Il est de ces retours que l'on n'espérait plus ou, alors, que l'on fantasmait gentiment en silence, en se remémorant, la larme à l'oeil et les disques à la main, les belles années passées: parmi ces retours, 2008 voit celui de Septicflesh – qu'il faudra désormais écrire ainsi - groupe culte s'il en est, surtout après un album de la trempe de Sumerian Daemons, qui avait foutu sur les genoux une bonne partie de son auditoire par ses innombrables qualités, mais aussi par le split impromptu et désolant qui avait suivi sa publication.
Aujourd'hui, c'est de Communion, l'album de ce retour tant espéré, dont il s'agit. Un album mûri, réfléchi, profitant à la fois de l'expérience accumulée par la tête pensante du groupe grec, Chris Antoniou, grâce à son projet ambient/classique Chaostar et des nombreuses subtilités de leur dernier album en date. Cependant, revenir sur le devant de la scène après cinq longues années de silence, réorganiser les forces et faiblesses d'un collectif remanié et forcément mis à mal par un split dont on ne voudra forcément plus entendre parler, enfanter le successeur d'un monstre tel que Sumerian Daemons et tenter de rééditer un exploit similaire à celui-ci sont autant de raisons qui font naître une certaine inquiétude à l'écoute de Communion.
Les différentes interviews parues suite à la publication de ce nouvel album ont montré un groupe sans véritable pression. À entendre Communion, il est simple de comprendre pourquoi: cet album du retour est totalement décomplexé, à l'instar du Monotheist de Celtic Frost. Dès les premières notes de "Lovecraft's Death", on se retrouve plongé dans un maëlstrom de fureur, une turbulence de folie que seuls Antoniou et ses sbires savent créer. Bien sûr, on sait que Natalie Rassoulis et son formidable chant soprano ne sont plus de la partie – regrettable, mais l'apport de cet orchestre littéralement gargantuesque (quatre-vingts musiciens) et de ce chœur de trente-deux personnes comble la grosse déception de son absence sur ce disque. La démesure du nombre en point de mire, tout ce petit monde aurait pu néanmoins signifier la réalisation d'un Chaostar-bis.
Il n'en est rien: les trente-neuf minutes de l'album, aussi courtes et frustrantes soient-elles, demeurent du Septic Flesh pur jus. Mieux, la modernité et l'ampleur du son concocté une nouvelle fois par l'indispensable Fredrik Norström – réellement impressionnant et ce n'est pas un vain mot, surtout en ce qui concerne la batterie - participent à la jouissance et au grand frisson ressentis à l'écoute de Communion. Ce dernier va à l'essentiel et réalise une synthèse logique entre l'envoûtement et la grandiloquence de Sumerian Daemons ("Lovecraft's Death", "We, the Gods" et le tonitruant "Babel's Gate" où le blast dispute aux parties classiques monstrueuses), les vélléités gothiques et mélodiques observées sur Revolution DNA où le chant clair de Sotiris V., absent de Sumerian Daemons, ici fait des merveilles (le gracieux et volatile "Sangreal" et "Sunlight Moonlight", imparables) et l'expérience Chaostar vécue par Antoniou, à son apogée ("Persepolis", "Annubis", épiques à souhait).
Néanmoins, la finesse d'écriture et l'émotion de Sumerian Daemons et du non moins culte Ophidian Wheel manquent légèrement à l'appel, tant on a l'impression que Septic Flesh veut, en toutes circonstances, maintenir le blanc (les parties classiques) et le noir (les parties death), sans travailler à fond ses nuances de gris: certes, Communion est énorme, certes, l'orchestre se fond littéralement dans l'ensemble, mais son tracklisting demeure souvent carré et manichéen, à l'image des titres majoritairement saturés, qui oscillent entre fureur classique incontrôlable et démonstration technique froide ("Communion").
Ainsi, malgré son aspect rentre-dedans affirmé, ce nouvel album ne se contente pas d'appliquer un style, qui, mine de rien, renvoie tous les prétendants au mélange metal/parties orchestrales dans les cordes – on a affaire ici à un album racé à l'extrême, d'une puissance véritablement peu commune, qui exerce un pouvoir de fascination inimaginable. Après, la grandiloquence - loin de sonner kitsch mais aussi loin d'être anodine ici – pourra rebuter les réfractaires et les trente-huit minutes de Communion sont aussi sèches qu'un coup de trique, laissant un petit goût de trop peu.
Moins complexe que Sumerian Daemons, plus efficace aussi, pour peu que l'on fasse – et c'est difficile – abstraction de ses illustres prédécesseurs (Sumerian Daemons et Ophidian Wheel en tête, qu'ils ne referont jamais), qui atteignaient des hauteurs inégalées et que l'on prenne en compte la qualité des arrangements vocaux et orchestraux, véritablement fabuleux, Communion est un putain d'album. La messe est dite, laissez les portes de l'enfer grandes ouvertes.