souhait, influencée par Danny Elfman, et nous offre de grands moments d'une musique aux hymnes déjà inscrits. Est-ce que ce brûlot atteindra un jour le statut de culte, comme Oceanborn ? On sent que le groupe veut s'en donner les moyens et déchaîner les foules, faire adhérer à cette démarche hautement réussie mais qui, pourtant, divisera, par une certaine dimension moins metal.
Et pourtant cet album marche fort, et nous fait rêver. Son petit monde féerique nous ouvre ses grandes portes mais seulement après la persévérance nécessaire pour permettre une certaine résistance aux écoutes. Déjà, les titres ont besoin de temps pour être compris, et ne sont pas aussi évidents qu'ils le paraissent au premier abord. Si "Storytime" ou "Turn Loose the Mermaids" sont plus simples et moins intéressantes, on retrouve de véritables tueries dignes de se retrouver au panthéon Nightwish : "Scaretale" pour son ambiance magnifique et ses expérimentations, "Slow, Love, Slow" et sa pause jazzy, "I Want My Tears Back" aux harmonies celtiques plaisantes et au refrain percutant. De même, "Last Ride of the Day" est une petite merveille digne des plus grands, et "Rest Calm" est superbe de simplicité, portée par les émotions. Seule la fin de "Song of Myself" empêche ce long morceau d'atteindre le plus haut rang, dommage.
Au rayon des surprises, on notera également les énormes progrès accomplis par Anette Olzon qui, enfin, délivre une performance digne de ce nom ! Que ce soit l'hystérie et l'énervement sur "Scaretale", la douceur d'un "The Crow, the Owl and the Dove" ou encore la sensualité sur "Slow, Love, Slow" et son ambiance cabaret, la Suédoise est un caméléon, qui se fond dans toutes les peaux, tous les décors. Celle qui peinait à faire oublier Tarja sur Dark Passion Play est désormais accomplie et s'illustre désormais en tant que vraie frontwoman, avec le charisme suffisant pour un tel rôle. Marco lui s'en tire toujours avec les honneurs, et même s'il est moins présent, on apprécie toujours ses judicieuses interventions. La complémentarité vocale entre les deux n'a jamais été aussi affinée.
Imaginaerum est donc l'album de la maturité qui vient confirmer à nouveau l'espoir que Nightwish est capable de prouver qu'il est un grand groupe. De superbes compositions, une chanteuse qui n'est définitivement pas une erreur de casting et des tonalités variées nous permettent de passer un excellent moment à l'écoute. Rattrapant l'erreur d'un précédent opus insipide, cela donne presque envie de voir comment le groupe va défendre les nouvelles compositions sur la scène. Rien qu'à imaginer un "Last Ride of the Day" sur scène, imaginez déjà l'extase ...